Une erreur peut vous amener très loin. [PV : Setsuna]

Ancien staff

La vie est faite de nombre de hasards, pas si hasardeux que ça, finalement. Après tout, chaque chose qui nous semble découler de la chance résulte en réalité de nombreux choix et accidents. Alors notre rencontre ici fut-elle fortuite ou inévitable ? Je n'en savais rien. Ce que je savais, c'était que je n'allais pas la regretter.

Changer de lieu de vie : c'était mon objectif depuis un moment. J'étais depuis un peu plus d'un an dans les pensions du lycée, et je me devais d'admettre qu'il commençait à devenir exaspérant de n'avoir aucun moment à soi. Encore, les choses auraient pu être plaisantes, mais mes relations avec mon colocataire étaient pour ainsi dire... inexistantes. Et le peu qui existaient se traduisaient par des regards en biais : j'avais l'intime conviction que ma couleur de cheveux lui posait un réel problème.

Alors j'avais commencé depuis un moment à travailler dans un café de la ville pour financer mon propre appartement, et le moment était venu de passer à l'action. Tout était prêt : j'avais réuni suffisamment d'argent, mon salaire mensuelle me permettait de financer un logement ; bref, tout était parfait. J'avais donc un rendez-vous avec mon futur propriétaire au restaurant, pour discuter des formalités. Je l'avais eu au téléphone, et c'était supposé être une femme aux longs cheveux noirs. Sur cette simple description, j'allais la retrouver dans le restaurant.

Pour ce moment, je m'étais préparé du mieux que je pouvais. Je ne possédais aucun costard, c'était bien trop cher. Mais j'avais mis une chemise blanche impeccable, quoi qu'un peu froissée, accordée avec un jean bleu foncé auquel j'avais ôté la chaine qui l'ornait. J'avais tenté tant bien que mal d'aplatir mes cheveux. Je me regardai dans la glace pour observer le résultat : j'étais parvenu à venir à bout de ma tignasse, mais le rendu était tout bonnement affreux. Je m'ébouriffai de nouveau pour retrouver un aspect moins ridicule.

Le coeur plein d'espoir, je me rendis donc au lieu de rendez-vous. J'avais eu un peu de mal à comprendre au téléphone, mais il me semblait que c'était bien au Continental. Je poussai donc la porte et entrai joyeusement, bien qu'assez nerveux pour la suite des évènements. Je n'étais probablement pas le seul à postuler pour ce logement, il fallait faire bonne impression. Je parcourus alors la salle du regard, cherchant des cheveux noirs quelque part. J'aperçus une femme, seule, assise à une table.

Je pris une longue inspiration, puis m'approchai d'elle sans hésitation. J'arrivai à sa table, à côté d'elle, et lui fit mon plus beau sourire. Je lui tendis la main pour la saluer, puis vins m'asseoir face à elle.

- Bonjour madame ! Heureusement que vous étiez la seule aux longs cheveux noirs ici, j'avais peur de me tromper, mais au moins aucun risque comme ça.

Je jetai un coup d'oeil vers elle : elle semblait vraiment très jeune, c'était assez surprenant. Enfin, elle avait probablement un excellent anti-rides.

- Vous avez très bonne mine en tout cas, laissez-moi vous payer quelque chose à boire avant de commencer à parler affaires !

