Pocky daisuki [PV Kyandï] /FINI/

C'est le long et insupportable bruit du réveil-matin qui me tira hors des bras de Morphée, m'obligeant ainsi à faire face à la réalité; je faisais mes débuts à ''Suki Gakuen'' dès aujourd'hui. Un nouveau lycée, de nouveaux gens, de nouveaux professeurs, de nouveaux couloirs... Dire que j'avais envie d'y aller était un euphémisme, mais je n'avais pas d'autres choix qui s'offraient à moi. De toute façon, je savais que je finirais bien par m'y habituer un jour, et ce jour était d'ailleurs peut-être pour bientôt. Depuis bien longtemps déjà j'avais eu le temps pour m'habituer à faire face aux changements de ce genre. Je me levai donc à contre-coeur de mon lit avant de prendre une douche et de choisir mes vêtements pour la journée par après. J'optai pour un hoodie rouge foncé un peu trop grand avec un slim foncé et des converses noires. Trouvant que le tout était un peu trop simple, j'ajoutai quelques accessoires comme des bracelets, et des gants à mes mains. Finalement, j'attachai ma frange à l'aide d'un élastique afin de ne pas l'avoir devant les yeux, prit mon sac à bandoulière que j'amenais toujours avec moi contenant quelques livres et une boîte de pocky et quittai ma chambre, dans les dortoirs. Parait-il que je serais obligé de la partager avec une autre personne, et cette idée ne me plaisait pas du tout.

Après, ce fut une longue matinée pénible, où je dû me présenter devant toute la classe; et Dieu sait à quel point je haïssais parler devant une foule de personne qui m'observaient comme si j'étais un monstre. Bien sûr, je m'en fichais, c'était surtout le fait d'avoir à parler inutilement -et de moi- qui m'agaçait le plus. Heureusement, personne ne voulut me poser de questions -peut-être les effrayais-je, mais je n'allais certainement pas m'en plaindre- et à la pause déjeuner je m'aventurai dans les couloirs de l'établissement à la recherche d'un lieu tranquille où je ne risquerai pas qu'un abruti puisse venir me déranger. Je croisai au détour d'un couloir quelques personnes qui me dévisagèrent légèrement, mais que j'ignorai royalement et je fis comme s'ils n'avaient jamais été là.

J'arrivai finalement dans un lieu tranquille, qui était probablement une cage d'escalier. Je soupirai longuement en m'adossant contre un mur et je m'y laissa glisser, avant de me retrouver les fesses à même le sol. Je sorti de mon sac un cahier à croquis, un crayon ainsi que mon éternelle boîte de pocky. Il était rare que je n'en ai pas au moins une sous la main; mais à tous les coups je la laissais dans mon sac. Je ne voulais pas que l'on me surprenne avec, car après tout, ce que je mangeais ne regardait pas le moins du monde les autres. Ils n'avaient pas à savoir que j'avais un faible pour ces bâtonnets de biscuit.

J'ouvris la boîte et prit un pocky, et prit de mon autre main mon crayon avant de commencer à griffonner sur les pages de mon cahier. J'étais beaucoup moins doué pour le dessin sur papier comparativement à la peinture, mais j'appréciai les deux et je n'avais pour l'instant rien qui soit à ma portée pour que je puisse peindre.

Après quoi, il ne fallut que quelques secondes à peine pour que je ne sois déconnecté de la réalité, dans mon propre petit monde où personne ne pouvait me déranger.

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Cette journée était chouette. J’étais dans le lycée depuis environ une semaine, et déjà je n’étais plus le nouveau. Ce matin, on avait rencontré le nouvel élève, qui s’appelait…. Comment déjà ? Un nom assez féminin pour un garçon en fait. Il n’avait pas l’air très social, alors l’ensemble de la classe a préféré le laisser tout seul.

À la pause de midi, je mangeais seul une fois de plus. Ça, ça ne changeait pas. Je restais seul malgré le fait que je ne sois plus le nouvel arrivé. D’accord, je n’avais pas fait le moindre effort pour m’intégrer, mais j’avais peur de m’imposer et de passer pour le boulet de service.

Je pris mon sac à bandoulière noir et cherchais un nouvel endroit où passer la pause. J’allais parfois au réfectoire, mais depuis peu, j’étais devenu la cible des moqueries, dues au fait que j’étais toujours tout seul. Alors j’allais dans les classes qu’on laissait ouvertes ou je m’asseyais sur les escaliers. Mais ce jour-là, toutes les classes étaient fermées à clé et les escaliers étaient lavés par les femmes de ménage. Je soupirais et errait dans les couloirs, sans trouver d’endroits propices pour m’asseoir et manger.

C’est alors que je le vis. Il mangeait des pockys, adossé contre le mur de la cage d’escalier, et il dessinait. Hinata Nakajima. Son nom me revenait en mémoire maintenant. Il s’était présenté avec un air insolent et à la fois « je m’en fous du monde qui m’entoure ». Je déglutis. Il ne semblait pas me voir, trop pris par son dessin et par ses pockys.

Je regardais la place à côté de lui. Puis lui. Je tentais de me raisonner. Puis à nouveau la place. Puis lui. Il était l’élève le plus solitaire de la classe. Et moi aussi. Dans un shônen manga, on deviendrait directement les meilleurs amis du monde. Je pense que ça se passerait comme ça du moins. Sauf qu’on était dans le monde réel, et que, malgré mon manque d’expérience, je savais que les gens étaient pour la plupart cruel. Lui aussi ? Je ne le pensais pas vraiment, il avait certes l’air solitaire mais pas l’air méchant.

Avant que je ne me rende compte de ce que je faisais, je m’étais assis à côté de lui. Je fixais son crayon se promener sans but précis sur le papier. Il ne m’avait toujours pas remarqué. Totalement déconnecté du monde.

Je fouillais ma poche avec insistance pour en sortir un bonbon Napoléon à la pomme. Je regardais encore quelques instants son dessin et son visage avant de me décider à poser le bonbon sur le papier.

- C’est pour toi.

Je souriais, en espérant qu’il allait au moins me remarquer comme ça.

À partir du moment où je tenais un crayon dans ma main, le monde autour de moi semblait s'évaporer. Tout semblait disparaître, me laissant avec comme seule compagnie mon cahier à dessin. Je me laissais guider par les traits que je faisais à l'improviste sur la feuille auparavant blanche, qui maintenant prenait plutôt la couleur de mon crayon. Je me sentais bien lorsque je dessinais ou lorsque je peinturais, comme si une légère sensation de liberté s'éprenait de moi. Ça me permettait de décompresser un peu, même si en soi, je n'étais pas une personne du genre ''stressée''. Au contraire, j'étais plutôt du type très passif. Je ne pensais déjà plus à l'horrible matinée que j'avais passée, à tous ces idiots qui m'avaient regardé comme si j'étais une bête de cirque. Tout cela me paraissait bien loin maintenant, comme un vague souvenir.

