Quand on arrive dans une nouvelle ville, il faut tout d'abord un temps d'adaptation. J'étais venu jusque Paris pour assouvir mon rêve de devenir créateur d'une ligne de vêtement, mais pour cela fallait-il déjà commencer dans la mode. Et encore avant cela, il me fallait de l'argent. J'avais donc pris un job de surveillant pour essayer de prendre les choses en main. Mais franchement, il fallait l'admettre : c'était l'enfer.

J'avais arrêté mes études après le bac pour me consacrer à la mode, alors certains des élèves étaient plus âgés que moi. Bonjour la crédibilité quand on a 21 ans. Alors ce dont j'avais le plus besoin actuellement était très simple : me détendre, me défouler, et exprimer un tant soit peu de supériorité sur quelqu'un.

J'étais donc allé à une sorte de laser game. Je n'étais pas spécialement mauvais das ce domaine, mais je supposais qu'on me dépassait facilement. Tout ce que je voulais, c'était me défouler penser à autre chose. Travailler était vraiment stressant. Je m'étais donc enregistré pour une partie et avais déjà marqué un certain nombre de points malgré tout.

Je virevoltais entre les participants, tirais mes balles invisibles sur leur gilet lumineux, me cachais derrière un faux bus délabré. L'univers était fabuleux. On se serait cru dans un lieu post-apocalyptique, tout à fait adapté à l'idée de faire la guerre contre des inconnus pour notre propre survie. Je n'étais pourtant pas quelqu'un de nature violente, mais parfois ça faisait vraiment du bien de relâcher la pression, d'être ce qu'on n'était pas chaque jour.

J'étais plutôt atrocement gentil normalement. Têtu comme une mule, déterminé, mais gentil et altruiste. C'est donc cette part de ma nature qui est ressortie lorsque j'ai vu cette jeune fille aux cheveux rosés. Moi aussi j'avais eu des mèches roses pendant un temps, mais actuellement mes cheveux étaient juste décolorés en un blond paille que j'adorais et qui m'allait à merveille.

Donc cette jeune fille a l'air heureuse à l'idée de shooter des inconnus. Je ne pus que m'attendrir devant cette vue, et, moment d'inattention qui me fut fatal puisqu'elle me tira dessus. Je sautais aussitôt derrière une barricade en aspect de vieux fer rouillé et je protégeais de la folle furieuse qui semblait me faire face.

- Tu ne m'auras pas comme ça !

Je relevai légèrement la tête et tirai sur elle avec mon arme de jeu pour reprendre les points qu'elle venait de s'octroyer. Puis, une fois mon petit jeu accompli, je sortis de ma cachette et me mis à courir loin de sa portée, me cachant à l'intérieur du bus que 'javais déjà occupé.

Je venais de m'enfuir. Traçant ma route comme le vent à travers les arbres, je fuyais une jeune fille de 16 ans tout au plus, certainement élève dans le lycée où j'étais surveillant. La grande classe, admettez-le. Mais c'était le jeu : s'enfuir ou mourir. Ou plutôt perdre quelques points sur le tableau de scores à la fin de la partie, mais quand bien même.

Mais son regard de folle était désormais rivé sur moi. C'était comme s'il n'y avait plus que nous dans le jeu, à tel point que je rentrais dans un gamin en courant me cacher. Non, en effet, je ne l'avais pas vu : mon attention était focalisée sur la folle aux cheveux roses. Elle était partie de cachée derrière une haute barricade. Bien vu, elle pouvait facilement me surveiller comme ça. Ce n'était pas une débutante, ou alors elle avait l'âme d'une chasseuse.

Moi pas du tout, bien entendu. J'étais plutôt du genre à m'interposer entre un chasseur et la biche qu'il visait. D'ailleurs je participais souvent à des conventions écologiques ou de protection des animaux, alors autant dire que les armes de guerre, ce n'était pas mon truc. Et j'étais nul.

Alors que j'étais caché dans le bus rouillé et renversé, je vis des tirs près de moi. Et aussi un gamin qui se planquait là. Je le menaçais de lui tirer dessus s'il n'avançait pas, ce qu'il fit immédiatement, pris dans mon embuscade. Alors que j'avais été pris une fois dans ses tirs, ce fut un leurre qui subit le reste. Mais quand les tirs cessèrent et que le gamin s'était enfui, elle apparut subitement devant moi, sa folie se lisant dans ses yeux.

