J'ouvris un oeil, puis deux, avant de me lever en douceur. Il devait être environ huit heures lorsqu'un brise matinale secoua lentement les rideaux de ma chambre. Une domestique qui avait ouvert la baie vitrée me salua avant de me demander ce que j'aimerais pour mon petit-déjeuner. Je secouais la tête avec lenteur en lui disant que j'allais me le servir moi-même, lui demandant tout de même de me réchauffer du lait vanillé comme il le faut. Complice, la domestique me sourit avant de sortir de la grande pièce qui était ma chambre. Je souris légèrement, et sortis de mon armoire la seule robe que je possédais en maintes exemplaires, celle que je portais en permanence et qu'on se plaisait à décrire lorsque j'avais un interview, un direct ou un concert.

Je me dirigeais dès lors vers ma salle de bain, me douchais, et en sortis avec une odeur de lavande collée à la peau, et une odeur de jasmin aggripée à mes cheveux. Je contemplais les deux petites armoires ouvertes qui bordaient le miroir au-dessus du lavabo. Les deux armoires étaient remplies de cosmétiques en tous genres. Maquillage pour la gauche, parfums pour la droite. Je ne me mettais jamais de maquillage, sauf une très légère et fine couche de brillant à lèvres, qui ne se voyait qu'avec le reflet de la lumière. Je souris légèrement. Je me séchai, m'habillai, appliquai la fine couche de brillant sur mes lèvres, en enlevant en constatant que j'en mettais beaucoup trop - ce qui revient à dire un petit peu au lieu de presque rien -, et me parfumai de mon parfum à la rose que j'adorais.

J'enfilai mes bottines et mes gants, et me contemplai vivement dans un miroir. La même tenue que tous les jours. On m'avait dit qu'un groupe jouerait au Centre Commercial, et je n'allais certainement pas manquer ça, pas en tant que chanteuse mais en tant que jeune fille curieuse de tout, surtout dans le domaine musical. J'ouvris une armoire à côté de mon piano, une armoire grande, et contemplai tous les instruments qui y étaient judicieusement placés. Outre mes talents de chanteuse, je commençai à me faire connaître par ma maîtrise des instruments à cordes, ma renommée au piano n'étant plus à faire. J'optai finalement pour mon violon, que je pris dans sa housse blanche aux quelques motifs bleus foncés, s'accordant parfaitement à ma robe.

Je descendis dès lors, remerciai la domestique pour son travail, et mis le lait vanillé dans une bouteille en verre, laquelle ne quittait jamais mon sac en bandoulière blanc, dont un ruban bleu coupait en sa diagonale pour finir en un noeud de papillon. Comme toujours, le majordome me conseilla de prendre des gardes du corps, mais j'élidais d'un geste de main, en disant que plus de gardes du corps il y aura, plus j'attirerai l'attention. Le majordome me regarda et finit par me murmurer de garder mon oreillette et mon traceur allumé, de même que mon portable. Je lui souris en fermant les yeux, puis continuai mon chemin vers le portail. Je fis savoir au gardien que je comptais sortir, celui-ci hocha la tête en me souhaitant une bonne journée comme en me disant de ne pas relâcher ma vigilance.

Je me dirigeai dès lors vers le Centre Commercial, plutôt loin de l'endroit où j'habitais. Je me garai en ville comme je le pus une demi-heure plus tard, en sachant d'ores et déjà que j'allai attirer du monde. Sortant de ma voiture, je m'éloignais rapidement en direction du Centre Commercial, mon violon passé dans mon dos, ma bandoulière sur l'épaule gauche et mon sac sur ma hanche droite. En entrant dans le centre commercial, je vis le guitariste finir sa chanson et son morceau de guitare. Je souris doucement, en le regardant aller se chercher à boire et repartir aussi vite. Puis, je me tournai vers la scène. Dire que mon ancien groupe ne me manquait pas serait mentir, mais je préférais accomplir mon but seule, du moins, ce que je savais que je pouvais accomplir seule. Inutile d'encombrer des personnes dans mes pattes ou que celles-ci viennent m'encombrer dans mes pattes, ce qui était nettement moins probable. Je ne remarquai même pas les affiches des stars internationales autour de moi, ne remarquant pas non plus que j'en faisais partie, et remarquant encore moins la personne qui se dirigea vers moi.

