Yuri n'est pas une femme. Il est même de ceux que l'on peut qualifier d'éphèbe ou de Vénus imparfaite.
En effet, lorsque les rayons du soleil parviennent à sa chevelure, il semble que l'or tombe à flot, déviant de son front et chatouillant le dessus de ses oreilles pour s'arrêter au milieu de sa nuque. Autrement, aller à la rencontre de ses prunelles ambrées procurerait un sentiment d'exaltation, tendre et grisant à la fois, vous remémorant sans cesse votre concupiscence inavouée et insatisfaite. Mais ce n'est pas tout ! Yuri Juilliard, fils de parents quelconques, possède une peau halée, lisse, douce et surtout, vierge de tous produits. Ainsi, jusqu'à aujourd'hui, cet Adonis deuxième du nom n'a, ô grand jamais, utilisé de cosmétiques ni autres herbes ou médicaments du même genre destiné à l'entretien du corps.
Toutefois — et pour en venir à la partie dite « imparfaite » —, bien que mesurant 1,75 mètre de hauteur, pesant 60 kilogrammes tout rond et ressemblant presque au stéréotype du blond, ce jeune homme est d'apparence efféminé. Ses délicates lèvres rosées dévoilent parfois une lignée de dents opalines ; son petit et étroit nez est qualifié de nez céleste ; ses pommettes saillantes lui surmontent ses deux joues rieuses ; ses yeux bruns en amande sont couronnés de longs cils qui ceux-ci font paires avec de gracieuses lignes de sourcils et le tout formant son visage ovale. De plus, n'étant pas intéressé au sport, Yuri n'est pas saturé de muscles, il est même svelte et peut-être même, frêle. Son corps, et qu'importe où vous poserez votre regard, vous rappellera un seul et même adjectif : fin. Pourtant, Yuri n'est pas faible puisqu'il est aussi pourvu d'une fine cicatrice lui striant la côte, visible seulement lorsqu'il enlève son haut, évidemment. [ cf. One history, my life that's all. ] Elle montrerait sa capacité d'adaptation et le fait qu'il peut tout à fait accepter des petits défauts pour s'en servir à son compte.
Ne le prenez pas pour Satan pour autant ! Yuri est aussi docile qu'un agneau : il laisse sa mère lui choisir la plupart des habits de sa garde-robe et, malgré la féminité ostensible de certains, celui-ci les porte tous, sans exception. Aussi, Yuri ne connaît pas son propre style et ne fait aucun effort dans ce domaine.

« C'est un enfant intelligent et autonome mais... Il semble avoir quelques problèmes émotionnels. » avait dit, un jour, la maîtresse d'école primaire.
C'est vrai. Yuri est tout ce qui est de plus inanimé et conciliant, donc une marionnette. Il ne dit pas non mais il ne dit pas non plus oui. On décide pour lui, on le façonne et lui ne dit rien et suis les étiquettes. Dès son enfance, il se pliait aux caprices de ses parents et sa mère l'habillait comme une petite fille alors que son père lui apprenait les rudiments de la musique savante. L'enfant qu'il était apprenait vite, ceci étant dû à son jeune âge puisque à mesure qu'il grandissait, l'enfant sérieux devint le jeune homme aux difficultés scolaires. Il pouvait connaître sur le bout des doigts les signatures des plus grands compositeurs ou bien savoir composer un petit air d'opérette mais les cercles trigonométriques ou les théorèmes de Pythagore ne semblait pas vraiment lui rester en tête. Pourtant, M. Juilliard ne lui en voulait pas et lui apprenait encore et toujours plus sur la musique tandis que Mme Juilliard ne cessait de lui revêtir que plus de vêtements de sa propre création. Néanmoins, rien n'était dérangeant : ils étaient riches, ils étaient étranges et ils semblaient vivre dans leur propre bulle.
Un jour malheureusement arriva, où la vie changea de tournant. Yuri était toujours conciliant mais arborait un tout autre air : il semblait heureux. [ Cf. One history, my life that's all. ] Depuis cet instant, un sourire malsain pendait sur ses lèvres juvéniles, ses proches n'en discernant pas les raisons et ses parents ne le remarquant même pas. Peu à peu, on commença à le détester, puis à le haïr. Sa fortune, son physique, son air d'imbécile heureux et pire, son caractère tout aussi complaisant. Yuri n'était pourtant pas hypocrite ou méchant, il était franc et pouvait parfois même manquer de tact. Il était généreux, naïf et gentil, se fichait de l'opinion des autres et semblait toujours bien au-dessus de ce qui se passait présentement. Il était d'ailleurs souvent l'objet de railleries, à propos de sa féminité ou de ses rêveries mais cela, on se doutait même qu'il le savait. Sa vie étant faite d’insouciance et de fanfreluches, on pourrait hautement suspecter un manque cruel de savoir concernant la dure réalité de la vie mais sachez tout de même que rien ne pourrait le choquer. Ainsi fut véritablement né Yuri, le pantin.