Invité

L’automne s’imposait lentement mais sûrement, tant par ses couleurs chaudes que par la fraîcheur mordante des brises nocturnes dont le contraste ne manquait jamais de l’étonner. Setsuna n’avait encore jamais eu l’occasion de vivre cette saison ailleurs qu’au Japon, et si elle ne différait pas spécialement en France, elle lui semblait bien plus chaleureuse et romantique ici que dans son pays d’origine. Un soupir las s’échappa des lèvres de la jeune femme. L’année s’était écoulée à une vitesse hallucinante, voilà que Noël approchait à grand pas et aux dernières nouvelles, elle ne rentrerait certainement pas dans l’archipel nippon pour les fêtes de fin d’année. En un sens c’était mieux ainsi. La tradition voulait que les Noëls se passent entre amoureux, de là où elle venait, et retourner dans son quartier pour voir ses voisins d’autrefois filer le parfait amour alors qu’elle se traînerait un père dépressif n’était pas dans ses cordes pour la soirée censée être la plus belle de l’année. Mieux valait qu’elle le fête seule, ou en compagnie obligatoire de Sora, chez lui, sans trop avoir le choix puisqu’elle savait d’ores et déjà qu’il lui avait déjà acheté son « cadeau ». Cette pensée arracha une grimace dédaigneuse à Setsuna, et la jeune femme posa doucement son coude contre la table avant de glisser son menton au creux de sa paume, les yeux rivés sur la fenêtre.

Pour l’énième fois, elle se demanda intérieurement pour quelle raison saugrenue elle était venue ici, et l’image d’un roux effarouché lui vînt à l’esprit. Ah, oui. Effectivement. Elle était censée avoir « rendez-vous », et au vu de sa tenue, il fallait croire que l’espace d’un instant, elle l’avait vaguement considéré comme tel. Ayant troqué ses habituelles robes blanches contre un jean skinny d’un bleu sombre et une élégante chemise ample souple et relevant sa taille fine, le tout accompagné de petites ballerines noires accordées à son haut, Setsuna avait noué ses cheveux d’un noir d’encre en une longue tresse romaine retombant délicatement sur son épaule jusqu’à son bassin. Il ne viendrait pas, elle le savait, et à l’instant même où elle laissait un soupir filtrer de ses lèvres en envisageant de partir :

« Bonjour madame ! Heureusement que vous étiez la seule aux longs cheveux noirs ici, j'avais peur de me tromper, mais au moins aucun risque comme ça. »

Elle écarquilla vaguement les yeux, surprise, et le détailla vaguement sans avoir le temps d’en placer une qu’il reprît :

« Vous avez très bonne mine en tout cas, laissez-moi vous payer quelque chose à boire avant de commencer à parler affaires ! »

C’était à ne plus rien y comprendre. Déconcertée, elle le fixa un moment sans réellement assimiler la situation et recouvra finalement un visage neutre en laissant un silence passer avant de marmonner :

« Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez. »

Elle attendait un roux…Pas un albinos. Troublée, elle reposa son bras contre la table, calant de nouveau son menton au creux de sa paume en regardant par la fenêtre.

« Et si vous deviez retrouver la seule femme à posséder de longs cheveux noirs ici, estimez que vous venez de vous faire poser un lapin. Je me sens moins seule pour le coup. »

Son regard ne s’était pas reporté sur lui une seule fois, comme d’ordinaire son visage semblait évasé, distant, et sa voix était restée aussi éteinte que d’ordinaire.

Ancien staff

Il fallait que je sois parfait. J'avais cru comprendre que nous étions plusieurs à vouloir cet appartement, alors je devais être le meilleur d'entre tous. Je vérifiais une dernière fois que ma tenue n'était pas bancale, que mes lacets étaient correctement fait, que mes cheveux ne bataillaient pas... Bon, ça c'était raté. Je pris une longue inspiration, et je vins saluer la femme aux cheveux noirs que j'étais supposé rencontrer. Mon coeur battait un peu plus vite que nécessaire : j'avais vraiment la pression. Devoir être irréprochable n'était peut-être pas dans mes cordes. Après tout, j'avais un don certain pour la maladresse, alors ce jour-ci ne ferait probablement pas exception.

Cependant, jusque là je m'en tirais bien. Je saluai donc la femme que je rencontrais, bien qu'elle eut l'air très surprise de me voir. Mes cheveux peut-être ? Souvent leur couleur étonnait les gens. Je devrais peut-être songer à les teindre, mais je doutais sincèrement qu'une autre couleur aille avec la couleur de ma peau. Je fus cependant très surpris par son apparence. Si je ne l'avais pas su propriétaire, je lui aurais donné mon âge tout au plus. Je me dis vaguement que si Kanako passait dans la rue, elle n'apprécierait sûrement pas de me voir avec cette femme, qui plus est bien habillée.

