Partir de chez soi à dix-huit ans, c'est bien beau, mais ça pose quelques soucis financiers. Oui, j'avais volé mes ex-hébergeurs juste avant de m'enfuir, mais avec 450€, je n'allais pas aller loin, d'autant plus qu'il devait me rester grand maximum 70€ suite à l'achat de vêtements et le paiement pour mon loyer à l'internat... L'année ne s'annonçait pas facile, mais elle serait littéralement impossible si je n'avais pas de revenu. Les solutions n'étaient donc pas nombreuses : je devais trouver un emploi. Au cours de la semaine, j'avais donc envoyer plusieurs CV et lettres de motivations, n'ayant malheureusement pas grand chose à mettre dedans. J'étais à peine en âge de travailler, donc je n'avais pas d'expérience, et étant au lycée je n'avais même pas mon bac... Le combat s'annonçait rude, il allait falloir persévérer.

Un matin, alors que je vérifiais mon courrier pour la troisième fois de la journée (geste bien inutile, j'en étais conscient mais incapable de faire autrement), je reçus un appel. Qui était-ce ? Ce numéro ne me disait rien, mais il n'était pas masqué non plus. Je répondis donc, intrigué.

- Allo ?
- Bonjour, vous êtes bien M. Lunster ?
- Oui c'est bien moi.
- Je vous appelle pour vous proposer un emploi en tant que serveur au restaurant, êtes-vous toujours intéressé ?
- *silence ébahi*
- Allo ? Vous m'entendez ?
- *toussotement* oui oui ! Bien sûr je suis toujours à la recherche d'un emploi !
- Très bien, alors venez au restaurant à 14h30.
- Att...
*tonalités*

J'avais cours moi, à 14h30. J'avais pourtant bien précisé dans ma lettre que j'étais lycéen et que donc je ne pourrais travailler qu'après mes cours et le week-end. Bon, tant pis, je sècherai les maths, ce n'était pas non plus comme si j'aimais cette matière. Et puis de toute façon j'étais nul en sciences, manquer un cours ne ferait pas baisser ma moyenne davantage. Je jetai un coup d'oei à l'horloge dans le couloir : 13h. Il allait falloir se dépêcher un peu. je courus donc dans ma chambre changer de vêtements, histoire d'être présentable, et emportai avec moi mon CV.

Je sortis du lycée pour me diriger vers le bus : sans permis, il fallait bien utiliser les transports en commun. Je m'assis à côté d'une vieille dame qui passa le trajet entier à me parler de son chien Piki décédé il y avait 4 mois et demi. Alors que j'avais droit au détail de la vie du petit Yorkshire, elle me parla soudain de Nuts, son chien actuel. Au moment où elle entreprit de ma raconter l'état de la dépouille de Piki quand Nuts le déterra, je prétextai descendre à cet arrêt, ne pouvant en supporter davantage. Je continuai donc le chemin à pied jusqu'au restaurant. Quand j'ouvris enfin la porte du bâtiment, mes joues étaient rougis par le froid et je ne sentais plus mes mains.

Celui qui semblait être le patron m'aperçut, me faisant signe de la main.

- C'est toi Edward ?

- Oui c'est bien moi, je suis ici pour le travail !

Il s'approcha de moi et me tendit une poignée de main chaleureuse. Nous échangions un sourire : il avait l'air d'être un homme très sympathique. Nous nous essayâmes à une table, commençant à parler de mes compétences qui étaient pratiquement nulles. Il était à la recherche de serveur et malgré mon manque d'expérience, il décida de m'embaucher pour une période d'essai. Alors que nous discutions des modalités du travail, un jeune homme aux cheveux rouges attachés entra dans le restaurant.

- Tiens, va t'occuper de lui, que je vois comment tu te débrouilles.

- P.. Pardon ?! Il me jeta un regard noir. Euh je veux dire.. oui patron !

Ma dernière réplique eut l'avantage de le faire sourire : c'était le genre de chef qui était très agréable mais qui savait garder son autorité sur ses employés. Je me levai donc de table, allant vers le client en question. Je me penchais légèrement en avant pour le saluer respectueusement.

- Bonjour monsieur, veuillez me suivre à votre table.