— 06 Octobre 1995, 3h30 du matin à New York City dans le Harlem Hospital Center.
C'était un automne pluvieux où les orages s'enchaînaient les uns après les autres ; où les arbres se dévêtaient de leurs feuilles jaunies et où le climat se rafraîchissait à mesure que l'on se rapprochait de l'Hiver. À ce moment-là, le ciel nocturne de NYC était sombre et obstrué par des nuages de pluie quand subitement, des pleurs d'enfants se firent entendre.
Ces sanglots provenaient d'un hôpital, non loin du centre-ville qui, même à cette heure avancée de la nuit, aidait à la naissance d'un magnifique bébé métisse, mélange surprenant de l'Amérique et du Japon. Le nouveau-né était blond, arborait des yeux bruns et braillait aussi fort qu'il en était capable. Son père était Aaron Juilliard, célèbre luthier ayant interprété bons nombres de morceaux à succès tandis que sa mère, de son nom de jeune fille Eriko Satô, était une talentueuse couturière japonaise, auteure de différentes tenues portées par les plus grandes stars montantes du moment. À leurs côtés, une infirmière à l'air excessivement fatigué leur annonça sa bonne santé puis, leva le dernière voile de mystères qui planait encore : le sexe de l'enfant.
« Félicitation ! C'est un garçon ! Comment voulez-vous l'appeler ? »
La nouvelle tomba nette, changeant l'air heureux des nouveaux parents en une mine désespérée. En vérité, ils avaient souhaité une petite fille, traçant déjà son glorieux avenir, mais voilà que dès le début, quelque chose clochait. Eriko et Aaron restèrent cois durant de longues secondes qui leur semblèrent des minutes avant que la jeune maman prit parole, ne modifiant pourtant pas ses plans :
« Yuri. Yuri Juilliard. »

— 1er Janvier 1999, minuit à NYC.
C'était la fin de l'année précédente ainsi que le commencement de la prochaine. Les résolutions qu'on n'allait pas tenir comme le vin et les rires étaient à profusion mais et l'amour ? Où était-il ?
Yuri avait été lâché dans une fête mondaine dont il n'avait aucun intérêt et ses parents avaient disparu. Il jeta un coup d'œil à travers les robes bouffantes de certaines et les pantalons à pince d'autres tout en lançant des appels à l'aide :
« Père ? Mère ? Où êtes vous ? Je veux rentrer ! »
Lui était encore affublé d'une des tenues qu'Eriko avait crée pour l'occasion : une robe blanche à tissu crêpe à l'arrière et à dentelle à l'avant, couronnée par une ceinture en velours noir à la taille et un nœud assortis dans les cheveux. D'ailleurs, voilà qu'il crut apercevoir la tenue de soirée de son père passer derrière un mur. Aussi vif qu'un guépard, le garçonnet le pourchassa puis le vit en compagnie de sa mère, dans une démonstration osée de l'amour. Intelligent et précoce pour son âge, il préféra rester à l'écart, invisible à leurs yeux et aux siens mais entendant encore ce qu'ils se disaient, même des choses qu'il aurait préféré avoir rêvé.
« Ah... ! Enfin seuls... soupira ce qui lui sembla être sa génitrice, quelque peu ivre.
— Eriko...
— Tu sais... Je pensais qu'on pourrait... Oublier cet essai et...
— C'est tout de même un enfant, coupa l'autre.
— Oui, je sais tout ça mais... Je veux dire qu'on a toujours songé à avoir une fille ! Pas un... un...
— Un garçon, Eriko... »
Bien que très jeune, Yuri comprit les sous-entendus malveillants de la jeune femme et serra si fort son poing qu'on en voyait les jointures blanches. Il se sentit paralysé de la tête aux pieds, se demandant s'il était nécessaire de continuer d'épier cette conversation quand l'un des invités de la soirée vint à lui pour l'éloigner de cet enfer, l'interrogeant sur sa mine mécontente et les raisons pour lesquelles il restait planté là.