Lorsqu'il se mit à parler, je me tournai au trois quarts et souris en voyant qu'il s'agissait du guitariste qui avait apparemment fait son show tantôt.

-Dis j’ai déjà entendu parler de toi, chanteuse n’est-ce pas ?
Et on ne serait pas dans la même classe aussi ? Je t’ai déjà vue dans l’autre
groupe… C’est marrant de se retrouver ici. Mademoiselle Snow...

Je me contentai de hocher ma tête, ou plutôt de l'incliner, en forme de salut de ma part avant de m'appuyer d'une manière qui paraissait nonchalante sur le pilier à côté de moi. Puis, sans chercher à aller par contre chemin, je répondis de mon naturel soprano aux intonations graves et ici, quelque peu malicieuse.

- Mes Salutations, jeune homme... Chanteuse en effet, mais qui sait s'il n'y a pas autre chose... ? Je lui adressai un sourire énigmatique et mystérieux qui laissait de plus belle planer le doute. Hm... Je suppose que vous parlez de mon ancien groupe, si je ne m'abuse... Très cher Suhsha...

J'entendis dès lors des cris, et un entassement de personnes qui s'agglutinaient autour d'une top-modèle réputée, et arquai un sourcil, en riant allègrement. La jeune top-modèle m'avait remarqué, et s'avançait vers moi. Dès lors, un amassement de personnes nous entoura. Je soupirai gentimment avant de planter mon regard dans celui de la jeune femme qui nous faisait face. Elle était très belle, avec ses yeux verts-bleus et sa chevelure flamboyante, d'un roux plutôt jolie. Des formes de rêve, certes, mais elle était... Hm.. Trop superficielle. Elle aussi me fixait, et me décocha un sourire à la hauteur de son énorme superficialité.

- Et bien, bonjour Snow... Je ne pensais qu'une personne d'aussi bas niveau dans le violon s'amuse avec pour épater la galerie...

Je lui souris calmement, lui prouvant ainsi qu'elle n'allait pas échapper à mon légendaire mystère, ni à ma franchise. Regardant l'amas d'hommes autour d'elle, je me mis à rire doucement, avant de lui lancer d'une voix franche, mais qui restait dans la finesse de la délicatesse.

- Je suis tout aussi surprise de voir une pareille superficialité me parler de... d'épater la galerie, dirons-nous... Dois-je y voir un défi ?

- Evidemment ! Tu n'es pas capable de rivaliser avec la voix d'Hisashi Suhsha !

Mon soupir se fit clairement entendre de tous. J'avais une voix particulière, je pouvais rivaliser avec celle du guitariste, pas avec sa maîtrise de la guitare, cela était clair comme de l'eau de roche. La voix de cette fille avait été mielleuse et séductrice dès qu'elle avait commencé à confirmer mes craintes. La façon dont elle draguait m'agaça légèrement, très légèrement, assez cependant pour qu'elle se prenne une de mes phrases cinglantes au visage.

- J'suis pas là pour dandiner mon cul devant des mecs pour les chauffer à blanc, chaton ~ Combien de fois ce genre de choses m'arrivaient en une journée... ? Plantant totalement mon regard dans celui de cette top-modèle, je finis par ajouter une dernière pique. Et si tu respectais vraiment ce cher Suhsha, tu lui demanderais son avis. La liberté, tu connais ça, non ? Tss... T'es aussi inintéressante que ta superficialité, et là, franchement, intellectuellement je m'ennuie. Navrée, chaton ~

Il était particulièrement aisé de lire dans son jeu. Elle n'essayait que d'épater la galerie en prouvant qu'elle pouvait tenir tête à une star internationale. Le simple fait que je l'appelais " chaton " et que je la tutoyais prouvait que j'étais désormais agacée. Sans même regarder autour de moi, je m'approchai de l'oreille du guitariste en lui murmurant que j'allais dans un endroit calme. Ceci chuchoté à l'abri des indiscrets, j'exécutai un saut périlleux arrière, puis d'autres encore, jusqu'à disparaître de la circulation. Après avoir emprunté mille et uns raccourcis, je me retrouvais dans le bar où le guitariste avait été tantôt, et contemplai l'amas de gens. Je demandai simplement un milkshake à la mangue, ce que le barman me servit avec un sourire aux lèvres. Il avait vu deux stars internationales en l'espace d'une quinzaine de minutes.

