Bras croisés, tête sur la table, je pouvais profiter de quelques bonnes minutes de sommeil tant que mon camarade de devant ne se levait pas : comme c'est bien grâce à lui que je me cache. Pourtant Dieu sait que le professeur me connait trop bien en ce qui concerne mon amour fou pour la sieste. Mon ventre gronde à plusieurs reprises, il fallait dire que j'avais notamment faim, aller courage coco c'est bientôt l'heure. TU PEUX LE FAIRE. Tu le peux. Petit à petit, le sommeil commençait réellement à m'envahir comme si j'étais dans mon lit, jusqu'à ce que je sente qu'on me tire quelques mèches. Je lâche un bruit de mécontentement, comme pour dire fichez moi la paix. pensant alors que c'est une taquinerie de ma camarade. Je décide donc finalement de légèrement redresser la tête, et aperçoit le professeur. Je me redresse net, ravalant ma salive et me frottant l'arrière du coup l'air un peu gêné. C'est parti pour deux minutes de leçon et de phrases typique d'un enseignant. Mais je n'y prête pas réellement attention, disons que j'encaisse, et attend simplement que l'heure passe.
Enfin.
Liberté.

Quatre heures de cours enfin terminés. Je pouvais me sentir revivre, souffler et peut-être même voler si j'avais des ailes. Alors je me précipite vers le réfectoire, priant pour qu'il n'y ait pas trop de monde (personne n'aime attendre 10 minutes, pas même toi qui me lis). Mais d'après ce que je peux voir, il me semble un peu trop tard. Tant pis. J'attendrai comme tout le monde. Je m'appuie dos contre le mur en attendant que que les autres passaient. Certaines personnes ont pris la sale habitude de dépasser les autres, mais je pense que celui ou celle qui a l'intention de faire ça sous mon nez devra repousser son jour à l'année prochaine, un jour où je suis absent. Non seulement c'est un manque de respect, montrer aux autres qu'il y a une différence et donc se sentir avoir les droits de. Pour le moment, depuis mon arrivé ça m'est arrivé une fois, et j'ai laissé passer ça. Bien que je dois avouer qu'à cet instant je n'avais qu'une seule envie : celle de pousser tout le monde tellement ça prenait beaucoup trop de temps. Petit à petit, on avance (de 10cm certes, c'est déjà pas mal) s'il y avait autant de monde, c'est que visiblement c'était le jour des frites.

Water and Fire

Hella. Aujourd'hui deux heures de cours. Bon, j'peux tenir, mais ça fait un peu chier. La première, qui s'avérait être ma 3ème heure, était un cours de français. Ouais, j'y vais histoire de comprendre un peu cette langue, même je suis perdue au bout de quatre phrases, et le pire c'est quand il parle de "oxymore" et de "anti-phrases"... Le français est vraiment une langue trop compliquée.
Enfin, après, mon cerveau a moins travaillé, vu que le cours était de l'anglais. C'est sans doute la seule matière où je compte un peu plus travailler, avec le sport. Parce que les autres matières... Je comprends rien et je ne veux pas.
Bref, même si je ne participe pas en anglais, à chaque fois que le prof' m'interroge, il est surpris. La meilleure fois c'était la première, j'étais sûre qu'il s'attendait au super accent asiatique mais non. J'lui ai sorti la méga-phrase bien construite tout ça. Et depuis, je suis les cours d'anglais, mais même si ça m'ennuie un peu. Mais peut-être que je pourrais tirer quelque chose de lui. Genre des compliments pas inutiles.

Enfin, la sonnerie me tira de ma lassitude et je rangeais toutes mes affaires dans mon sac, même si je n'emploierais pas le verbe ranger. Mais plutôt : foutre tout dedans. Puis après m'être étirée et avoir baillé, je me dirigeais vers ce que mon estomac voulait, c'est à dire la bouffe, donc la cantine. Ce fabuleux endroit avec plein de nourriture... et plein de gens.