— 22 Avril 2004, 14h02 à NYC dans l'école internationale de NY*
Ayant grandi dans un environnement à l'abri du regard des autres, Yuri grandit harmonieusement dans la paix et presque dans la sainteté. Il était devenu un bel enfant, obéissant et sage tant chez ses parents qu'à l'école et était aussi parvenu à se hisser au grade d'enfant parfait auprès de certains. Après ce qu'il avait appris l'autre soir, le garçonnet avait tout fait afin de ne plus être considéré comme une « expérience ratée », craignant qu'il ne soit très vite remplacé par la Vraie. Plus étonnant encore, aucun de ses camarades de classe ne se doutait pas que Yuri, l'intelligente et gracieuse enfant, était en fait un petit garçon, s'habillant, se comportant et agissant même en fillette.
Toutefois, comme tout avait toujours une fin dans ce monde, un jour arriva où l'enfant tomba sous le charme d'une dénommée Eve. Elle était aussi blonde que lui, les yeux ronds, d'un bleu azur et des robes qui étincelaient autant que les siennes. Elle avait souvent le même sourire joueur sur ses lèvres et s'était rapproché de lui par sympathie. Interprétant mal tant de gentillesse, le petit garçon lui déclara sa flamme, un soir de printemps dans son costume de Yuri. Éperdument amoureux, il lui avoua qu'il n'était pas une fille et afin de le lui prouver, il commença à ôter son accoutrement jusqu'à ce qu'elle ne commence à lui lancer ce qui lui tombait sous la main : des cahiers, des livres, des stylos et puis la paire de ciseaux qui lui laissa une trace carmin sur la côte.
Suite à cet incident, Yuri fut emmené d'urgence à l'hôpital et y resta quelques semaines avant de se retrouver à emménager en France. Il ne revit jamais Eve mais c'était sûrement mieux ainsi.

— 17 Février 2011, 20h59 en France à Versailles.
Cela faisait maintenant à peu près six années que la famille Juilliard avait emménagé en France. Yuri avait troqué sa voix fluette pour un timbre plus grave et avait encore grandi de plusieurs centimètres, dépassant même son père à présent. Il s'était habitué à la culture du pays, intégré à la société française malgré sa légère différence physique et ne semblait pas non plus avoir de difficultés scolaires.
Dans les rues de Versailles, la nuit n'était pas encore tombée mais les truands commençaient à sortir de leur cachette, préparant leur crime à venir. D'ailleurs, C'est au détour d'une ruelle sombre que Yuri se fit interpellé par un adolescent vêtu assez modestement, semblant un brin plus âgé que lui et lui intimant de s'approcher :
« Hey ! Psst ! Viens par ici ! »
N'ayant jamais été en réelle situation de danger dans ce continent, le jeune homme ne pensa pas à mal en obéissant à son interlocuteur et le suivit même dans les recoins les plus ténébreux de la ville. Ils arrivèrent dans un coin isolé où l'autre lui sortit différents produits de sa poche, en forme variées, étrangers jusqu'à ce jour pour Yuri et dont les effets lui stimulait allègrement les sens. Il en essaya quelques uns, ces quelques uns qui étaient déjà de trop puis, sans savoir comment, le brigand parvint à lui en faire acheter et, connaissant les conséquences négatives qui suivraient, lui indiqua l'emplacement d'un vieil immeuble abandonné pour une « éventuelle future rencontre ».
Les jours suivants, un sourire curieux se peignit sur le visage de Yuri, il semblait plus rêveur, plus loin de la réalité tandis qu'à l'école, ses notes chutaient de manière inquiétante. Très vite, il s'aperçut que la marchandise secrètement achetée s'amenuisa et, se souvenant des renseignements de son fournisseur, le jeune damné se rendit au lieu dit avant de finalement remarquer le fait que c'était un site bien différent de ce qu'il avait l'habitude de fréquenter : un bâtiment de deux étages, tellement crasseux qu'il en était devenu sombre et ne comportant qu'en tout et pour tout, trois petites fenêtres, toutes incrustées dans un même mur. Yuri, qui avait pénétré les lieux en compagnie de l'inconnu, ne fut pourtant pas répugné par cet atmosphère lugubre et se sentit même plus à sa place que chez lui. À partir de cette seconde réunion, l'autre avait déjà gagné. Il tira avantage de lui, le manipulant grâce à l'amour factice qu'il lui procurait et lui soutira autant de sous qu'il était prêt à céder.
Une courte période s'écoula ainsi avant que M. et Mme. Juilliard ne remarquent les demandes excessives, incessantes et inhabituelles de leur fils pour leur argent. Les requêtes se faisant de plus en plus importantes, ils décidèrent de lui prêter attention, découvrant enfin le pot aux roses. De là, tout se passa rapidement. Ils dénoncèrent le criminel, confièrent Yuri à un centre de désintoxication et l'inscrivirent à un autre établissement, Suki Gakuen. Ainsi et afin d'éviter toute autre mauvaise rencontre, ils préférèrent le mettre au dortoir et veiller plus attentivement sur lui, bien que Eriko continuait à avoir des idées tordues et que Yuri garda son sourire qui semblait satisfait.

— Année 2012, en France à Versailles dans Suki Gakuen.
To be continued.