Je me tiens actuellement debout, en face d’une allée menant à un immense établissement français. La France, hein ? Je ne connais que très vaguement ce pays. Même si cela fait maintenant un an que je vis ici, avec mes parents et ma sœur, je n’ai pas vraiment eut le loisir de visiter la ville. La plupart du temps, je restais cloîtré chez moi à apprendre le français ou me ré- habituer à ma vie. J’étais différent, depuis le 15 Août de l’année précédente. Tout avait basculé. Maintenant encore, je pense être un peu instable dans ma tête. J’avais été inscrit dans un établissement, Suki- Gakuen, car d’après mes parents, le nom n’était pas juste une décoration et c’était un établissement sûr pour quelqu’un comme toi. Quelqu’un comme moi… Je me demande bien d’ailleurs pourquoi cette école s’appelle Suki- Gaku. Suki… Je ne pense plus être en état d’aimer, désormais.

J’ai tourné le dos à tout le monde, même à ma famille, et je ne me sentais plus capable d’aimer qui que ce soit, maintenant. Enfin, peu importe. Je suis debout, face à l’établissement depuis un moment déjà. Mes bagages sont posés à mes pieds, et je me contentais de fixer l’allée qui était empruntée par les élèves. Beaucoup d’entre eux me jetaient des regards furtifs en souriant. Ils devaient se demander pourquoi j’étais immobile et pourquoi je ne laissais paraître aucunes émotions. Mais je m’en fichais. Je leur lançais simplement des regards arrogants. Je ne suis pas sûr que je me sentais prêt à entrer dans cet établissement. Je me posais beaucoup de question quant à la suite des évènements. Comment allait se passer mon premier jour ? Comment allais- je réagir face aux autres étudiants que je rencontrerais ? Je connaissais mes bases de français, mais je n’avais pas encore été confronté aux français. Je doutais de moi- même, et pensais que je n’arriverais pas à comprendre ce que je disais les autres.
Je finis par saisir mes bagages et regarder autour de moi. Les élèves étaient nombreux à arriver, à vélo ou à pied. Nombreux étaient ceux qui arrivaient accompagnés. Aucun d’eux n’était seul. Je poussais un soupire et m’avançai dans l’allée. Les personnes autour de moi parlaient rapidement. Je ne comprenais que les formules de bases, et tout le vocabulaire que j’avais appris disparut brusquement. Même si je tentais de m’habituer au français, mes réflexes japonais revenaient sans cesse. Je fus bousculé par deux élèves qui arrivaient en courant et lançai :

« - Chottomatte ! »

J’aurais bien voulu les rattraper pour leurs demander de s’excuser mais mes valises m’en empêchait et je ne ferais que mal commencer mon année de cette manière. Je me ravisais et repris ma valise que j’avais lâché un instant. Je poussais un léger soupire et arrivais finalement dans le hall d’entrée. Je ne connaissais pas vraiment bien le système français, mais j’ai cru comprendre que les horaires n’étaient pas les même. Cela m’a un peu décontenancé, mais j’étais bien obligé de m’habituer.

Apparemment, un élève devait me faire visiter le lycée pour que je m’y habitue, mais je ne savais pas du tout de qui il s’agissait. Je n’avais eu aucune indication à ce sujet, et je me retrouvai au milieu du hall, totalement perdu. Un air agacé vint se poser sur mon visage. Je regardais autour de moi. Un étudiant paumé en plein milieu du hall, ça devrait attirer son attention normalement. Je saisis le carnet que l’on m’avait donné, et où était noté mon emploi du temps. C’est étrange… Ici, les cours commencent à 8 heures, au Japon, c’est à 8 heures 40. Rien que cela me perturbais.