Je marchai ensuite vers une table à deux chaises, lui indiquant de s'y installer. Je lui tendis ensuite la carte du restaurant et celle des boissons, ne sachant s'il allait choisir de se désaltérer ou de rester manger. Je retournai ensuite vers le patron qui m'expliqua qu'à cette heure-ci il y avait peu de monde et que donc j'avais le droit de sympathiser avec les clients dans ces conditions. J'attendis donc que l'homme aux cheveux rougeoyant me fasse signe pour pouvoir prendre sa commande.

Quand j'étais revenu, le patron me mit un coup de coude, un sourire moqueur aux lèvres.

- Tu sais gamin, t'as pas besoin d'être aussi cordial, on est pas dans un club d'hôte non plus, c'est un restaurant familial, hahaha !

Et voilà, comment briser le peu d'assurance que j'avais réussi à construire. Avant qu'il ne me fasse remarquer que j'avais été ridicule, j'étais plutôt content de moi, pensant avoir agi de la bonne manière. Je feignis donc un petit rire afin de cacher à mon tout nouveau boss que j'étais un peu vexé et qu'il avait heurté ma fierté. Depuis quand étais-je aussi facile à déstabiliser moi ? Je crois que mes innombrables altercations avec l'autre abruti de Shôo n'arrangeait rien à ma stabilité mentale, qui finalement était bien meilleure avant que j'arrive dans ce lycée.

Alors que je ruminais ces pensées dans mon coin, accoudé au comptoir, le garçon à la touffe de cheveux rouges m'interpella. Je pris mon bloc de commande, un stylo, et m'approcha de sa table. Pas un club d'hôte c'est ça ? J'avais bien envie de provoquer la barman en devenant insolent, mais accueillir ce client était un test, cela aurait été vraiment stupide de perdre l'opportunité d'un job juste pour ne pas perdre la face. Je ravalai donc ma fierté, m'approchant tout sourire du jeune homme.

- Je vous écoute !

- Je vais prendre des crêpes avec un Monaco s'il vous plaît.

- C'est noté, je vous apporte ça tout de suite !

Je jetai un coup d'oeil au patron, cherchant à prévoir s'il allait encore se moquer de ma conduite ou si je m'étais amélioré. Il me fit un clin d'oeil : ça ne répondit pas vraiment à ma question. Je ne cherchais pas plus loin et me contentais d'écrire la commande du client sur mon bloc. Alors que je cherchais le numéro de sa table pour me familiariser au matériel, il me demanda :

- Dit moi.. Tu ne serais pas à Sweet Amoris..? Parce que j'ai l'impression de t'avoir déjà vue..

- Euh si en effet je suis élève là-haut ! Maintenant que tu le dis... toi aussi ta tête me dit quelque chose ! Attends je reviens.

Je partis vers le patron, lui demandant comment procéder ensuite. Suivant ses directives, je demandais au cuisiner de préparer des crêpes pour notre client, et je me mis à la préparation d'un Monaco. J'étais plutôt bien tombé dans ce restaurant : aux fêtes entre amis, c'était toujours moi qui m'occupait des cocktails. J'adorais mélanger les couleurs et saveurs pour donner quelque chose de totalement nouveau et décapant. Ce fût donc avec un grand soin que je préparai une superbe boisson au jeune rouquin. Le cuisinier me héla, m'indiquant que les crêpes étaient prêtes. Je partis me retournai donc pour prendre l'assiette qu'il me tendait, la posant sur mon plateau métallique, à côté du Monaco. Je le pris sur mon bras droit, me dirigeant vers la seule table occupée.

- Voilà pour vous !

Je m'assis donc en face de lui puisque le patron m'avait autorisé à sympathiser avec les clients s'il n'y avait pas trop de monde.

- Alors comment t'appelles-tu ? Moi c'est Edward, je suis en terminale. Tu n'as pas dû beaucoup me voir, je suis arrivé assez récemment, il y a un mois tout au plus !
Tu viens souvent ici ?

J'essayai de faire connaissance avec lui, de me changer un peu les idées. Et puis, il pouvait peut-être m'en apprendre davantage sur les alentours de la ville, sur ce qu'il y avait à faire ici.