Au cours de ma vie, on m'avait souvent reproché d'être une personne facile à influencer, et honnêtement, je ne pouvais renier cela. J'étais du genre à me couler dans le moule quelques fois, mais bien évidemment, pas toujours. Car j'avais toujours désiré me démarquer des autres; alors je supposais, que de ce côté-là, c'est plutôt stable. À vrai dire, ce n'était pas vraiment les autres qui m'influençaient, mais plutôt les lieux où l'ambiance de où je me trouvais qui avaient cet effet sur moi. En temps normal, lorsque je me rendais à quelque part où les gens en général étaient de bonne humeur, alors forcément ils déteignaient sur moi sans même que je ne puisse m'en empêcher. Être avec des personnes souriantes me rendait souriant. Être en compagnie de gens tristes me faisait partager leur tristesse. J'étais un peu comme une éponge à sentiments, en fait. Et tel fut le cas pour le moment, alors que Rain et moi étions au parc d'attraction. Un sourire puéril retroussait mes lèvres et j'admirais tous les gens et les maints manèges qui nous entouraient. Rien qu'à en voir quelques-uns me donnait le vertige; certains montaient haut dans le ciel et d'autres dans tous les sens, donnant limite l'impression que tous tomberont de leur siège. Cette idée ne me plu pas vraiment sur le coup et je dégluti avec difficulté. Je préférais ne pas songer à ces détails pour l'instant... Je voulais profiter de ce moment, alors je réussi à garder mon sourires aux lèvres et regardai un groupe d'enfants qui passaient devant nous en riant. Les voir, ainsi, me donnait soudainement l'impression d'être un vieux. Je ne savais pas vraiment pourquoi, en fait, étant donné que moi aussi je m'étais rendu ici dans l'intention de passer un bon moment. Mon âge ou même celui de Rain -que je ne savais toujours pas, d'ailleurs...- n'importait plus vraiment, pour l'instant. Ce n'était pas comme s'il y avait une limite d'âge pour s'amuser, quoi. Surtout que je n'avais que dix-huit ans, et qu'au final, c'était plutôt jeune.
Bref, être ici m'extirpait totalement hors de la tranquillité qui régnait à la plage où nous étions un peu plus tôt. C'était comme si nous étions allés d'un opposé à l'autre, mais ce n'en était pas moins agréable. J'aimais presque à part égale les deux, car en étant bien différents, chacun de ces lieux avait quelque chose d'unique en son genre qui procurait plusieurs émotions variées et qui n'étaient pas comparables.
Sur le chemin qui nous menait jusqu'ici, nous étions tous deux restés silencieux, et ce, tout le long du trajet. Et pourtant, ce silence qui nous avait suivi n'avait rien du genre gênant ou lourd. Je dirais même qu'au contraire, il avait s'agit d'un doux silence, particulièrement agréable et apaisant. Parfois, les paroles étaient simplement inutiles, comme lors de ces moments.

Une fois que nous étions arrivés, Rain avait payé l'entrée, à mon plus grand malheur -j'aurais vraiment voulu lui payer quelque chose cette fois-ci- et les rires d'enfants ou même des plus grands fusaient de partout.
J'aimais beaucoup cela, bien qu'après un certain temps tous ces bruits compilés pouvaient devenir un peu rudes pour les oreilles. Mais au final, ce n'était pas bien grave. Ce n'était pas l'une  des rares fois dans ma vie que je venais ici qui me rendrait sourd.

Je tournai alors la tête vers Rain, qui avait un sourire pendu aux lèvres. Il semblait tout autant heureux d'être ici que moi, sinon plus. On avait un peu l'air de deux grands gamins venant à la première fois dans un parc d'attraction.

- Tu veux faire une attraction en particulier ?

Ah, la question qui ne fallait pas me demander. Je ne pouvais simplement pas en choisir un, parce que chacun d'entre eux me semblaient être une voie vers la mort certaine. Je préférais de loin ne pas prendre de décision et suivre celle que prendrait Rain. Je lui souris donc, avant de répondre;

- Hum, je ne sais pas. Celle que tu veux.

Il me regarda ensuite, des étincelles dans les yeux et poursuivit d'un ton excité;

- J’veux faire le grand huit !

Le grand huit. Je me sentis figer, en regardant ladite attraction, un peu plus loin. C'était juste... immense. Personnellement, je l'aurais plutôt nommée; ''Le chemin vers le suicide'', ou un truc du genre. C'est tout ce que ça m'inspirait.  Mais je tentai tout de même de sourire, d'un air qui se voulait convainquant;

- O-Oooh, le grand huit hein? Pourquoi pas, ça doit être amusant! Je n'y suis jamais allé avant...