À un moment, alors que j'engobais un pocky, je crus sentir un parfum sucré près de moi, mais je n'en tenu pas vraiment compte, croyant que l'odeur en question venait de ma boîte de pocky. Je poursuivis donc mon dessin, à l'aspect très abstrait, mais qui donnait tout de même un résultat assez satisfaisant. Cependant, j'avais comme une impression de sentir un regard posé sur moi, comme si une personne serait à mes côtés, fasciné par chaque et moindres traits que je faisais. Mais de toute évidence, une telle chose serait impossible. Qui serait assez idiot pour venir à côté de moi, de toute façon?

Puis il y eu cette main qui apparut miraculeusement devant moi, déposant un bonbon sur ma feuille. Une main. Mais d'où sortait-elle?

Je tournai la tête, pour faire face-à-face avec un garçon aux cheveux d'un verts clairs et aux yeux vairons. Et alors, je me souvins de l'avoir vu dans ma classe ce matin.

- C'est pour toi.

Un sourire était bien accroché ses lèvres, et je dû tourner la tête de l'autre côté pour m'assurer qu'il n'y avait personne se trouvant là. Il me souriait? À moi? Et il m'offrait un bonbon? Impossible. Erreur. Je l'observais, abasourdi. Pourquoi était-il venu à mes côtés? Me prenait-il... En pitié?

J'ouvris la bouche pour parler, puis la referma. Il avait l'air sincère. C'était bien la première fois de ma vie qu'une situation de ce genre m'arrivait. Je fronçai les sourcils en continuant de le fixer. Il ne ressemblait pas à tous les autres idiots du lycée. Il était pour le moins qu'on puisse dire assez... ''spécial''. Mais ça ne voulait absolument rien dire; ce n'était peut-être qu'une fausse facette, un déguisement pour mieux se moquer des autres par après. Qu'il se moque de moi, je m'en fichais. Je n'appréciais simplement pas qu'on me prenne en pitié. Mon regard se posa ensuite sur le bonbon qui était resté sur ma feuille, et j'hésitai avant de le prendre et de le lui redonner.

- Je n'aime pas qu'on me prenne en pitié.

Je n'aimais pas parler. J'avais l'impression que mon accent était trop flagrant à certains moments, et ça me donnait un air d'imbécile. Je baissai la tête en serrant ma boîte de pocky entre mes mains. Malgré le fait que j'ai attaché ma frange, quelques mèches de cheveux rebelles vinrent se placer devant mes yeux et je soupirai.

Je regardai mon dessin, où lignes s'entrecroisaient, avec des cercles par-ci par-là, des formes non-identifiées et plein d'autres éléments. Le résultat aurait été davantage meilleur avec de la peinture, et je me mordis la lèvre inférieur en cherchant ce que je pourrais ajouter de plus.

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Il me regarda, avec des yeux incertains. Ses yeux étaient étrange, tout comme lui, et je me sentis sourire davantage. Il tourne la tête à droite, comme pour s’assurer que je m’adressais bien à lui. C’était assez stupide, nous étions les seuls dans ce couloir. Par la fenêtre qui nous inondait de lumière, je pouvais voir la cour, bondée. Le réfectoire aussi devait l’être. Non, personne ne trainait dans les couloirs à cette heure-ci. Sauf nous. Deux asociaux.

Il ouvrit la bouche et la referma aussi vite, comme un poisson sous l’eau. Je retins un rire en l’imaginant dans un bocal, en train de tourner en rond. C’était vraiment stupide comme pensée, mais ça suffisait à m’amuser. Il avait l’air incertain, comme s’il croyait que je me moquais de lui. Je ne pourrais jamais faire ça, mais il ne me connaissait pas, donc il ne pouvait logiquement pas le savoir.

Son regard se posa sur le bonbon que j’avais déposé plus tôt sur sa feuille. Allait-il le manger ? Je l’espérais. Je n’avais plus eu d’amis depuis longtemps, et quand j’en avais, ils l’étaient avec moi uniquement parce que je pouvais leur fournir un nombre incalculable de bonbons. Pas pour moi. D’ailleurs, qui aurait voulu de moi en tant que personne et pas en tant que fournisseur personnel de bonbons ? Nobody.

J’aurais presque eu envie de pleurer lorsque le bonbon revint dans mes mains.

- Je n'aime pas qu'on me prenne en pitié.

Pitié ? Qui avait parlé un seul instant de pitié ? Sûrement pas moi. J’avais simplement envie de… de quoi en fait ? De m’asseoir à côté de lui déjà. D’observer son dessin. De lui donner un bonbon. Et après ? Je ne savais pas.

Mais ce n’était en aucun cas de la pitié, ou quoi que ce soit du genre. Il replongea la tête dans son dessin, me laissant tout seul de mon côté avec mes incertitudes. Je triturai le bonbon avec mes mains, le faisant devenir une sorte de boule anti-stress. Qu’est-ce que je pouvais bien faire maintenant ? Il semblait complétement avoir oublié ma présence. Replongé dans son monde de dessin et de pockys.

Ne sachant que faire, j’avalais le bonbon et croquai dedans bruyamment, profitant du goût sucré et acide qui se dégageait dans ma bouche. Je croquai tous les morceaux avant de tout avaler, puis je soupirai. Un silence gêné s’était installé depuis quelque temps, et je ne savais que faire pour le briser.

- Ano….

Mince, je m’étais remis à parler japonais sans le faire exprès. Il n’allait pas comprendre si je commençais à parler en ma langue natale. Je toussotai et continuai en français.

- Euh... Moi c’est Kyandï…

Je me repris.

- E-Enfin ce n’est que mon surnom ! En vrai je m’appelle Luke, mais ça personne ne le sait, à part mes parents… Même les profs m’appellent Kyandï, je te laisse deviner pourquoi.

Mais pourquoi je commence à lui raconter ma vie moi ? C’est pas le but. Enfin, si j’avais pitié, je ne lui aurais pas parlé de moi. Donc, s’il était un minimum intelligent – et je n’en doutais pas un seul instant - il comprendrait.

- Toi c’est Hinata c’est ça ? O-On est dans la même classe tu sais !

Plus je regardais mon dessin, plus je lui trouvais des défauts. Plus je l'observais, plus il m'agaçait, et plus je le trouvais raté. Sur un coup de tête, je fermai le cahier et le rangea dans mon sac. Le garçon aux cheveux verts était toujours à mes côtés, et il semblait embarrassé. Je l'entendis croquer dans le bonbon qu'il m'avait offert il y a quelques minutes, et son regard semblait... confus? Je ne saurais dire, car après tout, je n'étais pas doué pour deviner ce que les autres ressentaient. Je me contentais de contempler la boîte de Pocky aux fraises qui était restée dans mes mains, comme si elle était devenue d'une grande splendeur.