Un troupeau s'était formé aux portes de la cantine. Je me trouvais au bout du troupeau, et je ne pouvais même pas en voir le bout. C'est juste la cantine pourtant. Je soupirais et essayais de me frayer un chemin, sans pour autant chercher à m'enfoncer dans le tas.

Tout aurait pu se passer calmement si on ne m'aurait pas bousculé. Je ne savais qui s'était, ni même sa classe, mais je m'en fous franchement. Je l'ai regardé, avec une envie de le frapper, mais je le plaquais juste contre le mur. Il était d'ailleurs la même taille que moi, et je n'avais même pas eu de problèmes à le pousser. Bref, j'ai passé mon bras juste à côté de son visage, et j'ai planté mon regard dans le sien, histoire de bien le faire flipper. Ce qui faisait un peu effet. Fallait maintenant ajouter de la parole. Des fois, j'oubliais que ma réputation ne me suivait pas jusqu'en France.

- How dare you push me aside ?

Il essaya de marmonner quelque chose, mais il avait tout de suite baissé les yeux tandis que je lui hurlais un peu dessus. Ce pauv' gars n'avait pas d'amis, personne pour l'aider ni le soutenir.

- AH ? I CAN'T HEAR YOU.

Ce type ne bougea pas. J'avais l'impression qu'il tremblait. Chouette ! Inspirer la peur rien qu'en faisant ça, c'était cool. Mais le mieux, c'était quand les gens s'étaient tus. Ca me mettait un peu dans l'embarras, que tout le monde me regarde, mais avec le temps, c'est quelque chose que j'arrive plus ou moins à maîtriser.

- Ok, je laisse passer. Just for this time.

Je le laisse et je l'entends soupirer. Puis, j'me tourne vers la foule, et il me suffit d'un regard vers eux pour leur faire reculer d'un pas. Maintenant, il fallait que je passe dans la queue. Et pas question d'attendre quatre mille ans.

- Laissez-moi passer.

J'avais eu un doute de la construction de la phrase, mais il semblerait que ce soit bon, car beaucoup de gens se décalèrent pour pouvoir me laisser passer dans la queue de la cantine. Et j'en vis enfin le comptoir. Pas que je l'avais jamais vu, mais c'était toujours cool de le voir, de voir toute cette bouffe et ce bepsi. Enfin, j'avançais toujours vers le bout de la queue, pour enfin atteindre les plateaux. Ah, enfin j'allais soulager mon ventre, avec cette bonne bouffe. Donc avec un petit sourire aux lèvres, je pris un plateau, et me dirigeais vers l'entrée. Non, je n'ai pas fait attention aux gens que j'ai dépassé. De toute façon, qui compte répliquer maintenant ?

Une scène attire soudainement mon attention. Un garçon se faisait plaquer au mur par une asiatique. Sûrement une histoire de couple, ou qu'en sais-je. Mais visiblement je me trompais. Elle se mettait à parler anglais. C'est là que je me pose une question : qu'est-ce qu'une touriste fout au pensionnat ? Si j'ai bien compris, il l'avait seulement poussé et ça n'avait pas plu à la demoiselle. J'allais me retourner sans y prêter d'attention, jusqu'à ce qu'elle continue de lui hurler dessus. Je vois alors le pauvre petit mec se sentir mal, non seulement par la pression de la jeune fille mais des personnes qui les observait en plus. C'est vrai, se montrer en spectacle en victime ce n'est pas cool, c'est d'ailleurs même humiliant. Je fronce alors les sourcils mais ne réagit pas pour autant. Tiens, plus personne ne parlait ou même osait réagir. Sûrement parce que la jolie brune venait de se montrer sous un air intimidant alors forcément, personne n'a envie d'être à la place de ce petit gars. Ça me fait de la peine. Elle finit par le laisser et évidemment, elle dépasse tranquillement la queue où plusieurs attendait tranquillement leur tour sans ne rien demander. Et c'est peut-être une élève car elle parlait finalement français (en même temps que foutrait un touriste ici??) Alors là, je n'en revenais pas. Elle se croyait vraiment tout permis, elle s'était prise pour qui celle-là ? Ah non, non, c'était mon tour là. Elle se fichait vraiment de la gueule du monde. Elle exagère. Cependant, je ne dis toujours rien. J'observe, je rage intérieurement. Je contiens ma colère tellement profonde.