Alors que je lui proposai de boire quelque chose, elle me dévisagea. Elle ne savait pas qui j'étais ? J'aurais peut-être dû me présenter en effet. Mais son visage prit juste après une expression des plus neutres. Je pâlis : visiblement je ne faisais pas bonne impression.

Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez.

Puis elle se mit à regarder par la fenêtre. Etait-ce un test ? Qu'est-ce qu'elle racontait enfin. Je redressai la tête et regardai partout autour de moi à la recherche d'une personne aux cheveux noirs : elle était la seule. Toujours assis face à elle, je la regardais, interloqué. C'était à n'y rien comprendre.

Et si vous deviez retrouver la seule femme à posséder de longs cheveux noirs ici, estimez que vous venez de vous faire poser un lapin. Je me sens moins seule pour le coup.

Bon, de toute évidence ce n'était pas elle qui se trompait. Ou alors elle était réellement stupide, mais en l'occurrence j'avais plutôt l'impression que cette fille n'était pas idiote. Je comprenais mieux la tenue correcte et l'air bien plus jeune que je ne l'aurais cru. Finalement, même la voix était très différente de la femme que j'avais eu au téléphone. Tout de même, pour être sûr, je lui demandai :

J'en déduis donc que vous n'êtes pas Madame Sanchez ?

Je me sentis incroyablement stupide en posant cette question. Non, elle n'avait vraiment pas l'air d'une femme d'origine latine. Sa peau très pâle et la forme de ses yeux laissait bien plus penser à une asiatique... Je soupirai de ma propre stupidité. Madame Sanchez, mais bien sûr.

Ah... quelle question idiote. Je me disais aussi que tu faisais bien jeune pour être propriétaire. Alors comme ça on t'a posé un lapin ? Rendez-vous d'affaire ou galant ?

A la fin de ma question, mon portable se mit à vibrer dans ma poche. Je le sortis et vu un appel de la fameuse latine Un peu énervé, je décrochais en la saluant brièvement, et lui demandant si elle avait oublié notre rendez-vous sur un ton sec. Tout ce que je compris de sa réponse fut "J'attends depuis une demi-heure à l'Oriental ! Vous n'aurez jamais cet appartement !" Et le reste fut un charabia incompréhensible en espagnol que même la jeune fille face à moi devait entendre. Pris de panique, je raccrochai et rangeai mon téléphone dans ma poche. L'Oriental, pas l'Occidental...

Invité

« J'en déduis donc que vous n'êtes pas Madame Sanchez ? »

Elle arqua un sourcil. Il était stupide ? Avait-elle le visage d’une latino ? Secouant doucement la tête, Setsuna posa son regard céruléen sur le garçon posé face à elle, silencieuse. Il devait avoir le même âge qu’elle, tout au plus, et ce style vestimentaire qu’il arborait passait assez bizarrement avec ses manières. Comme si son physique hurlait quelque chose dans le genre de « Laisse-moi sortir de cet accoutrement que je ne suis absolument pas habitué à porter ! ». Oui, en fait c’était exactement ça.

« Ah... quelle question idiote. Je me disais aussi que tu faisais bien jeune pour être propriétaire. Alors comme ça on t'a posé un lapin ? Rendez-vous d'affaire ou galant ? »

La nippone entrouvrît les lèvres pour parler mais fût interrompue par le vibreur du téléphone de son interlocuteur, qui répondît de façon si sèche qu’elle en fût elle-même assez surprise. Le dialogue qui suivît lui arracha un sourire lorsqu’elle comprît les quelques mots que la femme à l’autre bout du fil lui balançait, et au vu de son manque d’activité, elle conclût que l’albinos sous ses yeux ne comprenait pas un mot de ce qu’elle racontait. Tant mieux pour lui, en un sens. Elle se retînt de sourire un peu trop en le voyant ranger son téléphone d’un air affolé et se contenta de reposer son bras contre la table, sans cesser de le regarder.