- Ano….

Je tentai de cacher ma surprise en entendant sa voix venir briser le silence dans lequel nous étions plongés. Mais ce qui m'avait le plus surpris, c'était ce ''ano'', typiquement japonais et que les français ne disent pas. Serait-il donc japonais? Je tournai la tête vers lui, le visage neutre. Mes yeux rencontrèrent les siens, dépareillés. C'était très rare de voir quelqu'un aux yeux vairons, surtout chez les asiatiques. À vrai dire, je n'en avais jamais vu auparavant. C'était la première fois.

- Euh... Moi c’est Kyandï…

Pourquoi se présentait-il à moi? Je ne comprenais pas. Personne n'avait agit de la sorte avec moi auparavant. Les gens m'ont toujours laissé en solitaire, et même si ça ne me dérangeait pas le moins du monde, j'étais vraiment étonné de voir... Que quelqu'un m'adressait la parole. Une personne normale serait partit après que je lui ai fais ma remarque que je n'appréciais pas que l'on me prenne ne pitié, mais lui ne bougeaient pas. Il persistait. Pourquoi donc?

Je le regardais attentivement, en le laissant continuer dans son monologue;

- E-Enfin ce n’est que mon surnom ! En vrai je m’appelle Luke, mais ça personne ne le sait, à part mes parents… Même les profs m’appellent Kyandï, je te laisse deviner pourquoi.

C'était logique, oui. Il avait ce parfum sucré qui le suivait, et on voyait des bonbons déborder de ses poches. Heureusement que les gens ne savaient pas mon adoration pour les pockys, car je n'aurais jamais voulu qu'on me surnomme ainsi. Ça sonnait comme un nom que l'on donne à un chien, ou à n'importe quelle sorte d'animal de compagnie.

Mon regard ne se détacha pas du sien, comme si je l'affrontais. Il finirait bien par détourner le regard ou partir, si je continuais ainsi; personne n'aime qu'on se fasse dévisager ainsi. Mais moi, c'était ses yeux que j'observais. Ils étaient vraiment étranges.
Et puis je me rendis compte qu'il n'avait pas l'air de me prendre par pitié du tout. Était-il imbécile, ou quoi? Il voulait vraiment faire ami-ami avec moi? N'a-t-il pas compris que s'il agit ainsi, personne ne voudra l'approcher après? Il avait l'air si naïf et si innocent. Il ne comprenait forcément pas que je n'étais pas un ''bon ami''.

- Toi c’est Hinata c’est ça ? O-On est dans la même classe tu sais !

Mais ce qu'il pouvait être énervant! Pourquoi continuait-il de me parler?

Je détournai le regard, partout, sauf en sa direction. J'hochai lentement la tête.

- Oui, je m'appelle Hinata. Et oui, je sais que nous sommes dans la même classe... Tu es bien le seul qui semble différent. Les autres sont tous identiques.

J'essayais de garder un ton neutre, et mes yeux se portèrent de nouveau vers lui. Il semblait être quelqu'un de gentil, qui ne ferait de mal à personne. Quelqu'un qui n'a pas de mal à bien s'entendre avec les autres; cela pourrait bien changer si les gens le voyais avec moi. Plus personne ne voudrait lui adresser la parole.

- Tu devrais pas traîner avec moi. Personne ne voudra te parler après... Je dis pas ça pour être méchant, ni pour être gentil. C'est juste la vérité. Mais bon... Fais ce qui te chante, je m'en fiche.

Je pris un pocky, avant de le manger lentement. Ce que je détestais avoir à parler... Ce garçon n'aurait jamais dû venir me voir; s'il savait l'erreur qu'il fait. De toute façon, il se rendra bien vite compte que je ne suis pas intéressant.

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Il y avait quelque chose dans son regard qui me faisait peur. Je ne savais pas vraiment identifier ce que c’était, mais c’était étrange. Comme s’il donnait l’impression de ne pas vouloir de moi. Ce qui était illogique, vu qu’on ne se connaissait même pas. Préférait-il être seul ?

- Toi c’est Hinata c’est ça ? O-On est dans la même classe tu sais !

Il détourna le regard, l’air énervé. Quoi ? J’avais dit quelque chose de chiant ? Il hocha bien vite la tête.

- Oui, je m'appelle Hinata. Et oui, je sais que nous sommes dans la même classe... Tu es bien le seul qui semble différent. Les autres sont tous identiques.

Son ton était neutre, calme, beaucoup trop calme. J’étais différent ? Mon cœur rata inexplicablement un battement. On m’avait toujours dit que j’étais différent. Mais pas dans le bon sens. Ses yeux se posèrent à nouveau sur moi et je me sentis rougir légèrement.

- Tu devrais pas traîner avec moi. Personne ne voudra te parler après... Je dis pas ça pour être méchant, ni pour être gentil. C'est juste la vérité. Mais bon... Fais ce qui te chante, je m'en fiche.

Il se mit ensuite à grignoter un pocky. Pourquoi ne voulait-il pas que je reste avec lui ? Il n’était pas méchant, loin de là, juste un peu agressif quand je tentais de dialoguer… En tout cas je n’avais certainement pas envie de partir. J’étais bien, assis là, à regarder ses dessins abstraits.

Je le détaillais de haut en bas, et souris quand je m’aperçus qu’il avait des piercings à ses deux oreilles. Tout comme moi. Sauf que lui ça lui allait bien, moi ça me donnait encore plus l’air différent. Alors que j’avais voulu en faire pour tenter de ressembler à tout le monde. Ressembler à un rebelle. Apparemment les rebelles plaisent aux filles. Mais moi, je ne suis qu’une source de moqueries.

- Tu sais personne ne veut déjà me parler… Alors rester avec toi ne va pas changer grand-chose…

Je souris à nouveau largement.

- Moi je pense que tu es gentil ! C’est juste que tu ne le montres pas et que tu es tout le temps dans ton monde… Mais en tout cas je crois que tu es très sympa !

J’étais sincère, mais j’avais cette grosse boule au ventre. J’avais peur en fait. Peur qu’il croie à nouveau que ce soit de la pitié, et que je me fasse envoyer péter. Or je n’en avais pas envie, j’avais même envie de rester près de lui à grignoter des bonbons tout en le regardant dessiner.

- J-Je peux rester près de toi, Hinata-kun ?

Je ne l'aurais peut-être pas avoué, mais je sentais en moi quelque chose me nouer la gorge. Un sentiment qui m'empêchait de bouger, qui me figeait, qui faisait remonter à la surface tous les moindres doutes. Peut-être était-ce donc de la peur? La peur qu'une personne ne s'attache à moi? La peur du contact physique? Sans m'en rendre compte, je me mis à manger rapidement mes pockys. Je n'aimais pas comment tournait la situation. Kyandï me regardait, de ses grands yeux, de son sourire sincère, comme si j'étais une personne normale. Comme si nous étions des amis, et que j'étais cher à ses yeux, d'une quelconque manière.