Bien, si madame s'est prise pour une VIP c'est comme elle le sent. Seulement elle ne va pas s'en sortir de cette manière. Elle a sans doute l'habitude à ce que les autres se taisent face à elle. Ce ne sera certainement pas mon cas. Faut pas pousser mémé dans les orties. Je prends mon plateau tout juste après elle, je prends du pamplemousse en entrée et attends que la reine avance. Je me tourne donc vers elle, assez mécontent.

- Tu t'es prise pour qui ? Tu sais que c'est mon tour là ? Ah mais oui, tu le sais. Evidemment, c'est juste que tu t'en bats les couilles.

Je tends alors mon bras pour récupérer du fromage blanc afin de le reposer sur mon plateau. D'ailleurs je récupère celui-ci, dépasse la brune en repoussant son plateau vers l'arrière afin d'installer le mien. Je continue donc de prendre les aliments dans le bac tout en continuant à discuter en gardant mon calme. Bien que je n'avais qu'une seule envie c'était de bien lui hurler dessus.

Tu sais miss, dans la vie on n'a pas tout ce qu'on veut. Mais je pense qu'on a pas du te l'apprendre et encore moins les bonnes manières. D'ailleurs, c'est pas très cool ce que tu as fait au petit gars et pourtant tu fais la même chose en passant comme une princesse. Bon mais tu m'excuses, moi aussi j'ai sacrément faim et je suis un prince alors je me permets de passer avant toi. Sans rancune ma jolie.

Je ne suis pas de nature provocateur, mais je me devais de réagir et jouer le même jeu qu'elle.

Water and Fire

- HAAA ?

Alors là c'était la meilleure. Non, franchement, je ne m'y attendais pas du tout. J'étais surprise, mais c'était une surprise étrangement agréable et pourtant irritante. Agréable parce qu'enfin on s'opposait à moi, mais irritante parce qu'on me double. Ah mais je ne supporte pas la défaite, et c'était clairement un défi là.
Je grimaçais après m'être exclamée. Je fronçais les yeux, tandis qu'un se plissait à cause de ma bouche qui partait en coin. Ouais, c'était une pose chelou, mais j'y peux rien.*

- Tu t'es prise pour qui ? Tu sais que c'est mon tour là ? Ah mais oui, tu le sais. Evidemment, c'est juste que tu t'en bats les couilles.

Une veine éclata sur mon visage. En plus il me doublait, et il me répondait - et évidemment, j'avais compris, vu que je ne comprends que les insultes. Bon, déjà, vu le style, la taille, ce type avait l'air plus vieux que moi. Mais il avait l'air cool avec sa coupe de cheveux. J'l'aurais pas touché, mais vu qu'il me provoque, fallait bien répliquer au rouge.
En tout cas, je restais derrière lui, ne prenant pas d'entrée. Attends, depuis quand le pamplemousse c'est une entrée ? C'st un dessert. Du moins, je crois. Enfin, vu qu'il avait pris deux desserts, le yaourt en était un non ? Bref, je lui piquais son fromage blanc et le laissais me doubler. Cependant, faut pas croire que c'est gratuit. Car oui, j'attendais juste un moment d'inattention de sa part pour lui faire un croche-patte. C'était petit, mais c'était la meilleure façon de l'humilier tout seul.

- Tu sais miss, dans la vie on n'a pas tout ce qu'on veut. Mais je pense qu'on a pas du te l'apprendre et encore moins les bonnes manières. D'ailleurs, c'est pas très cool ce que tu as fait au petit gars et pourtant tu fais la même chose en passant comme une princesse. Bon mais tu m'excuses, moi aussi j'ai sacrément faim et je suis un prince alors je me permets de passer avant toi. Sans rancune ma jolie.