Les étudiants passaient à côté de moi sans me voir, où alors peut être me voyaient- ils, mais se fichaient complétement de moi ? Je ne le savais pas, mais cela ne me préoccupais pas. Actuellement, j’aurais simplement voulu rencontrer celui ou celle qui devait me faire visiter le lycée pour pouvoir me détendre, ne serait- ce qu’un peu, car oui, j’étais très tendu. Sur mes gardes, je suivais des yeux chaque élèves qui me passaient à côté, espérant que ce serait mon guide. J’avais beau attendre, personne ne venait.
Je décidais finalement de faire preuve de réactivité et me renseigner auprès des adultes pour trouver la personne que je cherchais depuis un moment. Je pris mes bagage et me tournais vers l’accueil, un peu trop rapidement je crois. Je percutai une jeune étudiante qui venait dans ma direction. Certaine de ses affaires tombèrent. Je me mordis la lèvre.

« - Ah, sumimasen ! Iya… Je suis désolé. »

Je me baissais et saisis les affaires qui était tombée. Je commençai bien mon année, moi. Quel imbécile. Je les lui tendis d’une main, passant l’autre dans mes cheveux, gêné. Bon sang, premier jour, et je n’étais pas du tout dans mon état normal. Ma langue d’origine me revenait sans cesse, alors que je suis en France. Cela n’allait pas vraiment m’aider. Même si j’avais passé une année entière à apprendre la langue française, je ne pouvais pas m’empêcher de reprendre mes habitudes japonaises. Il me faudra du temps avant que je ne m’habitue. L’anglais était totalement sortit de ma mémoire, comme s’il n’existait pas. Second soupire. Je détournai les yeux, mis mes mains dans mes poches et demandais, espérant qu’elle comprendrait au moins un traître mot de ce que je disais :

« - Ano… Je suis nouveau ici. Est- ce que tu sais qui doit me faire visiter ? »

Même si j’avais utilisé des mots simples, je priais pour qu’elle ait compris ma phrase. J’espérais aussi au fond de moi qu’elle ne s’était pas dirigée par hasard vers moi et qu’elle pourrait être le guide que je cherchais depuis un moment. Je reposais mes yeux sur elle et la détaillais rapidement. Elle était assez petite, avait des cheveux blonds mi- longs et des yeux bleus qui captèrent mon attention. J’attendis sa réponse, inquiet de savoir si elle m’avait compris et si je pourrais la comprendre.

J’attendis avec un peu d’espoir, pensant que cette jeune fille pourrait être celle que je cherchais depuis un certain moment. Pourtant, au regard qu’elle me lança, je compris que ce n’était pas le cas. Les élèves se bousculaient autour de nous et commençaient déjà à monter en cours, et moi, je ne savais toujours pas qui devait m’aider.

« - Ce n'est pas grave. Je vois ça, mais… J-je suis désolée, je ne sais pas qui doit te faire visiter. J-j ‘ignorai même que ce genre de service existait. »

Elle parlait rapidement et avec des hésitations, ce qui ne rendit pas ma traduction facile. Malgré tout, j’avais saisis le fait qu’elle n’était et ne connaissait pas la personne que je recherchais. Je baissais les épaules, découragé. Bien, je pense que je vais devoir me débrouiller seul maintenant. L’élève qui devait me faire visiter m’avait très certainement oublié. A vrai dire, cela ne me dérangeait pas vraiment, je crois que je m’en fichais pas mal. J’allais devoir m’habituer à être seul pour cette année, du moins. Je ne pouvais pas retenir la jeune fille plus longtemps, je suppose qu’elle n’avait pas de temps à perdre avec moi et qu’elle devait maintenant aller en cours.

« - Je vois. Merci quand même. »

Bien, maintenant il ne me restait plus qu’à retourner à l’accueil pour demander de l’aider à un adulte. La première chose que j’aurais voulu faire, c’est poser les valises qui m’encombraient depuis un moment. Je ne me sentais réellement pas à ma place, ici. D’un regard ôté de toutes émotions quelconque, j’observais le théâtre habituel des élèves français. Tout ici était nouveau, différent. Il n’y avait que des paroles françaises qui parvenaient à mes oreilles. Pas un seul mot japonais. Bien que ce ne soit pas le cas, je trouvais qu’il y avait beaucoup trop de monde ici. Le vacarme des élèves m’assourdissait, c’était gênant.