- Tu sais personne ne veut déjà me parler… Alors rester avec toi ne va pas changer grand-chose…

Il était donc seul, lui aussi. Ceux qui sont différents ont toujours eu ce traitement; la solitude. Moi, ça me plaisait. Je préférais largement être seul dans mon monde que d'avoir à côtoyer des imbéciles tous les jours. Je me tournai vers lui, pour faire face à son sourire une fois de plus. Mon regard restait neutre, en l'observant, alors qu'intérieurement, mots et questions s'entrecroisaient. Je ne le comprenais pas, comme si nous parlions tous deux une langue différente, comme s'il venait de Mars et moi de Jupiter.

- Moi je pense que tu es gentil ! C’est juste que tu ne le montres pas et que tu es tout le temps dans ton monde… Mais en tout cas je crois que tu es très sympa !

Je baissai la tête en rapportant mes jambes contre mon torse. C'est bien ce que je croyais; il était innocent et très naïf. Le genre qui voit du bon en tout le monde, le genre qui pardonnerait son agresseur de l'avoir blessé parce que celui-ci a versé quelques larmes de crocodiles. Kyandï était la victime parfaite à manipuler, qui s'accrocherait aux paroles que les gens lui récitent en le prenant par ses points faibles.

- J-Je peux rester près de toi, Hinata-kun ?

Je me mordis la lèvre inférieure, et d'un geste vif je mis la capuche de mon hoodie sur ma tête. Je ne savais plus quoi lui dire, ni quoi faire. Il me prenait à dépourvu; sans même me connaître, il s'obstinait à rester avec moi. Insistait-il simplement parce que j'étais différent, moi aussi? Croyait-il que parce que tous deux ne ressemblions pas à la communauté en général nous pourrions miraculeusement bien nous entendre? Je ne le savais même pas moi-même. Je n'avais pas la moindre idée de ce que ça pouvait bien faire d'avoir un ami.

- Reste, si tu veux... Mais je ne comprend pas pourquoi tu t'y obstines... Je ne suis pas ''si'' gentil, je n'ai même jamais montré d'affection envers personne. Tu vas vite être déçu, Luke. Je crois que tu te fais un peu trop d'idées à mon sujet.

Je l'avais appelé par son prénom, oui. Je ne savais pas trop pourquoi, en fait; peut-être simplement parce que je n'aimais pas particulièrement les surnoms. Peut-être me trouvera-t-il froid d'avoir agis ainsi, mais je ne m'en souciais pas vraiment. D'ailleurs, à sa place, j'aurais préféré que l'on m'appelle avec mon vrai nom, et non avec un surnom que tout le monde dis. De toute façon, c'était bien connu; je n'ai jamais agis comme ''tout le monde''.

Je mis ma main dans ma boîte de pocky, dans l'intention de m'en prendre un, avant de me rendre compte que celle-ci était vide. Je les avais déjà tous mangés, et je soupirai d'exaspération. Déjà, j'ignorais ce que Luke pourrait bien répondre suite à ce que je lui ai dis, alors je me retrouvais à attendre sans rien avoir à faire.

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- Reste, si tu veux... Mais je ne comprends pas pourquoi tu t'y obstines... Je ne suis pas ''si'' gentil, je n'ai même jamais montré d'affection envers personne. Tu vas vite être déçu, Luke. Je crois que tu te fais un peu trop d'idées à mon sujet.

Mon cœur rata un battement. Avais-je bien entendu ce que je pensais avoir entendu ? Non, c’était impossible. Tout le monde m’avait toujours appelé Kyandï. Pas Luke. Jamais Luke. Même mes propres parents. Alors pourquoi…

Sans vraiment m’en rendre compte, j’étais devenu tout rouge et je commençais à trembler. C’était quoi ça ? C’était très étrange… Comme si j’étais heureux, alors qu’en même temps je me sentais mal. Vraiment très mal. J’avais même envie de m’enfuir. Et en même temps de rester. Très étrange.

Je fermais les yeux, sentant des larmes venir. D’ailleurs pourquoi venaient-elles ? Je me sentais mal, certes, mais je n’étais pas triste. Ma gorge se serra, je déglutis et retins mes larmes. Non. Je ne pouvais pas pleurer, c’était stupide. Pas devant lui.

- J-Je ne me fais pas d’idées ! Et ce n’est pas grave si tu ne montres pas ton affection ! Je veux quand même rester avec toi !

Je sortis une grande sucette de ma poche et la déballai lentement, avant de l’enfourner. Le goût du sucré me calma instantanément, et je me sentis un peu mieux. Je m’affaissais un peu plus sur moi-même, fermant quelque peu les yeux. Je n’avais pas beaucoup dormi la nuit dernière, trop occupé à faire mes devoirs, à trainer sur mon ordinateur et à lire.

Juste avant de m’endormir, ma tête tomba et se retrouva sur l’épaule de Hinata. Après quoi je partis vers le pays des rêves, des bonbons, et des sucreries.

À côté de moi, Luke semblait passer d'une émotion à une autre. Je ne le comprenais pas; il semblait si expressif et si à l'aise d'exprimer ce qu'il ressentait... Et tout ça, ouvertement, sans sembler se soucier de ce que les autres peuvent bien penser. Bien sûr, moi aussi, l'opinion des autres m'était bien égale. Or moi, je restais de marbre en toute situation. Que l'événement soit triste, joyeux, déplaisant, mon visage n'affichait que très rarement ce que je ressentais. Luke était tout à fait l'inverse. Je l'avais vu rougir, trembler, sans que je n'en sache la raison. Chose rare, j'en étais venue à me demander pourquoi il réagissait ainsi. Pourquoi se sentait-il si embarrassé soudainement? Il ferma les yeux, quelques instants, avant de me répondre;

- J-Je ne me fais pas d’idées ! Et ce n’est pas grave si tu ne montres pas ton affection ! Je veux quand même rester avec toi !

Après quoi, je le vis sortir une sucette qu'il mit rapidement dans sa bouche, et il parut alors beaucoup plus calme. Les yeux mi-clos, une vague de fatigue sembla l'emporter et sa tête tomba lourdement sur mon épaule. J'étais figé. Il voulait rester avec moi, même si je lui avais dis tout cela... Et le voilà en train de dormir paisiblement contre mon épaule. Comme si nous étions des amis, comme si j'étais une personne en qui il aurait confiance. Je ne savais pas comment réagir dans une telle situation... Je ne pouvais plus rien faire, si ce n'était que de le regarder dormir. Je pourrais très bien me lever et le laisser là, seul, mais pour aller où? Pour retourner dans cette foule qui peuple ce lycée? Je n'avais pas envie de retourner dans cette banalité et dans cette idiotie qui semblait courante chez presque tous les élèves d'ici.