Il me faisait la morale ? Ok. La c'est bon, j'peux plus me retenir. Trop c'est trop. Et là il est allé un peu plus loin que trop. Bon, j'devais avouer que le compliment à la fin, ça me déconcentra légèrement, mais je compris après coup que c'en était pas un. Enfin, je lui offris un coup de pied derrière le genou, tant pis pour le croche-patte, il viendra un autre jour. Pas trop fort, mais peut-être assez pour le faire perdre l'équilibre. En tout cas, il était pas uniquement mou ce type.

- Si j'ai pas ce que je veux, j'fais c'que je peux pour l'avoir d'abord. And je ne suis pas a princess, neither you're a prince ! Et tu peux rêver pour te laisser me doubler une nouvelle fois. Tch.

Toujours sur les nerfs, j'accélérais le pas et le doublais pour rejoindre un autre comptoir qui servait le plat principal. J'avais oublié mon verre, aussi ma cuillère mais pas question de retourner en arrière. Tant pis, j'mangerais le yaourt à la fourchette et je boirais directement à ma bouteille.

Et le plat principal avait l'air bon. Frites et nuggets. J'étais pas fan, mais pourquoi pas ? J'en mange rarement, vu que je préfère la cuisine japonaise, mais depuis que j'ai débarqué en Europe, j'ai même pas pu en manger. La poisse.

HRP : * = la grimace que j'arrive pas à décrire xD:

Je pouvais lire sur son visage que demoiselle était tout aussi surprise que mécontente. Ouh attention, la tigresse est énervée. Je suis pratiquement certain qu'elle pouvait très bien s'offrir en spectacle avec moi comme elle l'avait fait avec l'autre petite victime. En revanche, j'ai pas mal de répondant et d'idées en stock. Va falloir faire attention petite. Alors autant prendre des risques, je savais très bien que si j'allais loin, avec ce genre de personne il faut s'attendre à une claque ou un poing. Ils ne savent répondre que par la violence, m'enfin je peux comprendre on ne peut pas avoir la force et l'intelligence en même temps. Non je déconne j'en suis la preuve vivante. Tiens d'ailleurs elle venait de me piquer mon fromage blanc. Tu ne vois pas qu'il y en a encore une vingtaine dans le bac ? Evidemment elle me cherchait. J'hausse les épaules : ce n'est pas grave, gentille maman m'a toujours appris de me resservir. C'est alors sans m'y attendre que je me prends un magnifique coup de pied derrière le genou qui m'a fait faire perdre l'équilibre devant tout le monde. Je baisse la tête, affichant alors un sourire surpris par autant de culot. Je me redresse tandis qu'elle exprime son mécontentement avant de me doubler. Oh ça, c'est ce que tu penses. Je suis loin de m'avouer vaincu, du moins pas après ce qu'elle venait de me faire en public. Je glousse avant de lâcher assez fort devant les cantiner et les autres élèves.

- C'est dur pour elle de se faire larguer... Elle sera mieux sans moi, c'est pour son bien.

Evidemment, j'aimais bien ce genre de petit jeu. C'est toujours amusant. Aller, tiens, prends ça. J'avais tellement envie de pouffer mais je gardais mon sérieux. Il fallait que je sois assez crédible bien que je suis sûr que ça risque de ne pas trop lui plaire : non seulement parce que je venais de mentir mais sa fierté devait être également touchée. Je lui lance un petit clin d'oeil assez discret, rien que pour la narguer. Je finis par rejoindre le comptoir du plat. Les frites. Ah cette odeur bordel. Ce bonheur, je suis en extase devant des frites, PARFAITEMENT. En même temps quand on mange semoule, riz jaune avec crevettes (je hais ça) et lentilles la semaine.... Je remarque qu'elle en avait oublié sa cuillère. Je la regarde, puis son plateau, puis elle. Je lui fais comprendre par mon regard et mon sourire, que je l'avais bien remarqué et que je trouvais ça ridicule.

