L'air froid de l'hiver me fouetta violemment le visage lorsque j'ouvris la porte du bâtiment dans lequel se trouvait mon appartement, me faisant déjà regretter amèrement mon choix. Minuit ne tarderait bientôt plus à se présenter, et le ciel s'était depuis longtemps déjà tapissé de son drap de nuit, sombre et illuminé de divers astres du soir, notamment de la lune qui était sous son plus beau jour; pleine et dépourvue de nuages pour la camoufler. Pourquoi m'obstinai-je donc tant à sortir de si bonne nuit? En pleine semaine, qui plus est? L'heure et la température n'étaient pas à mon avantage, et pourtant, je m'y risquais... Dans le but, complètement inutile de me changer les idées. Simplement comme ça, et que mon propre appartement me tapait sur les nerfs. J'avais l'âme nomade, prêt à partir lorsque mon environnement ne m'apportait plus rien de bon. Ainsi donc, je me laissais guider par mes pas aléatoires, ayant comme seuls éclairages les quelques lampadaires qui dégageaient leur faible luminosité.

Les rues étaient dénudées de toute trace humaine et le silence était constant. Or il fut vite coupé lorsque je passai à côté d'un bâtiment d'où la musique s'émanait, une ambiance qui généralement ne m'aurait jamais tentée. Tout autour, les lieux étaient tranquilles, et seul cet endroit que je devinais être un bar semblait animé. Je fronçai les sourcils, hésitant à y mettre les pieds ou non. Je n'avais rien d'autre à faire, et j'étais une personne préférant la tranquillité à l'ambiance enflammée d'un bar. Pourtant...

Sur un coup de tête, j'ouvris la porte, et me précipitai à l'intérieur. Contrairement à ce que j'aurais cru, il n'y avait pas tant de personnes présentes. Il y en avait une certaine moyenne oui, mais c'était vivable. Je m'approchai incertain du comptoir et m'assit sur l'un des tabourets. J'étais silencieux, et probablement assit de manière beaucoup trop droite pour donner l'impression d'être à l'aise. Je n'avais même jamais bu d'alcool... Je marmonnai, plus à moi-même qu'à quelqu'un d'autre;


- Mais qu'est-ce que je fiche dans un tel endroit...

Je soupirai en baissant la tête, ne sachant que faire d'autre, si ce n'est qu'attendre que le temps passe, patiemment.

Minuit sonna ses douze grands coups quelques secondes après mon entrée dans le bar. J'espérais trouver une certaine tranquillité, alors qu'au fond je savais fort bien qu'en pénétrant ici je m'enfonçais dans l'ambiance dépravée que procurait l'alcool vendue en ces lieux. Je venais de m'asseoir sur l'un des nombreux tabourets faisant face au comptoir, et grommelai quelques mots à moi-même afin de témoigner de mon mécontentement lorsque je sentis quelque chose de froid sur ma jambe. Légèrement intrigué, je baissai mon regard en direction de mes pieds pour voir un verre renversé, mouillant légèrement le pan de mon pantalon. Je restai quelques instants dans cette position, lorsqu'une voix me fit relever la tête;

- Hey, je... je t'offre un verre ?

Le visage de l'homme était crispé en un sourire forcé, et je le dévisageai quelques instants. J'avais l'impression de l'avoir déjà vu auparavant, au lycée peut-être? Je ne pouvais pas être certain, car après tout en une seule journée je voyais des centaine de visages d'élèves différents. De plus, il semblait un peu plus âgé que beaucoup des jeunes au lycée Suki Gakuen. Je soupirai en réfléchissant à sa question. Je n'étais pas là pour me soûler, seulement pour voir le temps passé hors de mon appartement. Je pris un air légèrement hautain avant de lui répondre.

- La moindre des choses serait de s'excuser pour m'avoir renversé un verre sur les pieds. Sinon... merci bien, mais je vais décliner ton offre. Je n'ai pas la tête à boire...

Je lui semblerais sans doute étrange de me pointer ici, si ce n'était point dans l'intention de me noyer dans l'alcool, mais je m'en fichais bien de ce qu'il pensait, à vrai dire.

Je détournai le regard, le perdant vers un point invisible et en soupirant de lassitude. Je regrettai déjà d'avoir mis les pieds en ce lieu, et eut l'idée de me lever afin de retourner chez moi mais je me ravisai. Je ne m'étais pas déplacé ici pour rien... Si, en un sens, mais je ne partirai pas si rapidement. Juste le temps de me changer légèrement les idées, de songer à autre chose que mon pénible travail qui m'attendrait le lendemain matin.