J'étais donc coincé ici, en la compagnie de Luke qui était toujours endormi, et qui d'ailleurs semblait plus bien que jamais. Son visage était maintenant dépourvu d'émotions, et il semblait si calme qu'on aurait pu croire qu'il ne s'agissait pas du même garçon d'un peu plus tôt. Je ne pouvais plus voir ses yeux dépareillés, et les seules choses que je pouvais faire étaient de l'observer dormir et d'écouter le lent bruit de sa respiration.

Et c'est alors que tranquillement, mes yeux se fermèrent à leur tour, la fatigue s'emparant de moi. Je m'en voulu le temps d'une seconde, mais il fut trop tard après.

Un certain temps plus tard, j'ouvris subitement les yeux et me redressa vivement.

-Kuso! Je me suis endormi, j'y crois pas! Depuis combien de temps...?

Je cherchai du regard une horloge, et soupira longuement en voyant que ça ne faisait que 15 minutes. Cependant, je détestais dormir en ''public'', ou simplement en compagnie de quelqu'un. Il n'y avait rien de plus impersonnel pour moi. Semi embarrassé -ce qui est très rare-, je baissai la tête en passant une main dans mes cheveux. De toute façon, Luke était probablement encore endormi et ne s'en était peut-être même pas rendu compte.

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Je me sentis glisser et tomber. Je retombais sur une surface plus dure que l’épaule bosseuse sur laquelle je reposais avant. J’entrouvris mes yeux vairons, mais tout ce que je vis, ce ne fut que deux jambes dans un pantalon sombre.

- - Kuso! Je me suis endormi, j'y crois pas! Depuis combien de temps...?

La voix d’Hinata-kun me rappela où j’étais, et surtout avec qui j’étais. Je tournai ma tête vers lui, sans pour autant bouger de ses genoux. Je le fixai pendant quelques instants. Il avait l’air gêné, horriblement gêné, et je ne pus m’empêcher de sourire.

- - Ne dis pas de gros mots Hinata-kun.

Je me redressais et vins m’asseoir à côté de lui. Je continuais encore de le fixer, réfléchissant. Pourquoi avait t ‘il l’air si gêné ? Parce qu’il s’était endormi ? … Non, personne ne serait embarrassé pour un truc aussi banal…. Alors, pourquoi ?

« Sûrement parce que tu t’es endormi sur son épaule, et qu’il n’a pas apprécié ».

Je déglutis. La phrase résonna dans ma tête comme un gond dans un temple. Je l’avais embarrassé en m’endormant (accidentellement) sur son épaule… ? C’était vrai que personne ne voudrait voir un parfait inconnu prendre votre épaule, ou n’importe quelle partie de votre corps comme oreiller. Mais Hinata-kun était-il fâché pour autant ?

Tout ce que j’avais pu voir, c’est de l’embarras, de la gêne, en aucun cas une forme quelconque de colère ou de haine. Mais d’après ce que j’avais constaté, il n’était pas le genre de personne à montrer ses sentiments aux autres. Alors, même s’il était énervé par moi, il ne le montrerait pas dans ses traits.

Je le regardais depuis une minute environ je crois, si pas plus. Au cas où il aurait été vraiment énervé, mon regard pressant ne l’aurait embêté qu’encore plus. Je commençais fixer le sol, qui était mille fois moins intéressant qu’Hinata-kun.

Je devais m’excuser. Il n’avait rien dit depuis tantôt, il était fâché à coup sûr. Je me mordis la lèvre inférieure, il fallait que je trouve quelque chose d’intelligent à dire, pour une fois…
- - Ah euh… Hinata-kun, je suis désolé de m’être endormi sur ton épaule.

Je portis ma main à mes piercings à l’oreille droite, faisant légèrement tourner l’anneau. Puis je le regardais dans les yeux, avec le regard le plus déterminé que je pus prendre.

- - O-Onegai, ne m’en veux pas pour ça !

Alors que je m'étais rapidement redressé, la tête de Luke qui était sur mon épaule était tombée sur mes genoux, et cette chute avait visiblement réveillé l'endormi. Un peu normal, je dirais. Mais ça avait fait vraiment étrange, d'avoir la tête d'une personne sur mes genoux... Comme beaucoup de choses que je découvrais depuis mon arrivée ici, ça ne m'était jamais arrivé. Et, le plus étonnant, c'était aussi que ça ne m'aille pas vraiment posé problème. Mais qu'est-ce qui me prenait, tout d'un coup? Étais-je en train de me transformer en une personne normale? Non, et même si ça devait arriver, je ne me laisserais pas faire si facilement. Luke, lui, tourna la tête vers moi et un sourire retroussa ses lèvres. Pourquoi me souriait-il? Je détournai le regard, ne sachant pas quoi faire d'autre.

- Ne dis pas de gros mots Hinata-kun.

Hi...Hinata-kun? Pourquoi était-il si familier soudainement? Je ne lui répondis rien et je baissai la tête, alors qu'il se redressa et vint s'asseoir à mes côtés. Son regard ne me quittait pas, et je luttais pour ne pas le regarder dans les yeux. Ils avaient quelque chose de vraiment fascinant... Mais c'était vraiment trop étrange de penser ainsi, surtout venant de moi. Je m'en fichais bien des yeux autres, moi. Depuis quand cela m'intéressait-il? Depuis que j'avais vu les siens, apparemment... Dans le sens que je n'en avais jamais vu des vairons. J'eus la pressante envie de frapper ma tête contre le mur le plus proche, déboussolé par mes propres pensées. Mais que diable m'arrivait-il, tout d'un coup? Je me mordis la lèvre inférieure en baissant la tête. J'avais vraiment envie de manger des pockys, mais c'était impossible, étant donné qu'il ne m'en restait plus un seul.

Je cédai finalement et regardai dans la direction de Luke. Il semblait plutôt préoccupé, et restait silencieux. Mais il m'observait. Il détourna finalement le regard, décidant plutôt de fixer le sol.

- Ah euh… Hinata-kun, je suis désolé de m’être endormi sur ton épaule.

J'écarquillai alors légèrement les yeux, en continuant de le fixer. C'était donc ça qui le tenait silencieux et qui le préoccupait? Ses yeux rencontrèrent alors les miens, et il semblait soudainement déterminé, alors qu'il triturait l'un des piercings à son oreille.

- O-Onegai, ne m’en veux pas pour ça !

Je tirai un peu plus sur la capuche de mon hoodie sur ma tête, et je me mis ensuite à regarder les gants que j'avais aux mains. Que faire... Je relevai la tête, regardant tout autour de nous pour enfin recroiser son regard. Je regardai quelques instants ses yeux, avant de lui répondre;

- Je ne t'en veux pas. Pourquoi tu dis ça? Si tu tiens tant à rester à côté de moi, il faudra t'habituer à ce que je ne souris presque qu'une seule fois tous les ans.