- Ça arrive quand on se concentre trop sur moi.

Je n'étais absolument pas narcissique, mais j'avais juste envie de m'en jouer. Je finis donc par prendre une mine assez désolé pour elle, lui vole une frite que je mange avant de récupérer mon plateau et partir m'installer tranquillement. Je commence donc à déguster les nuggets, le meilleur pour la fin j'ai envie de dire. Puis comme si j'avais envie de briser ce moment de tranquillité, je décide de placer la cuillère au bord de l’assiette en direction de la jeune asiatique, j'y place deux frites sur la partie ovale et finis par taper violemment sur le bout. Bon il y en a qu'un qui a touché sa tête mais c'est déjà mieux que rien. Ce n'était pas méchant, plutôt gamin, mais comme je le dis souvent les petites blagues sont parfois les plus chiantes. Je baisse alors la tête comme si de rien n'était et continuer à manger tranquillement.

Spoiler:

Water and Fire

- C'est dur pour elle de se faire larguer... Elle sera mieux sans moi, c'est pour son bien.

Avait-il osé ? Oui, il l'avait fait. IL L'AVAIT PUTAIN DE FAIT. Un plein headshot dans les feels. Oh mon dieu, je sens mon esprit afficher toutes les insultes possibles dans toutes les langues que je connaissais. Mais en même temps, répondre par de la violence à ce moment là, c'était pas possible. J'avais encore mon plateau en main. Et on pouvait pas se resservir. J'avais tenté l'expérience en Angleterre, ils étaient pas cool là-bas, mais ici aussi, les gens semblaient tout aussi cool que le pays des "tea time".
J'avais la haine parce que mon esprit ne trouvait rien d'autre à répliquer, autre en japonais. Et encore plus la haine quand il m'afficha son "cling" totalement ridicule. Il méritait un bon pain dans sa gueule là. Puis ça m'énerve aussi qu'il soit content juste en regardant les chips. Ca m'agace aussi qu'il me sourit, et qu'il me regarde avec ce sourire. Je crois qu'en fait, tout en lui m'irrite.

- Ça arrive quand on se concentre trop sur moi.

Des fois, je regrette de ne pas avoir plus regardé la télé. Ils sortent tellement de bonnes phrases dans ce genre de situations. Et moi, je suis là à ne rien répondre. D'un côté, si je me laisse répondre, c'est en anglais ou en japonais. Et là, je suis sûre qu'il pourra me narguer avec un truc du genre : "Haha, tu ne sais pas parler français !" Ou quelque chose du genre. Donc j'aurais la honte. Et franchement, je ne préfère pas. Mais je ne peux m'empêcher de marmonner à moi-même.

- In your dreams, mot********r.

Ok, j'ai pris mes frites. Mais c'était pas pour qu'il me les pique. Pfff. Ca, ça n'allait pas passer inaperçu. J'essaie alors de coller ma cadence à la sienne pour pouvoir lui donner un bon coup de pied, ce que je réussis... A la mauvaise personne. C'était une personne sauvage -de mon niveau sans doute- qui est apparue entre lui et moi. Autant dire que mon simple regard qui n'avait qu'une envie de revenge lui a suffit pour dégager. Cependant, maitenant que j'étais là, autant m'asseoir à sa table. Devant lui, c'était plus pratique pour l'embêter.

Le coude sur la table, la main à la joue pour soutenir mon visage tandis que l'autre main enfournait dans ma bouche les frites et nuggets machinalement. Je le fixais. Combat du regard ou non, cela ne l'empêcha pas de vouloir me lancer des frites en pleine gueule. Je n'en ai rattrapé qu'une sur deux. La poisse, la poisse. Mais il voulait jouer à ça ? On allait jouer.

Je pris le bros d'eau, pour me servir de l'eau dans mon verre. Sauf que.

- Oupsiiie !