Après avoir compris que ma réputation de mystérieuse et d'énigmatique n'était plus à refaire, il se contenta d'hausser les épaules en me répondant d'un voix rêveuse.

-Je vois, je vois….
Et je suppose que oui… Votre ancien groupe…

Je ne pus que sourire face à cette prise de parole, s'il ne cherchait pas à en savoir plus, c'était tant mieux pour moi. Toujours adossée au pilier, je lui envoyais un regard doux, mais dont l'étincelle de malice flamboyait au fond de mes yeux, pour ceux qui savaient où la trouver.

- Les suppositions ont besoin d'une hirondelle pour exister...

Simple façon de dire que les suppositions voyageaient énormément et trouvaient uniquement parfois leur confirmation. Je ne savais pas comment il allait le prendre, mais il allait peut-être monter dans mon estime.

[...]

Mon milkshake en main, je demandais brusquement au barman si je pouvais emporter le verre avec moi. Il accepta avant même que je n'ai eu le temps de placer les formules habituelles, et refusa que je le paie pour. Avant qu'il n'ait le temps de répliquer, je posais un billet de dix euros sur le comptoir, et repartit aussitôt, non sans avoir salué respectueusement l'homme. Paille entre les dents, je sirotai mon milkshake avant que la top-modèle ne me retombe entre les pattes.

Paille entre les dents, je me contentai de la regarder en arquant un sourcil, tout en continuant de siroter mon milkshake. Elle s'apprêta à me coller une gifle, mais ma main l'intercepta. C'est alors que je m'aperçus qu'un cameraman nous filmait, tandis qu'une femme avait l'air de dire qu'il s'agissait d'un direct. Un sourire mystérieux aux lèvres, je contemplai la jeune rousse en face de moi, tandis qu'elle me fixait d'un oeil faussement gentil. Autrement dit, elle me dardait des yeux noirs implicitement.

- Je ne savais que tu étais assez lâche pour te dégonfler.

J'arquai un sourcil, amusée, mais ne lâchai pourtant pas une réplique de plus. Paille entre les dents, je me contentais de siroter mon milkshake. Quand tout d'un coup, elle me lança que mon frère était le pire pianiste sur la terre. Dès lors, mes yeux malicieux prirent une teinte énigmatique. Seuls ceux qui me connaissaient vraiment savait que ce regard, mi malicieux mi énigmatique, était pareille à une menace. Elle continua sur sa lancée, approuvée par ses fans, et se compara à une déesse du mannequinat, et du violon, instrument qu'elle jouait depuis longtemps et... Je n'écoutais même plus ce qu'elle disait. Je me fichais de l'interrompre.

- Une déesse, toi ? Même une poule qui expose son derrière sait quand se la fermer... Ha.

- Et ton frère, le piano lui a détend sur les cheveux... ? Ah, même les fientes de cochon jouent mieux que lui..

Je fermais doucement les yeux. En revanche, trop était trop. Traiter mon frère de la sorte me rappelai que trop bien comment sa carrière de pianiste avait été perçue par ses faux-amis... Et même sa fausse petite amie... A l'insulte suivant, mon pied partit en un coup circulaire, et la mannequine se retrouva avec la tête coincée entre le sol et mon pied. Tout aussi brusquement, j'enlevai mon pied et me penchai pour lui murmurer mes plus plates excuses, qui étaient sincères avant de me relever et de lui lancer une dernière pique.

- Je vous l'ai déjà dit, il me semble, miss... L'intellectuel et les mots sont des armes que vous ne saurez jamais employer, armée comme vous l'êtes de votre apparente superficialité..