Mes yeux ne quittèrent pas les siens. Étrangement, je... n'y arrivais pas. Et j'avais vraiment honte de moi-même. Je m'en voulais. J'étais fâché, mais contre moi-même seulement. Pourquoi? Ce n'était que des yeux. Pourquoi devrais-je être fâché d'être ''fasciné'' par les yeux d'une autre personne? Était-ce donc si exceptionnel?

Je fermai alors les yeux quelques instants, en soupirant. Je fis tourner mes pouces, laissant un nouveau silence prendre place.

Et c'est alors qu'une question m'échappa les lèvres, à mon insu et complètement contre mon gré;

- Tes yeux... Ils sont de nature vairons, ou c'est des lentilles? Parce qu'ils sont vraiment j-...

Zut. Zut. Zut. Zut. Hinata, mais qu'est-ce que tu es en train de faire? Je mis l'une de mes mains sur mon visage et soupirai une énième fois en baissant la tête.

- L-Laisse tomber. Fais comme si je n'avais rien dis.

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Ce silence de quelques secondes me parait être une éternité. Est-ce qu’il va me pardonner ? Ou alors est-ce qu’il va s’en aller sans me prêter attention. Je comprends maintenant ce que les personnages principaux de série télévisée ressentent quand un ami leur en veut. Je ne savais pas ce que c’était avant parce que… Eh bien parce que mes amis étaient rares, voire inexistants. Les seuls que j’avais m’aimaient pour mes bonbons. Hinata-kun, lui… D’ailleurs, nous sommes amis pas vrai ? Du moins c’est l’impression que j’ai… Reste à voir pour lui.

-          Je ne t'en veux pas. Pourquoi tu dis ça? Si tu tiens tant à rester à côté de moi, il faudra t'habituer à ce que je ne souris presque qu'une seule fois tous les ans.

Il ne m’en veut pas. Un large sourire éclaire mon visage. Il n’est pas fâché, et en plus il n’est pas contre le fait que je reste près de lui. Je m’approche un peu plus de lui et le regarde bien en face.

-          Si tu ne souris qu’une seule fois par an, eh bien ce sera moi qui te ferait sourire cette année !

Ses yeux me fixaient, et ça me perturbait. Je sentais que ce n’était pas moi qu’il regardait. Il ferma ses paupières quelques instants, tandis que revenait le silence. Gênant, assourdissant, perturbant. Je continue pourtant de le regarder, jusqu’à ce que ses lèvres s’ouvrent pour me poser une question confuse.

-          Tes yeux... Ils sont de nature vairons, ou c'est des lentilles? Parce qu'ils sont vraiment j-...

Je ne comprends pas d’accord ce qu’il essaye de me raconter. Mes yeux ? C’était ça qu’il observait depuis tout à l’heure ?

-          C’est comme ça depuis ma naissance.

Puis quelque chose me revient à l’esprit. Il n’a pas fini sa phrase. Je voulus le lui demander, quand il me coupa dans mon élan.

-          L-Laisse tomber. Fais comme si je n'avais rien dis.
-          Ah euh…
Je détache mes yeux des siens. J’ai envie qu’il finisse sa phrase, mais si je le lui disais… Est-ce que ça l’énerverait ? Je lui jette un regard, son hoodie lui cache les yeux. Je soupire. Je ne veux pas énerver Hinata-kun. Mais il allait dire ce qu’ils pensaient de mes yeux non ? Et j’ai envie de le savoir moi…

Alors, presqu’inconsciemment, je porte à nouveau mes yeux sur lui et je murmure doucement :

-          Tu dois finir ta phrase tu sais, Hinata-kun.

Je me mords la lèvre, espérant, dans tous les recoins de mon corps, qu’il ne m’en veuille pas. Deux fois ce sentiment, en même pas cinq minutes, et avec la même personne. Qu’est-ce qu’il m’arrive …. ?

Au fond de moi, je me disais et je me répétais que j'étais peut-être en train de devenir fou. D'avoir une personne à mes côtés, si proche, tout près, de sentir son regard sur moi et son épaule contre la mienne... Et tolérer tout cela, me paraissait impossible. C'était pourtant ce qui se déroulait présentement. Je pris une grande inspiration, songeant à la situation. Avoir un ami. Était-ce si mal? Pouvais-je faire une exception, rien que pour lui? Pouvais-je voir ce à quoi ça avait l'air, au moins rien qu'un tant soit peu? Bien sûr que je le pouvais, c'était simple. Mais pas pour moi, parce que je m'étais promis de ne pas me laisser avoir par les autres. Je n'avais jamais été face à une situation comme celle-ci. Devoir renoncer à ma promesse, changer certaines choses de moi... J'y pensais, et ce n'était pas si mal. Même si c'était compliqué, même si ça me paraissait trop énorme pour moi, je ne pouvais oublier la manière dont il me regardait et était... ''gentil'' avec moi.

Il m'avait répondu que ses yeux étaient de naissance vairons, et j'avais été un peu surpris. C'était étonnant, et ils ne me paraissent que d'autant plus spéciaux. Mais je me sentais toujours aussi embarrassé et imbécile de lui avoir posé une telle question, surtout que j'ai... Que j'ai faillis... Lui faire un compliment.

-Ah euh…

Son regard se détourna du miens et je fis la même chose. Peut-être qu'à la place de me torturer l'esprit en me demandant si oui c'est une bonne chose ou si non ce n'est pas bien que je sois en affinité avec une personne, je ferais mieux de laisser les choses aller. De me foutre des questions comme j'avais si bonne habitude de faire et de voir comment les choses évolueront. Et voilà, tout me paraissait plus simple à présent. C'était ainsi que j'avais l'habitude de vivre, et c'était ainsi que j'étais ''moi''. J'avais baissé un peu la tête, regardé le sol, puis le plafond, les murs de couleur terne, mon sac posé à mes côtés, et lorsque je sentis à nouveau le regard de Luke sur moi, je me tournai vers lui. Je gardais mon expression neutre, en le regardant dans les yeux, attendant quelque chose, mais je ne savais quoi.

- Tu dois finir ta phrase tu sais, Hinata-kun.

Évidemment. J'aurais dû m'en douter... Que pourrais-je lui répondre? Lui dire ce que je voulais réellement lui dire? Que je trouvais ses yeux jolis? C'était idiot... Ça semblait ridicule. Très ridicule. Mais peut-être qu'à lui, je pouvais avoir l'air ridicule. Non, ce ne l'était pas, en fait. Je m'en fichais de ce dont ça avait l'air. Idiot, ridicule, embarrassant, imbécile, c'était bien le dernier de mes soucis. J'étais une personne sincère et ce que pouvais penser les autres, même Luke, ne m'atteignait pas vraiment.