- Depuis quand on attaque les filles ?! Hahahahahaha !!!!

Je levais mon arme et tirai sur elle, sortant par une des fenêtres du bus aussi vite que possible. Allez savoir pourquoi, elle commençait vraiment à me faire peur cette gamine. Je passai alors derrière elle dans le bus, tentant de la surprendre. Gentiment, je la chatouillais avant de m'écarter et de tirer de nouveau. Je lui lançai avec un sourire :

- Et toi alors ? Depuis quand attaques-tu les pauvres garçons sans défense ?

Je m'enfuis alors de nouveau juste après avoir scruté sa réaction. Avait-elle un semblant d'air humain quand on la chatouillait, pouvait-elle être une jeune fille mignonne comme toutes celles de son âge ou avait-elle vraiment l'air d'une folle constamment ? Je partis alors derrière une barricade faite d'une vieille cuve rouillée, surveillant le bus.

J'avais réussi à lui voler des points et à lancer une réplique des plus stupides. Mais franchement, j'étais nul à ce jeu. Lorsque je me cachais, ma touffe blonde décolorée dépassait, ce n'était pas d'une discrétion absolue, admettons-le. Si bien que la jeune fille n'eut aucune difficulté à me retrouver derrière ma vieille cuve rouillée.

Elle se faufila alors derrière moi, un sourire effrayant sur les lèvres. Je déglutis en me redressant, me demandant si j'appelais la sécurité ou si je prenais mes jambes à mon cou. Sa voix résonna à mes oreilles en me faisant frissonner. Finalement elle commençait vraiment à me faire peur cette gamine.

- Et toi ? C'est toi qui dit ça ?! Je suis plsu jeune que toi voyons hahahaha !!!

De manière totalement stupide, je levais mes bras devant moi pour protéger mon visage. Ce qui n'avait aucune utilité puisque les tirs étaient seulement lumineux et donc pas douloureux. Allez savoir, parfois les réflexes sont idiots. J'avais peut-être peur qu'elle me dévore le visage. Oui, ça ressemblait à quelque chose comme ça.

- Ca change rien au fait que je sois sans défense !

Quand je rouvris les yeux, elle n'était plus près de moi. Je me retournais, paniqué, et scrutai la salle des yeux à la recherche d'une tignasse rose. Introuvable. Je regardai au-dessus de moi, m'imaginant qu'elle volait peut-être avec son sourire de démon. Mais non, rien. Je soupirais de soulagement à l'idée que j'avais à faire à un être humain.

Je sortis donc de ma cachette à sa recherche, me faisant au passage allumé par des gamins ça et là. Je sautais alors derrière un poteau pour me cacher de ces tirs incessants. Je repris un peu mon souffle un instant. Décidément, ce n'était pas trop fait pour moi ce jeu. Je préférais aller défendre les phoques dans une manifestation écologique. Je sentais une chaleur étrange qui me fit regarder à côté de moi.

Soudain, je sursautai en bondissant plus loin. La tarée aux cheveux roses. Je ne lui tirais pas dessus cette fois-ci. Je m'approchai d'elle en tirant sur ses joues, la regardant attentivement. Elle allait peut-être avoir l'air humaine si je lui forçais un sourire.

- Tu es humaine pas vrai ? J'aime bien ta couleur de cheveux, même si tu fais un peu peur.

Je n'étais pas vraiment le tact incarné.

Quand mon regard croisa le sien, elle eut l'air aussi surprise que moi. Bon, je n'avais pas eu un cri de fillette agressée, mais pas loin. Pas très viril, n'est-ce pas ? je m'étais "contenté" de bondir un peu plus loin dans un réflexe de survie stupide. Puis finalement, je me rapprochai d'elle, pointant mon arme sur sa joue avec un regard suspicieux, espérant la faire rire un peu.

- Tu es humaine pas vrai ? J'aime bien ta couleur de cheveux même si tu me fait un peu peur.

- HAHAHAHAHAHAHAHA !!! HAHAHAHAHA !!! Oh ! Excuse moi mais... Ah Ah ! Je n'ai jamais autant rit depuis que je suis sortie de l'hopital psycatrique merci ! Au fait, je m'appelle Yuno !