Au Japon, juste après que je sois sorti de l’hôpital, mes parents m’avaient enfermés dans la maison et limitaient les visites des personnes extérieures aux médecins et psychologue. J’ai vécus quelques jours à la maison, seul, le temps que la presse se calme et que l’affaire retombe. Puis un jour, on a décidé de me remmener en cours. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Les étudiants m’ont rapidement entourés et m’ont posé des questions. Ils étaient trop nombreux autour de moi. J’ai commencé à étouffer et j’ai failli tomber dans les pommes. C’était sans compter sur l’aide des adultes qui sont rapidement arrivé et ont maîtrisés la situation. Depuis ce jour, j’ai été carrément isolé du reste du monde. Nous avons déménagé en France, et j’ai passé une année à ne rien faire d’autre qu’apprendre le français avec un professeur, et apprendre les coutumes françaises. En quelques sortes, depuis le drame de ma vie, c’est comme si mon existence s’était arrêtée. C’est pour cette raison que le fait qu’il y ait du monde autour de moi m’inquiétait. Je fermais mes doigts sur les poignées de mes valises et m’apprêtais à repartir lorsque la jeune m’arrêta et me proposa :

« - Euh... Si tu veux, je pourrais remplacer la personne qui t'a été attitrée. »

Je me figeais un instant et pris mon temps pour réfléchir. Si j’ai bien compris, elle me propose… de remplacer l’élève qui était censé me montrer le lycée. Cela pourrait vraiment m’aider étant donné que je me sens actuellement un peu paumé dans ce lycée. Je me retournais et retrouvais rapidement ma confiance habituelle. Au final, cette matinée ne se passera pas aussi mal que je ne l’avais imaginé.

« - C’est vrai ? Merci, ça m’aiderais vraiment si tu pouvais la remplacer, comme elle n’a pas l’air de vouloir se montrer. Mais est- ce que ce sera bon pour toi, il n’y aura pas de problème ? »

C’est que ce n’était pas prévu qu’elle allait me faire visiter le lycée, cela venait juste d’être décidé. Ne risquait- elle pas d’avoir des problèmes si elle était absente en cours alors qu’elle était censée être présente ? Il ne faudrait pas qu’elle ait des problèmes par ma faute. En attendant, c’est elle qui avait proposé alors elle devait savoir ce qu’elle faisait. Elle n’aurait pas suggérer de m’accompagner pour revenir sur sa décision peu après.

La cloche sonna 8 heures, et le début des cours. Les élèves présents dans le hall s’empressèrent de monter bruyamment en classe et très rapidement, il ne resta plus que nous deux, cette fille et moi, dans le hall, face à face, alors quelques valises traînant par terre.

« - Si cela ne te dérange pas, est- ce que l’on pourrait commencer par aller aux dortoirs pour que je puisse poser mes affaires ? » Un sourire vint éclairer mon visage. « - Je m’appelle Maehara Tetsuki, et toi ? »

J’avais faillis manquer à mes responsabilités, décidément. En revanche, j’avais repris confiance et mes bases de français me revenaient rapidement. J’étais capable de faire des phrases ayant du sens. Je passais ma main dans mes cheveux en esquissant un léger sourire amical, le premier depuis bien, bien longtemps. Au final, la France n’est pas si différente du Japon, comme je l’avais cru au départ. Les élèves ici sont les mêmes. Ils chahutent, se bousculent, parlent vivement, viennent en aide aux autres. Cela faisait longtemps et ça me paraissait un peu étrange, mais c’était comme si je revivais. Je dois laisser le passé derrière moi, même si j’en garde des séquelles. Ce lycée est un nouveau départ pour moi et je ne dois pas rater ma chance. Je dois rapidement m’entourer de gens et recommencer à sortir. Après tout, ce qui s’est déroulé au Japon ne se passera pas une deuxième fois en France. C’est impossible que je revive la même galère que dans mon pays natal.

Je n’ai plus qu’à tout recommencer. C’est tout de même un peu désespérant et frustrant. Devoir tout recommencer… Eh bien, maintenant, il ne me reste plus qu’à faire de mon mieux.