« Apparemment, non, je ne suis pas ta propriétaire. »

Setsuna glissa doucement ses doigts dans le haut de ses cheveux, l’air absent, et reprît ensuite d’un ton détaché, démontrant clairement son enthousiasme face à sa question suivante :

« Rendez-vous galant. Mais je le sentais venir, ce lapin… »

Evidemment que oui. Aucun garçon ne lui proposait un rendez-vous sans se remettre en question après. Elle était une Ameonna après tout. Et cette constatation lui arracha un sourire alors qu’elle reprenait :

« Tu ne te sens pas mal à l’aise dans ce genre de vêtements ? »

Ancien staff

« Apparemment, non, je ne suis pas ta propriétaire. »

Je redressais la tête pour regarder la jeune fille aux longs cheveux noirs qui me faisait face. Elle souriait légèrement, sourire que je lui rendis. Certes, je venais de manquer un bel appartement, mais bon, la vie était faite de ses hauts et de ses bas. Ca n'avait pas beaucoup d'importance, j'en trouverais facilement un autre, et j'avais l'impression d'avoir rencontré une personne agréable.

- Ou alors il est temps que tu retournes au soleil, mais en effet il y a peu de chance. Et ta voix est sans aucun doute plus douce... fis-je en grimaçant en repensant au charabia espagnol que je venais de subir.

Puis bien vite, elle reprit un air très détaché. Je haussais un peu les sourcils en la regardant avec curiosité. Elle n'avait pas l'air de sourire souvent, c'était peut-être une petite victoire que d'avoir réussi à lui arracher un rictus. Enfin, quand c'était parce que je posais des questions plus débiles les unes que les autres, probablement n'était-il pas possible de qualifier ça de glorieux... Mais quand bien même, c'était un début. Elle m'intriguait assez à vrai dire. Sa personnalité semblait être très solitaire sans pour autant être sombre. Elle sembla ensuite dérangée par ma question.

« Rendez-vous galant. Mais je le sentais venir, ce lapin… »

Je détournais un peu le regard. C'était une question déplacée que je lui avais posée, d'autant plus que je n'avais pas envisagé qu'elle puisse s'être fait poser un lapin. Elle n'avait pas l'air d'être une personne naïf ni désagréable, alors je ne comprenais pas trop. Je passais ma main dans mes cheveux, gêné.

- Désolé, je crois que j'ai un certain don pour poser les mauvaises questions... Il va peut-être arriver ! A quoi il ressemble ? Je peux te dire si je le vois.

Elle se mit alors à sourire doucement. J'étais un peu mal à l'aise d'avoir probablement abordé un mauvais sujet, mais elle ne semblait pas s'en être offusquée, alors je me détendis un peu.

« Tu ne te sens pas mal à l’aise dans ce genre de vêtements ? »

Je la regardai, surpris, puis regardai mes vêtements. Ouais, ça se voyait que ce n'était pas ce que je portais d'habitude. Je me mis alors à rire avec beaucoup plus de naturel. Puisque j'avais manqué mon rendez-vous, je retirais ma chemise de dans mon pantalon pour être déjà un peu mieux. J'appelais ensuite un serveur à notre table. A peine quelques secondes après, il était près de nous avec son bloc note à la main, le stylo paré à l'action.

- Puisque visiblement nous sommes ici inutilement tous les deux, autant boire quelque chose. Tu veux quoi ? La galanterie veut que je t'invite, à moins que tu ne caches quelque chose sous ta robe.

Ce n'était peut-être pas la première chose à dire à une fille élégante, mais j'avais la sensation que le courant passerait bien entre nous. Elle semblait être une fille respectable, tout sauf hautaine et méprisante. Bref, quelqu'un d'à la fois froid et discret, mais qui sait marquer votre vie et vos relations par sa particularité.

- Pour moi ce sera un jus d'abricot, et maintenant attendons que ma compagne d'infortune se décide.