A l'heure où la plus grande majorité des filles ne se préoccupent que de leur apparence, veulent paraître soignées, belles, élégantes, certaines ne voient pas bien loin et se contentent d'un physique peu soigné, voire même négligé. Akina, c'est bien ce genre de personnes là : elle n'a que faire des vernis à ongles, puisqu'elle se ronge beaucoup les ongles, du rouge à lèvre de la dernière tendance, car elle ne se maquille jamais, du lisseur de cheveux dernier cri, pour la simple et bonne raison qu'un coup de doigts dans les cheveux lui suffit à se considérer comme coiffée. Elle se moque éperdument de l'image qu'elle renvoit aux gens ! Fille ou garçon ? Ca n'a pas d'importance ! Personne ne le sait ! Dans la rue, les filles peuvent se retourner lorsqu'elle décide de porter pantalons et chemises larges, tout comme les garçons si elle sort quelques vêtements plus découverts. Tous les avis sont plutôt partagés, à vrai dire, et nombreux sont ceux qui se sont fait avoir par son manque total de discernement de son sexe, pour son plus grand amusement. Elle est de taille plutôt grande pour une fille, 1m77, et ne pèse guère plus que 55 kg, car oui, elle est maigre, et presque dénuée de muscles avec ça ! Pas de signes distinctifs de féminité, qui jouent amplement en sa faveur pour se changer en homme, Akina n'a ni poitrine, ni belles mains, ni belles jambes interminables épilées doucement à la cire d'abeille authentique ... Elle est plutôt du genre à camoufler son corps sans forme sous des vêtements dénichés au rayon Hommes, avec pour seul atout des abdos particulièrement bien travaillés. Bah oui, j'ai dis presque aucuns muscles ! Bon ça, c'est si on se contente de regarder son corps, car si on se concentre sur son visage, tout devient différent. Ok, elle ne se maquille pas, ça ne la met pas spécialement en valeur. Mais son visage long et fin, ses yeux bruns à moitié bridés par ses origines asiatiques, et ses cheveux blonds ébouriffés qui encadrent son visage, on peut être facilement troublé. Fille ? Garçon ? La question se pose, encore et toujours, sans pour autant obtenir de réponse claire ... Mais on peut parfois la croisée "déguisée" en fille; eh oui ! Akina porte parfois des robes, et pas seulement pour les réunions de famille ou les soirées importantes, elle peut se montrer très soignées, mettre des barrettes, des froufrous, un peu de maquillage ... C'est bien évidemment rare, mais ça arrive.

A l'heure où la plus grande majorité des filles veulent paraître sensibles et drôles, gentilles, timides, et séduisantes dans leur façon d'être, Akina s'en moque de nouveau complètement. A quoi ça sert de vouloir paraître ce qu'on n'est pas ? Il est inutile de vouloir chercher à donner une image fausse de soi, mentir aux autres pour se faire mieux voir. Selon elle, la franchise est le plus beau cadeau que l'on puisse faire aux autres ! Energique, la jeune fille ne manquera pas de vous en faire voir de toutes les couleurs. Franche, directe, crue -un peu trop-, Akina ne connaît de limite que la violence : il faudra la cogner pour l'arrêter une fois qu'elle est lancée. A la limite de la méchanceté, elle ne le fait pas vraiment exprès. Mais, cet aspect négatif de sa personnalité en cache bien d'autres facettes. En proie à une véritable crise d'identité, la jeune fille ne sait pas vraiment qui elle est, et s'est forgée une carapace pour ne pas être atteinte. Une fois touchée, elle se dévoile. Sensible, elle pleure pour un rien, rougit au moindre compliment (qu'elle n'a pas l'habitude de recevoir), en bref, elle se change en fille. Pour être honnête, c'est parfois même à la limite de la schizophrénie que se dévoilent ces deux parties contradictoires, qui se livrent un combat sans paix en elle-même : en vous parlant, elle peut s'exprimer avec une grande violence, pour se montrer très mijaurée dans la minute qui suit. Un vrai casse-tête. Il faut faire preuve de patience pour dévoiler la féminité d'Akina, qui jubile dès que son apparence androgyne trouble et trompe ses interlocuteurs, elle jouera alors le jeu, ce qui est d'autant plus perturbant, car elle jongle d'une personnalité à l'autre sans aucun soucis. Nous avons donc là un clair-obscur vivant.