Je pris l'accent de fille au quota d'âge mental se rapprochant de zéro en remarquant ma pseudo bêtise. J'avais malencontreusement renversé de l'eau dans son assiette. Non pas que j'ai lancé le bros, mais disons que mon bras a "zouiip" ou dérapé et pouf. Maintenant, ses frites flottaient dans l'eau. Et il ne risquait pas de pouvoir s'en prendre aux miennes, je les avais déjà mangées. J'affichais alors un sourire victorieux tandis que je pris mon yaourt. Comme je n'avais pas utilisé ma fourchette pour le plat principal, je pouvais manger avec ma fourchette sans arrière-goût dégueulasse.

Par contre, je ne lâchais pas son regard de lui. J'étais prête à la moindre contre-attaque de sa part. Si ça terminait en bataille de nourriture, ça serait géant quand même ! Ca m'avait manqué ce genre d'événements. Tant pis pour mes habits à la limite.

Wow. Je ne m'attendais pas à ça. Elle avait du cran. Bravo, je dois le reconnaître. S'installer à ma table, c'est que vraiment elle doit avoir un côté masochiste et sadique, sans doute. Non parce que je doute vraiment qu'elle s'est placée là pour me parler du beau temps. Je la fixe silencieusement, je me mets sur mes gardes ou me prépare mentalement : elle allait certainement agir. On dirait deux gamins qui attendait de voir qui allait cligner des yeux. Puis finalement, elle se servait de l'eau et là. et là. ET LA, c'est le drame. Mes frites étaient complètement noyés. Je les observe d'un air dramatique, comme si je perdais l'amour de ma vie. Quand même. Quand même le seul jour de la semaine où ça tombait sur des frites. Je lève les yeux vers elle en les plissant tel un cow-boy. Tu m'cherches tu m'cherches skwkfjsklrie-yk je la regardais sourire fierement avant de bouffer son yaourt avec sa fourchette.

- T'es ridicule avec ta fourchette. Lançais-je toujours en train de rager.

Cependant, je ne faisais aucune remarque sur le geste qu'elle avait fait. Je ne m'énerverai pas si c'est ce qu'elle voulait. Je faisais simplement comme si ça ne m'atteignait pas alors que forcément c'était tout l'inverse. Je prends mon fromage blanc - celui que j'avais repris comme la vile m'en avait volé un -histoire de me remplir le ventre pour pas mourir de faim comme un clochard. Je le mange alors calmement. Une fois terminé, je jette ma cuillière sur son plateau.

- Tiens, c'est cadeau prends le. T'auras l'air moins stupide.

Forcément que je me disais bien qu'elle n'allait pas le prendre comme j'avais bouffé avec. Mais ce n'était pas comme si ce n'était pas voulu. Ça me fait quand même rire, il y a quelques minutes elle était en train d’agresser un mec, me voilà sa nouvelle victime du jour. Mais ne t'en fais pas, je ne suis pas du genre à me laisser faire non plus. Maintenant, à moi d'attaquer : je prenais plusieurs frites mouillées et le lui lancer discrètement sur ses vêtements.

- Je t'aide à te faire une combinaison en frite mouillé comme Lady Gaga sait si bien le faire avec du steak. Tu vas être sublime crois l'artiste que tu as en face de toi, c'est Jean Paul Gaultier lui-même qui l'a dit.

Elle va me haïr, mais me haïr. Parce que la haine n'avait pas encore commencé peut-être ? Aucune idée. Mais je n'avais encore jamais mangé dans un réfectoire avec une tension et des conneries pareilles. C'en était presque amusant, il fallait l'avouer. Je prends du sopalin afin d’absorber l'eau sur mon assiette, puis j'échange la mienne avec la sienne. Je lui souris ironiquement, et je ne m'arrête pas là, je prends même son verre d'eau, je n'avais pas pris le mien.

- Ça me stress d'avoir une assiette en bordel, ne m'en veut pas hein. Oh et je t'ai passé ma cuillère, j'peux bien prendre ton verre, peace.