J'ouvris la bouche pour répondre, et restai un peu estomaqué de sa déclaration. l'hôpital psychiatrique ? Elle devait plaisanter. Quel imbécile d'y avoir cru. Je me mis alors également à rire, quoi que j'étais toujours un peu sceptique. Si elle disait vrai, c'était tout de même un peu inquiétant. Enfin, elle n'était pas forcément méchante. Au contraire, elle semblait plus gentille que je ne l'aurais cru, et elle n'avait pas encore essayé de me dévorer le visage.

Je me mis une tape sur la tête à force de penser de manière aussi stupide. Elle avait probablement une quinzaine d'années, que pourrait-elle faire contre un homme de plus de 20 ans ? Même si je n'étais pas un bodybuilder, j'avais plus de force qu'elle de toute évidence. Je serrais alors la main qu'elle me tendait et lui répondis avec un sourire :

- L'hôpital psychiatrique... Quelle histoire, j'en sors moi-même après quelques mois d'internement, fis-je sur le ton de la plaisanterie. Enchanté Yuno, je m'appelle Luce.

Soudain, un gamin nous trouva et nous tira dessus, nous faisant perdre un paquet de points. Dans un réflexe, je courrais loin en attrapant la main de Yuno, cherchant à la sauver des tirs. Une fois derrière la vieille cuve que je commençais à bien connaître, je m'accroupissais en reprenant mon souffle. Je levai ensuite les yeux vers elle.

- Ca te dit qu'on fasse équipe et qu'on gagne contre ces mômes ?

Quand je lui fis ma blague sur l'hôpital psychiatrique, sa réaction me fit frissonner. Elle semblait... se retrouver en mes paroles. Comme si j'étais un compagnon d'infortune attendu depuis des années. J'étais bien embêté maintenant quand même. Je pensais vraiment qu'elle m'avait fait une blague, mais son regard m'indiquait clairement que ce n'était pas le cas. Encore un peu et elle saisissait mes mains entre les siennes comme si nous étions des frères et soeurs qui se retrouvaient après des années de séparation.

Mais ma réflexion fut interrompue par un gamin nous agressant. Je pris alors sa main sans réfléchir et l'entrainais loin d'ici, derrière ma cuve bien aimée. Vraiment, donner mon affection à une cuve alors que j'avais été incapable de la donner à qui que ce soit depuis plusieurs années, c'était ridicule.

Une fois derrière, je lui proposais donc de faire équipe.

- Oui avec plaisir ! Mais dit moi, tu était dans quelle chambre, dans quelle section ? Moi j'était en chambre 209 dans la section das "cas dangereux" quel crime as-tu commis, toi aussi tu as tués tes parents ?! Tu as de la chance d'être sortis il n'y as pas longtemps, moi je suis sortie hier, après 10 ans à être restée enfermée ! Aller ! Trêve de blabla, allons reprendre nos points, Luce !

Je restais bouche bée devant sa déclaration. Il semblait difficile de déceler le vrai du faux dans tout ça. Je secouai la tête pour reprendre mes esprits : nous avions une partie à gagner tout d'abord. Je sautais alors par dessus la cuve, trébuchai, et tombai par terre. Très classe Luce, félicitations. Je me relevai alors, l'air de rien.

- Allons-y, nous avons des points à récupérer ! On ne va pas se laisser battre par une bande d'adolescents boutonneux.

Je courrais alors dans les couloirs de la place de jeu, tirant sur tout ce qui bougeait et me faisant tirer dessus au passage. Une fois près d'un lieu un peu plus sûr, à savoir le gros poteau, je me mis à réfléchir. Dix années passées en hôpital psychiatrique, ça faisait qu'elle y était entrée tout au plus à 7 ans. Elle ne pouvait pas avoir tué ses deux parents à 7 ans, la force aurait dû lui manquer. On ne venait pas à bout de deux adultes à cet âge. Je me retournai alors vers elle, riant doucement.

- Tu sais, tu as failli m'y faire croire à ton histoire. Allez, ne fais pas des blagues aussi flippantes à des inconnues, je pourrais me sauver en courant si j'étais plus crédule ! Et puis tu n'as pas l'air si violente avec tes jolis cheveux roses.

Je lui fis alors un sourire se voulant gentil. Je ne la croyais pas, mais elle n'était pas désagréable pour autant.

- Je suis tout à fait d'accord yaaaaaaaaaah !!!!

