Olya Slavski
16 mai 1996
3ème année de Lycée


Astrée Nakashima
10 février 1996
1ère année de Prépa

Tirant mon énorme valise derrière moi, je sortais en courant du dortoir que j'avais occupé pendant plus de deux ans; évitant de justesse une chaussure que mon ancienne colocataire venait de lancer en direction de ma tête. Puis, tandis que je fermais la porte derrière moi, elle me fit l'honneur d'un juron dont j'ignorais même l'existence jusqu'à ce jour en guise d’au revoir. Certes, notre colocation n'avait pas été des plus heureuses et surtout bien connue de l'ensemble du pensionnat. Mais, mettez dans un pièce deux personnes aux caractères et aux habitudes radicalement opposés et vous verrez le résultat...
Le couloir était envahi de cartons et objets en tout genre. Les élèves devant changer de dortoir y ayant entassé leurs affaires personnelles tout au long de la matinée.

Décidant de faire fi des insultes qui continuaient de fuser derrière la porte et qui attiraient de plus en plus de regards sur moi, je lâchais ma valise et approcher mon visage de la porte. J'imaginais alors le visage rougeaud et déformé par la rage de l'autre élève de l'autre côté de celle-ci. Honnêtement, la situation était tellement grotesque que c'est avec beaucoup de difficultés que je me retins de rire. Je lui lançais alors sur un ton quasi naturel et ne traduisant aucune animosité des paroles qui, j'en étais certaine pour assez la connaître maintenant, allaient tempérer son humeur et l'amener au silence pour quelques instants. "Bonne journée! Je vois que tu t'exprimes toujours avec autant de raffinement!"

Reprenant ma valise, je m'éloignais alors de la porte et tentais, difficilement, de me frayer un passage dans le couloir. Je devais regagner la chambre B11 et il me faudrait pour cela monter d'un étage. Tout au long de ma marche, j'en profitais pour me remémorer les instants passés dans mon ancienne chambre.
Jamais je n'avais cherché à être en froid avec celle avec qui je devrais partager le lieu. Je n'aimais pas son côté puéril et commère. Pourtant, voyant que nous ne pouvions nous entendre, j'avais chercher au début à faire ma vie de mon côté. J'aimais lire, étudier et aussi discuter (ce dont je dus m'abstenir bien évidemment). Quand à elle, elle préférait parler garçons au téléphone et autres activités qui me semblaient affreusement inutiles. Mais après tout, chacun ses goûts! Plusieurs fois, je lui avais ainsi proposé de faire des sorties ensemble pour apprendre à mieux se connaître mais elle attirait tellement l'attention sur elle que j'avais rapidement abandonné ce type d'initiatives. Enfin, elle avait commencé à me prendre comme cible de ses commentaires et de ses moqueries. A partir de ce moment là, tout cohabitation était devenue impossible. C'est donc avec une sourire radieux que je me rendais dans ma nouvelle chambre.

Je mis plusieurs minutes à monter l'escalier tant ma valise était lourde. Une fois en haut, je trouvais rapidement où j'allais devoir dormir et étudier pour le reste de ma scolarité. J'attendis quelques instants devant la porte. Bien que je sois très heureuse de changer de chambre, je n'en ressentais pas moins une certaine appréhension. Même si je n'oserai surement jamais l'avouer à personne, la question qui tournait en boucle dans ma tête à cet instant et faisait l'objet de mes inquiétudes était: "Est-ce que Olya va m'apprécier ?".
Je pouvais me montrer très froide et hautaine parfois. Fière aussi. Mais ce n'était qu'une façade ou une attitude face à certaines personnes. En vrai, j'adorais passer du temps avec mes amis et lorsque je connaissais bien quelqu'un je devenais très enjouée et ouverte d'esprit.

Je ne connaissais Olya que de vue, mais j'avais lu son nom sur le papier que l'on m'avait distribuée la veille. Comme moi, elle était grande et très mince. Je me demandais même si elle n'était pas plus grande que moi d'une bonne dizaine de centimètres. Cela me changerait pour une fois d'être la plus petite. Pourtant, je n'accordais que peu d'importance à ces détails...
Ne sachant pas si Olya s'était déjà installée ou non, je frappais à la porte. N'entendant aucune réponse, je décidais d'entrer. A l'intérieur, tout ressemblait à une chambre d’hôtel. Aucun objet personnel ne venait décorer la pièce et les lits étaient parfaitement faits. J'en déduisais alors que ma futur camarade de chambre n'était pas encore arrivée.
Entrant cette fois complètement dans la pièce, j'allais déposer ma valise et mon sac à main dans un coin. J'attendrais qu'Olya soit là pour que nous choisissiez ensemble notre partie du dortoir.
Ce dernier d'ailleurs était assez bien décoré et la rénovation avait vraiment été une bonne chose.

Grâce à une rapide inspection des lieux, je pus constater que le premier lit se trouvait au fond droit de la chambre avec deux étagères et un bureau. Il était situé juste dessous une mezzanine où se trouvaient les deuxièmes bureau et lit.
Ne sachant pas trop quoi faire en attendant Olya, je retournais ensuite à pas feutrés vers mes affaires restées posées à l'angle d'un mur depuis mon arrivée.
Agenouillée par terre devant ma valise grande ouverte, je commençais alors à en sortir ma trousse de toilette et mes livres.
Je ne connaissais pas bien Olya mais elle me paraissait être une fille très intelligente, généreuse et dynamique. Tout en continuant de mettre de l'ordre dans mes affaires, j'attendis avec hâte son arrivée en jetant de fréquents coups d’œil en direction de la porte.