"Папа сказала, почему у меня нет пениса?"
Bogdan Shura, un homme baraqué aux airs profondément méchants et gentils à la fois, aux cheveux d'un blond magnifique et au corps imposant tout de muscles conçus, recracha sa boisson avec les yeux écarquillés. Que venait-il d'entendre de la bouche de sa fille, âgée d'à peine 6 ans ? Il ne pouvait le croire, c'était insensé. Lui qui avait toujours voulu une fille adorable, féminine, normale, voilà que tout juste capable de parler convenablement, elle s'apprêtait déjà à lui causer du soucis. D'un air consterné, il la regarda les sourcils levés. Akina, sa chère fille, née lors d'une tempête de neige dans la paisible ville de Nevinnomyssk, qu'il chérissait plus que tout, ne se mettait pas à poser les questions normales des enfants, qui demandent "pourquoi?", ou encore "comment on fait les bébés?", non, celle-ci se demandait plutôt pourquoi "elle n'avait pas de zizi." Elle était sa fierté, un mélange pétillant entre la Russie et le Japon, deux pays à la culture incroyable, mais elle serait aussi sa seule enfant, sa femme ne pouvant plus en avoir d'autres suite à une opération.
Akina grandit normalement, elle alla à l'école avec d'autres enfants, mais à la différence des filles, elle jouait au ballon, montait aux arbres, s'égratignait les genoux, hurlait comme une folle en pourchassant les filles pour leur tirer les cheveux. Elle n'était pas turbulente, juste plus intéressée par les jeux des garçons; les petits soldats plutôt que les poupées, les pantalons plutôt que les robes, les ballons plutôt que les brosses à cheveux, les cheveux courts plutôt que longs, tout indiquait qu'Akina grandissait comme un garçon, et y ressemblait de plus en plus, au grand désespoir de son père.
Les années passèrent et Akina évoluait bel et bien sur le chemin que son père aurait voulu lui éviter. Elle arriva sur l'âge de ses 12 ans, et la situation ne changeait pas.

"私はペニスを持っていない、なぜママ、教えて？"
Manami Aikawa éclata de rire, un rire nerveux, et but son thé en regardant ailleurs. Sa fille avait décidément des préoccupations des plus étranges. Pourquoi n'était-elle pas une fille normale ? Pourquoi se rebellait-elle contre son propre sexe ? Plus elle grandissait, plus son identité se floutait, plus la distinction entre femme et homme s'effaçait dans ce corps frêle d'adolescente. Elle repoussa ses longs cheveux noirs en arrière et fixa sa fille de ses grands yeux bruns qu'elle lui avait cédés. Un sourire se décrocha finalement sur son visage. Elle était fière de sa fille, elle était brillante, bilingue en Russe et en Japonais, pas turbulente, mais elle était rejetée par les autres adolescents à cause de son apparence. Manami aurait préféré que sa fille soit belle, coquette, comme elle, mais rien n'y faisait, elle se complaisait dans les treillis et les chemises larges, les cheveux en épis, et les mains dans les poches. L'année des 16 ans d'Akina, sa mère fit un AVC, et son père, militaire, muté en France. Manami dut rester en Russie, et leur fille dut faire un choix déchirant : devait-elle suivre son père, et avoir une chance d'être acceptée dans un nouveau pays, ou rester auprès de sa mère, hospitalisée en Russie ?

"Dis papa, pourquoi maman ne peut pas venir avec nous ?"
La réponse ne se fit pas attendre. Akina avait à présent 18 ans, et ici, en France, elle était majeure. Inscrite à Suki Gakuen depuis son arrivée, elle avait étudié le français aussi assidûment qu'elle l'avait put, et le maitrisait plus ou moins. Son père le comprenait aussi, mais il ne voulait pas rester ici. Il voulait repartir là bas, auprès de sa femme. Akina fut placée en pensionnat à Suki Gakuen sans vraiment en avoir le choix, elle devait finir ses études ici, pas d'autre choix. Ses parents ne voulaient que le meilleur pour elle sans jamais la consulter.

"C'est toujours pareil papa, maman ... Je n'ai jamais mon mot à dire."
Lorsqu'elle avait décidé de s'habiller en garçon, ses parents s'y étaient opposés. Lorsqu'elle avait voulu sortir avec une fille, ils n'étaient pas d'accord non plus. Quand elle décida de rester avec sa mère malade, son père lui opposa un "non" catégorique. Et de nouveau, lorsqu'elle voulu rentrer à son pays natal, elle essuya un nouveau refus. Sa vie avait été entièrement décidée par ses parents. C'est pourquoi elle décida de couper les liens. Elle resta en France finir ses études, y faire sa vie, prouver à ses parents qu'elle pouvait réussir en choisissant d'elle même. Ainsi, Akina eut 19 ans, et au jour d'aujourd'hui, sa vie n'est peut être pas la plus rose, mais elle vit seule, et c'est pour son plus grand bien !E