Elle m'arracha un petit rire. Au moins elle ne manquait pas de motivation cette gamine. Et puis elle ne ressemblait pas à une adolescente boutonneuse, tant mieux pour elle. D'ailleurs elle semblait assez différente des autres, peut-être avait-elle réellement été en hôpital psychiatrique même si tuer ses parents restait une raison impossible. Après tout, être enfermé dans ce genre de lieu pouvait certainement vous faire ressortir plus fou que vous n'y étiez entrer.

Quand je sautais, puis tombais par terre, je crus entendre Yuno se moquer de moi ouvertement. Je riais aussi un peu même si au fond mon bras me faisait un peu mal. Quelque part, je n'avais qu'à pas être aussi maladroit. Il y avait certainement des moyens de devenir plus agile, je devrais me mettre à un sport demandant de la précision.

Je lui fis alors part de mes doutes sur son histoire. Ou plutôt du fait que j'étais convaincu que c'était techniquement impossible. Non mais franchement, tuer ses parents à 5 ans, quelle idée. Moi j'adorais mes parents. Ils étaient ouverts, tolérants, et s'étaient très bien occupés de moi. Peut-être aussi parce qu'ils en avaient les moyens, on est peut-être plus reconnaissant envers nos parents quand ils ont les moyens de subvenir à nos besoins, mêmes insignifiants.

- Qu'elle histoire ? Je ne t'ai jamais fait de blagues ?! Et puis tu sais, je n'ai pas vraiment le sens de l'humour, on ne rigole pas avec des vieux fous ! Hé puis je te signal que tu n'a pas répondu à ma question !

Elle me mit un petit coup de coude amical, accompagné d'un sourire radieux. Je ne savais plus quoi en penser. Ca lui semblait presque "normal" d'avoir tué ses parents. C'était totalement insensé. Je décidai alors de la questionner pour chercher où son histoire serait incohérente. Il y aurait forcément une faille à un moment donné.

- Alors tu avais quel âge à ce moment là ? Comment tu t'y es prise pour faire ça ?

Je lui tirais un peu la joue avec ma main en lui tirant la langue, montrant que je ne la croyais toujours pas. Il allait falloir qu'elle ait une histoire en béton. Je m'asseyais alors derrière le fameux poteau, les jambes en tailleur, et croisais les bras. Ma position montrait bien que je ne comptais pas bouger. Avec un regard amusé, je lui lançai l'air faussement hautain :

- Et je répondrais à tes questions si tu parviens à me convaincre. Bon courage, je suis têtu comme une mule chère Yuno.

Ce qui était plutôt ironique, c'était qu'une gamine de 15 ans me protégeait des tirs de mes adversaires. Moi, un grand garçon de 20 ans. Bon, grand, tout est relatif. Plus grand qu'elle déjà, ça c'était certain. Ca faisait un peu bizarre de me faire défendre par une personne comme ça, d'autant plus qu'elle ressemblait à une psychopathe à ses heures perdues. Mais là, elle avait juste l'air d'une adolescente de son âge en train de jouer. Elle avait l'air normal. je souris en voyant cette scène.

- Et je répondrais à tes questions si tu parviens à me convaincre. Bon courage, je suis têtu comme une mule chère Yuno.

Mais plutôt que de répondre à mes questions, elle s'arrêta net de tirer sur les gamins. Elle me regarda en souriant, mais vraiment pas de la même manière que précédemment. Ce n'était plus le sourire d'une adolescente enjouée par la situation, mais celui d'une fille à l'aspect... effrayant. Quelque chose dans ses yeux était dérangeant.

- Ca ne va pas ? Tu as pas l'air bien...

Bien sûr elle n'avait pas l'air malade. Tout du moins pas physiquement. Puis soudain, elle se mit à courir partout dans la salle. Je la regardai, l'air extrêmement dubitatif. C'était quoi cette réaction ? Ca avait plutôt tendance à me confirmer mes soupçons : elle esquivait mes questions. Bah, après tout, je n'avais pas spécialement besoin de savoir ce qu'il en était de son histoire, j'étais déjà plutôt convaincu par ma théorie.

Alors lorqu'elle passa à côté de moi, je saisis son T-shirt dans le dos pour l'arrêter de courir et la mis face à moi, mon regard planté dans le sien. Je plaçai chacune de mes mains sur ses épaules pour l'empêcher de bouger, et la regardai en souriant vaguement.

- Il te manque vraiment une case toi. Pas la peine de courir partout, si tu veux pas me dire la vérité tu n'es pas obligée !