Un infime sourire retroussa mes lèvres. Vraiment infime, à peine perceptible. Je tournai mon visage vers l'avant mes mais yeux ne quittèrent pas ceux de Luke.

- Ils sont jolis, tes yeux. J'en avais jamais vu des comme ça avant, c'est pour ça, ça m'intriguait...

Mon sourire s'estompa. Je ne savais même pas s'il l'avait vu, s'il s'était aperçu que j'avais souri. À cause de lui, en quelque sorte.
Je baissai la tête, poussant un léger soupir. Une pensée qui me passait par la tête traversa la barrière de mes lèvres et je marmonnai;

- J'ai faim...

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Un sourire à peine visible vint se peindre sur ses lèvres. Qu’est-ce que ça cachait ? Ce que je lui avais demandé l’amusait ? Apparemment. Je continuais de maintenir son regard, légèrement gêné, jusqu’à ce qu’il penche son visage vers l’avant, sans toutefois cesser de me regarder.

- Ils sont jolis, tes yeux. J'en avais jamais vu des comme ça avant, c'est pour ça, ça m'intriguait..

Son sourire se finit en même temps que sa phrase. Et moi je commençais à rougir comme une tomate beaucoup trop cuite. J-Jolis ? J’avais toujours été complexé par cet œil vert clair qui n’avait rien à faire dans l’anatomie d’un japonais lambda, et lui il trouvait ça joli ? Je me calai un peu plus contre le mur, détournant le regard. Jolis. On m’avait souvent brimé à cause de ça quand j’étais petit, partout où j’allais. Même mes parents évoquaient souvent l’envie de me faire porter une lentille pour masquer cette différence. Mais lui, ce garçon que j’avais vu pour la première fois ce matin-même en classe, et que je commençais peu à peu à connaître, lui disait qu’ils étaient jolis. Et étrangement, ça me faisait vraiment plaisir.

- J’ai faim…

Je fus coupé dans le fil de mes pensées par un murmure de sa part. Je tournais la tête vers lui, puis vers son paquet de pockys à la fraise vide. Je pensais à tous les bonbons que j’avais dans mes poches, sans parler de mon sac. Je devais lui en proposer un mais…. Tout à l’heure il avait refusé celui que je lui avais donné si fermement que j’hésitais. Et au final, ma langue et mon cerveau irréfléchi firent tout le travail.

- Tu veux un bonbon ? J’en ai beaucoup, tu en trouveras forcément un qui te plaira ! Moi j’adore ça, je ne peux pas passer un jour sans en manger ! C’est parce que après que j’aie déménagé en France avec mes parents, il y avait un magasin de bonbons en face de la bijouterie qu’ils tenaient ! J’y allais tous les jours, la dame était très gentille avec moi, elle m’offrait même des bonbons et….

J’interrompis mon monologue pour détourner le regard. Idiot que j’étais, ça ne l’intéressait pas toutes ces histoires sur ma vie. Je fouillais dans mes poches et en sortit un bonbon rose, que je posai sur ses genoux sans pour autant le regarder. Mais qu’est-ce qu’il m’avait pris de lui raconter ma vie comme ça, sans absolument aucune raison valable ? Il allait sûrement me prendre pour un imbécile… Je pris à mon tour un bonbon dans ma poche et le grignotai nerveusement, le sucré ne m’aidant en rien à me calmant. J’avais retrouvé cette boule dans le ventre, cette espèce d’appréhension qui n’avait rien à faire là, ce stress qui s’emparait de moi dès que j’avais l’impression d’avoir fait une gaffe en lui racontant n’importe quoi. Il me donne vraiment des sensations bizarres.

Pendant un certain moment, Luke resta silencieux. Cela m'étonnait un peu, car il semblait très bavard, tout de même. Je le regardai, et il semblait un peu troublé, pensif. Comme s'il ne comprenait pas quelque chose, qu'il découvrait quelque chose de nouveau. Pourrait-on dire que je me trouvais dans la même situation? Oui... Oui, c'était vrai, même si ça ne m'enchantait pas du tout de l'avouer. Je me mordis la lèvre inférieure en passant une main dans mes cheveux légèrement en bataille. Ils n'étaient pas comme ceux de Luke qui eux, semblaient beaucoup plus lisses et doux que les miens...
...Hum, enfin bref, détails inutiles.

Je sursautai légèrement lorsque Kyandi reprit finalement la parole;

- Tu veux un bonbon ? J’en ai beaucoup, tu en trouveras forcément un qui te plaira ! Moi j’adore ça, je ne peux pas passer un jour sans en manger ! C’est parce que après que j’aie déménagé en France avec mes parents, il y avait un magasin de bonbons en face de la bijouterie qu’ils tenaient ! J’y allais tous les jours, la dame était très gentille avec moi, elle m’offrait même des bonbons et….

Il s'arrêta soudainement, comme s'il se rendait compte qu'il avait commencé à s'étaler sur le sujet. Étant d'humeur étrangement calme pour le moment, ça ne me dérangeait pas de l'entendre parler. Je devais même avouer... que j'étais peut-être un tout petit peu, et vraiment rien qu'un peu curieux sur un point; où habitait-il, auparavant? Habitait-il en France depuis longtemps?

La suite m'aurait peut-être intéressée, mais Luke n'ajouta rien. Je tournai la tête vers lui, mais son regard était porté ailleurs. Il ne voulait pas me regarder. Cependant, il déposa un bonbon sur mes genoux. L'emballage était rose, et je le pris entre mes doigts. S'il était à la fraise, alors c'était tant mieux; il s'agissait de l'arôme que je préférais chez presque tout qui était sucré. J'eus un petit sourire en retirant l'emballage et en portant le bonbon à mes lèvres. Il n'y avait bien que les choses sucrées pour me faire sourire... C'était un peu pathétique, en y songeant bien.

- Merci. Tu avais de la chance, d'habiter en face d'un magasin de bonbons... Moi mes parents ne me laissaient pas en avoir très souvent. Ils n'aimaient pas particulièrement les choses sucrées...

Et me voilà à commencer à parler de ma vie aussi. À mon tour, je me tût, et attendis. Après un certain moment, je laissai ma rare curiosité m'échapper, un peu contre mon gré tout de même;

- Luke, tu es japonais, je me trompe? Avant de venir en France... Tu habitais où?

Je marquai une pause, puis poursuivit en marmonnant;

- ... Moi à Kyoto, en tout cas...

Et une énième fois, je regardai Luke. Je voulais voir ses yeux, ses yeux si spéciaux... Ces yeux qui me donnaient une impression de déjà vu... mais quoi?