Sur ce, je lui tournai le dos, et à la caméra en passant, et sortis du Centre Commercial. Une fois sortie, et plus suivie, je rentrais à nouveau dedans, et je sentis une vibration familière émaner de mon sac. Je l'ouvris et regardai mes quatre portables. L'un était professionnel, concernant soit mon travail de chanteuse et récemment de violoniste et de pianiste, l'autre était celui que je donnais aux interviews et concernait principalement mes fans et autres, le troisième était réservé au Pavillon Nocturne, la propriété où je demeurais, et donc à mes domestiques et majordomes, le dernier concernait mes proches ainsi que le domaine familial. Je soupirai, tant de portables ne servaient à rien, mais mes parents me répétait que cela me servirait à l'avenir. Et effectivement...

Je pris dès lors le portable noir, celui reservé à mes fans et autres, et constatai avec un sourire satisfait que le message venait de celui-ci. J'avais changé l'intensité de vibration, et celui-ci avait la plus faible... Je secouai la tête et ouvris le message.

" Si tu veux je peux te raccompagner au bahut, toute à l’heure
je pense qu’on sera plus tranquille la bas pour parler. J’ai une voiture garée
au parking C3. Si ça t’intéresse je t’attendrais la, moi je bougerais pas d’ici
avant un moment de toute façon. "

Après l'avoir lu, un petit sourire naquit sur mes lèvres. Je me dirigeai vers le parking en question, tout en prenant mon portable blanc, destiné au Pavillon Nocturne ainsi qu'à mes domestiques et majordomes, j'appelai le majordome en chef directement sur son portable. Il me dit immédiatement qu'ils avaient dû sortir d'urgence, car il manquait un ingrédient phare au plat surprise du 1er mai, et je souris doucement. Par la suite, je lui demandai s'il était possible de ramener ma voiture, et je lui spécifiai l'endroit où elle se trouvait. Le majordome aquiesça brièvement en me disant qu'ils étaient près de cet endroit, et je le saluai, puis raccrochai.

Après avoir parcouru les parkings, je reconnus enfin le visage du guitariste, et me dirigeai vers sa voiture. Un bruit de gouttes qui tombaient lentement me fit tourner la tête. Du sang. Par terre. Je sentis alors le sang perler de mon épaule droite, pour se recueillir dans mon coude et continuer de goutter. Je soupirai doucement et sortis mon mouchoir de soie bleu, essuyant vaguement le sang, gardant le mouchoir sur ma plaie qui me paraissait bien petite. En la regardant de plus près, je constatai qu'elle n'était pas si petite que ça. Je soupirai. J'avais bien dû me faire mal lorsque j'avais poussé cette porte...


Sans préambule, j'ouvris la porte côté passager et me glissai sur le siège avec un sourire malicieux. Ce simple geste apportait une confirmation à sa question qui était restée en suspens : je faisais bel et bien parti de Suki Gakuen, et j'étais bel et bien dans sa classe. Je gardais mon mouchoir de soie bleue en murmurant de mon soprano cristallin.

- Ce n'est rien... Les entrées sont parfois trompeuses...

J'haussais les épaules et m'enfonçai dans mon siège. De nouveau, j'ouvris mon portable noir, et lâchai un juron. Cette fille me suivait comme la peste, ou bien... ? J'éteignis ladite machine et l'enfourgai dans mon sac. Non mais. Je me tournais ensuite vers le guitariste, penchant légèrement ma tête de côté et le fixant de mes yeux mystérieux.

- Croyez-moi lorsque je dis que je suis navrée de se rencontrer dans ces circonstances-là...

Je mis ma main gauche sur la droite, de façon à ce qu'elle cache la bague que j'avais, passée à mon majeur droit. Le sceau de ma famille, le sceau d'une famille d'aristocrates, qui constituait bien souvent un " laisser-passer ". Je ne voulais pas qu'il me fasse non plus des remarques sur le fait que cette bague en argent sertie d'un saphir qui se maintenait à l'anneau d'argent grâce à un complexe d'arabesques de la même matière était passée à mon majeur droit... par-dessus mon gant blanc. J'inspirai profondément. Décidément... J'étais loin de m'attendre à tout cela en allant au Centre Commercial..