Toujours penchée sur sa valise, Astrée continuait d'y mettre de l'ordre en en sortant ses livres et nécessaires de toilettes. Sa valise devait faire plus du double de son poids tant elle paraissait grande et large. Mais sa mère, en choisissant d'acheter le plus grand sac de voyage qu'elle ait pu trouver, avait jugé préférable qu'elle prenne une valise plus grande plutôt que d'emmener plusieurs valises différentes au pensionnat. De toute manière, la résidence familiale se trouvant non loin de Versailles, elle n'avait aucunement besoin, contrairement aux élèves venant de plus loin ou même de pays étrangers, d'emmener l'intégralité de son armoire.

Cela faisait déjà plusieurs minutes qu'elle était assise ainsi à tenter de passer le temps de manière utile quand elle sentit ses jambes commençaient à s'engourdir. Ne se doutant pas que sa future colocataire était en train d'arriver, elle s'apprêtait à s'étirer. Elle aimait bien faire des mouvements et des étirements qui lui rappelaient les cours de danse qu'elle avait pris pendant de nombreuses années. Bien sûr, elle ne le faisait pas en plein couloir ou lorsque son ancienne colocataire était avec elle.

Le plus souvent, elle profitait d'être seule dans la chambre pour s'exercer ou elle réservait pour un soir ou un après-midi chaque mois l'une des petites salles de sport de l'école qui se trouvait au dessus du gymnase. L'une d'elle avait des miroirs, ce qui était très pratique pour s'entraîner. Et puis, cela permettait à Astrée d'évacuer le stress et la pression engendraient par les cours. De plus, elle aimait beaucoup cette salle. Le mur de gauche était constitué uniquement de grandes fenêtres formant comme une baie vitrée. Offrant ainsi une vue sur la ville alentours.

Malheureusement, ces salles étaient très demandées et il fallait s'y prendre tôt à l'avance pour les réservations. Elle n'avait donc la possibilité de s'y rendre qu'une ou deux fois par mois. Elle aurait pu y aller plus souvent si elle avait trouvé quelqu'un avait qui s'exercer en même temps. Mais, elle n'avait trouvé personne. La plupart des élèves réservaient pour des sports ou des danses différentes et ce n'aurait donc pas pu concorder. Avant, elle s'était inscrite dans une école de danse à Versailles et, de sa première année de Lycée à sa troisième année, elle y avait suivi deux cours par semaine. Mais, récemment, l'école venait de fermer. Elle s'était donc inscrite dans une autre école, malheureusement moins bien réputée que la précédente, et attendait de savoir si il y aurait de la place pour elle. Devant le nombre de demandes auxquelles cette école faisait face suite à la fermeture récente de celle de sa concurrente, elle avait mis en place un cours d'essai pour chaque futur élève afin de voir qui serait ou non "admis". Astrée trouvait cela plutôt horrible. Surtout quand on pensait qu'il s'agissait simplement d'un loisir. C'est donc avec grande angoisse qu'elle envisageait le vendredi qui arriverait dans quelques jours. A dix-heures trente ce jour là, elle devrait faire ses preuves. Par chance, elle avait réservé l'une des salles de sport pour la veille et pourrait un peu se préparer...

Plongée dans ses pensées, elle ne se rendit même pas compte du bruit que fit la porte de la chambre en s'ouvrant et sortit uniquement de ses pensées quand elle entendit quelqu'un lui parler. Se relevant avec souplesse et rapidité, elle détourna ensuite le regard vers l'entrée. C'était Olya qui venait de lui souhaiter le bonjour en accompagnant sa salutation d'un geste amical de la main. Astrée y répondit tout d'abord par un grand sourire qui vint éclairer son visage et mettre en avant sa dentition parfaite. Elle se hâta ensuite de retourner la salutation en ayant toutefois pas omis de remarquer le léger accent russe de sa camarade.

La précision était plus qu'inutile puisqu'elle savait qu'Olya avait certainement lu son nom sur le papier de répartition, tout comme elle-même l'avait fait, mais elle jugeait polie de se présenter. Elle s'avança ensuite vers la nouvelle arrivante et, voyant qu'elle transportait quatre valises, lui proposa tout de suite son aide.

" Je vois que tu es bien chargée ! Je peux t'aider si tu veux. "

Sans même lui laisser le temps de répondre, elle lui prit délicatement des mains deux de ses valises et s'apprêtait à les tirer au centre de la pièce quand... Ce ne fut pas aussi simple qu'elle l'aurait pensé. Stoppée dans son élan, elle put alors constater qu'elles étaient vraiment très lourdes et resta un moment sur place, tirant de toute ses forces sur les manches des deux valises. Le haut du corps penché en avant et continuant de tirer de toutes ses forces, elle se sentit affreusement ridicule même si la situation ne dura que quelques secondes. Puis, elle réussit finalement à les déplacer.

Une fois cette action accomplie. Action qui lui avait demandé beaucoup plus d'énergie qu'elle ne l'aurait imaginé, elle se retourna vers Olya un peu gênée. Cette dernière semblait très sportive et Astrée n'en douta plus après avoir difficilement tiré sur quelques mètres deux de ses valises alors qu'elle avait réussi à monter les marches avec quatre. Elle lui sourit à nouveau, ne sachant pour le moment pas trop quoi dire. Les cheveux courts et noirs de sa colocataire allaient parfaitement avec son teint pâle et ses yeux verts foncés.

Reprenant la parole, Astrée lança sa camarade sur un sujet, certes peu original et affreusement banal dans le cadre de l'arrivée dans un nouveau dortoir.

Elle accompagna ses paroles d'un geste de la main en direction du fond gauche de la pièce, puis rapporta son attention sur Olya. Pour le moment, ces quelques formalités semblaient suffire. Elles auraient tout le temps de parler plus tard et de manière sereine quand elles seraient définitivement installées.