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J’avais toujours eu l’habitude de rester seul depuis mon plus jeune âge. Même quand je vivais encore à Tokyo, que j’avais mes cheveux blonds naturels et que mes parents me forçaient à porter des lunettes pour cacher mes yeux difformes, comme ils disaient. Je ne parlais quasiment pas, n’ayant pas vraiment d’amis ou connaissance. Mais avec Hinata, tout me paraissait beaucoup plus simple. Je parlais naturellement, en disant trop parfois, mais au moins je ne me sentais pas non-bienvenu.

J’entendis un bruit de papier bonbon qu’on déballe, et je compris qu’il mangeait mon bonbon. Je souris en mon for intérieur, pour je ne sais quelle raison, mais ça me faisait plaisir.

- Merci. Tu avais de la chance, d'habiter en face d'un magasin de bonbons... Moi mes parents ne me laissaient pas en avoir très souvent. Ils n'aimaient pas particulièrement les choses sucrées...

Son remerciement me surprit, je n’aurais jamais pensé qu’il serait le genre de personne à me remercier pour quoi que ce soit. Enfin, je veux dire, il avait un peu une tête de bad boy et c’était intimidant…Un silence pesant se fit. Je ne savais pas quoi lui dire, mais je n’avais pas envie d’arrêter de lui parler. Mais au final, ce fut lui qui relança la discussion.

- Luke, tu es japonais, je me trompe? Avant de venir en France... Tu habitais où?

Il marqua une pause avant de continuer sur un ton plus bas :

- ... Moi à Kyoto, en tout cas...

Son regard se posa sur moi et je me forçai à le regarder. Mes yeux vairons croisèrent les siens d’une couleur assez sombre, puis je me laissais aller et commençais à lui répondre.

- Je vivais à Tokyo ! Mais j’ai déjà été à Kyoto une fois quand j’avais huit ans, c’était super chouette ! Enfin je n’en garde pas un très bon souvenir vu que je me suis fait embêter là-bas..

Je me tus, une fois de plus je lui racontais ma vie. D’autant plus que cette époque n’était pas la plus joyeuse que j’ai vécue. Je me faisais souvent brimer de par ma différence – cheveux blonds tenus de ma mère française, yeux vairons offerts par je ne sais quel Dieu qui m’en aurait voulu – et je n’avais personne pour me défendre quand ça se passait dans mon école.

Cet été-là, mes parents et moi étions partis un week-end à Kyoto, et ils me laissèrent seuls dans un parc pour une après-midi. Très vite, j’avais tenté de m’entendre avec d’autres enfants, mais au lieu de ça, ils avaient commencé à se moquer de moi et ….. Et puis je ne savais plus très bien comment cette histoire s’était terminée exactement.

Je m’apprêtais à ajouter quelque chose lorsque la sonnerie retentit, me faisant sursauter. Les cours allaient recommencer. Je me tournais vers Hinata, un grand sourire aux lèvres, oubliant totalement que nous étions dans la même classe et que nous pourrions rentrer en cours ensemble. Je me penchais vers lui légèrement, et, comme un enfant, embrassais sa joue. Comme si c’était parfaitement normal. Je me relevais, prenant mon sac d’une main, agitant l’autre tout en m’éloignant.

- Au revoir Hinata-kun..

Ce ne fut qu’arrivé au bout du couloir que je pris conscience de mon geste, qui pouvait être normal entre petits enfants mais qui ne l’était certainement pas entre deux adolescents. Et mon visage prit une teinte rosie, contrastant avec mes cheveux teints en vert feuille.

Il me rendait vraiment bizarre.

Kyoto... Juste le fait d'y repenser, plusieurs souvenirs me revenaient. Des bons, des mauvais. J'aimais beaucoup cet endroit. Si ça n'avait été que de moi, j'y serais resté pour toujours. C'était plutôt calme là-bas, et personne ne me cherchait des noises. Enfin, moins lorsque j'étais plus petit. Parfois les autres enfants venaient me taquiner parce que j'étais souvent seul, en train de gribouiller sur tout ce qui me tombait sur la main. Mais j'avais appris à me défendre plutôt rapidement... Avec les paroles, ou avec mes petits poings de jeune enfant. Bien sûr, aujourd'hui je préférais rester de marbre aux remarques des autres. Ils comprenaient tôt ou tard que leurs paroles ne m'atteignaient pas vraiment. De toute façon, il était rare que l'on vienne volontairement vers moi; je n'avais franchement rien d'intéressant. Juste un asiatique anti-social doué en dessin... Quel beau stéréotype.

-Je vivais à Tokyo ! Mais j’ai déjà été à Kyoto une fois quand j’avais huit ans, c’était super chouette ! Enfin je n’en garde pas un très bon souvenir vu que je me suis fait embêter là-bas..

J'haussai les sourcils. Il était venu à Kyoto lorsqu'il avait huit ans? Peut-être que nous nous étions croisés... Difficile à dire. Pourtant... Lorsque je voyais les yeux si captivants de Luke... Cette impression de déjà-vu qui persistait...

Je secouai légèrement la tête. Je devais me faire des idées. Et même si je l'avais vu, j'étais beaucoup trop réservé pour être allé lui parler. On ne s'était peut-être que croisés. Oui, c'était sûrement cela... après tout, j'avais une bonne mémoire visuelle.

Je triturais mon sac alors qu'un nouveau silence prit place. Luke semblait perdu dans ses pensées, lui aussi. Je levai la tête vers le plafond et soudainement, la sonnerie annonçant le début des cours retentit. Je sursautai légèrement au son strident et machinalement posai mon regard vers Kyandi.

Il se leva, et se pencha vers moi. Je vis son visage s'approcher et il déposa ses lèvres sur ma joue. J'écarquillai les yeux, choqué, tout en restant immobile. Il recula et prit son sac. Il agita une main tout en s'éloignant tranquillement, en ajoutant de son air candide habituel;

- Au revoir Hinata-kun..

Sans m'en rendre compte, je posai ma main sur ma joue. Pourquoi m'avait-il embrassé? Il s'agissait sûrement d'une habitude chez lui. Après tout, il avait comportement quelque peu puéril... Je fronçai les sourcils en sentant mes joues chauffer légèrement. Je pris mon sac et me levai, avant de rattraper Luke qui avait déjà prit un peu de distance.

- Imbécile, on est dans la même classe, n'oublie pas.

Je lui une petite pichenette sur l'épaule et reportai mon regard droit devant. C'était quand même bizarre de penser que... Que cette personne aux yeux dépareillés et aux cheveux verts semble trouver ma présence si importante. Et surtout, de voir mes propres petits changements que j'avais eu à son égard. Moi qui me croyait entièrement du type ''je-m'en-foutisme''... Je poussai un soupir. De toute façon, ce n'était pas bien grave. Du changement ne faisait jamais de mal, une fois de temps en temps.

Je me demandais seulement s'il allait toujours désirer rester avec moi en me connaissant un peu plus. Quelle étrange de personne Luke pouvait bien être, franchement...

THE END ♥ (pour le moment, fufufu...)