Bien sûr que je n'y étais jamais allé, parce que j'ai toujours tenu à ma vie. Toujours. Mais aujourd'hui, je devais prendre mon courage à deux mains et y aller. Qui sait, peut-être n'était-ce pas si mal?
Je remis alors mes cheveux en place, entendant au loin les cris des gens au bord de ce manège. Leur voix résonnaient en un long écho au fond de ma tête. Je pris une grande inspiration, avant de prendre Rain par le bras afin de le guider jusqu'à ma destination de mort.

- Allons-y alors! On ferait mieux de ne pas perdre de temps, si on veut avoir de bonnes places pour le prochain tour.

Lukha, deviendrais-tu masochiste?

- Plus vite on ira dedans, plus vite ce sera fini... si on en ressort vivant. Ahahah... marmonnai-je d'un ton un peu nerveux.

Mais bon, je devais bien avouer que d'un côté, j'avais un peu hâte. De plus, cette attraction m'intriguait. Et puis, ça ne pouvait pas être si mal, non? Du moins, j'espérais...

Je me souvenais, de toutes ces fois où j'avais été en compagnie de gens, simplement dans le but de ne pas être ''seul''. Rester avec certaines personnes dans la peur de n'avoir aucun points de repères, aucun soutiens ou simple présence humaine. De ces fois où l'air me semblait difficile à respirer, où tous mes moindres mouvements étaient calculés dans les doutes de mal agir. Ces gens avec qui je ne me sentais pas réellement bien. Ces gens qui finissaient par me taper sur les nerfs et dont je finissais par me délaisser, réalisant que parfois, être seul valait bien mieux que de compter sur une personne qui n'était pas digne de confiance. L'un de mes problèmes à moi était la peur de ne pas plaire aux autres, qu'ils ne m'acceptent pas pour la personne que j'étais et qu'à cause de cela je finisse mes jours seul. Je désirais toujours bien agir. Bien sûr, maintenant, j'étais beaucoup mieux qu'auparavant. Je commençais à bien me foutre de ce que les ''autres'' pouvaient penser, j'avais de bons amis, et tout le tralala. Mais les fois comme aujourd'hui où je me sentais si bien, si insouciant, étaient des moments rares au goût exquis. Il y avait quelques personnes avec qui je n'avais pas peur, avec qui je pouvais être Lukha Alody sans avoir de remords. Rain était l'une de ces personnes. Je pouvais finalement respirer et rire de manière sincère. Avec lui, mes doutes restaient bien loin, tapis en mon for intérieur. C'était là l'une des principales raisons pour lesquelles je me comptais si chanceux d'avoir fais sa rencontre. On ne croisait pas de telles personnes tous les jours. En fait, dès le moment où il m'avait adressé la parole, je m'étais senti à l'aise. Il m'avait intrigué, lui qui semblait avoir tant de mystères planant autour de sa personne, et qui semblait pourtant si simpliste. Puis je me demandais, si ma visite à la plage n'avait jamais eue lieu, nous nous serions croisés ailleurs. Je me demandais si le destin existait, en fait. Si c'était une chose à laquelle je pourrais croire. Mais je n'en savais là fichtrement rien, même si j'y réfléchissais de manière exagérée, tout était trop flou, trop vaste. Le mieux était de prendre les choses comme elles venaient, suivre la vague et m'y laisser glisser doucement.

Rain et moi étions à présent installés dans nos sièges, à bord du grand huit, ce qui bien sûr ne m'enchantait que très peu. À vrai dire, j'étais même très tendu à l'idée de faire cette attraction que je n'avais même pas voulu faire en pire cauchemar auparavant. Je regardais mes pieds, sentant mon coeur pomper dans ma poitrine à vive allure. J'étais vraiment stressé à l'idée de... de... de faire ce manège, simplement. Je n'avais pas envie de regarder ailleurs, de voir les autres gens à bord de leur siège, le décor autour, rien. J'avais envie d'oublier que je me trouvais dans ce manège, juste le temps que l'attraction finisse et que je puisse reposer pieds sur terre. Après un moment, j'osai alors un regard vers Rain, qui avait un grand sourire malicieux lui retroussant les lèvres.

Je lui lançai un air interrogatif, me demandant en quel honneur me valait ce sourire. Il devait avoir hâte que le manège commence, lui. J'aurais tant voulu ressentir cela, moi aussi. 

- Tu n’as pas peur tout de même ?

J'eus alors un rire nerveux, avant de lui répondre tout bas;

- Je dois avouer que ça me stress peut-être un peu...

Je me mordis la lèvre inférieure, levant les yeux au ciel. Ne regardant rien d'autre. J'essayais de ne plus entendre les bruits autour, les cris des autres dans les attractions à proximité. Je pris une grande inspiration, avant que Rain n'ajoute d'un air excité;

- Hmm..ça va bientôt commencer, attache toi bien !

Je me raidis à ces paroles, serrant mes mains contre mes jambes. J'avais soudainement très chaud, et j'avais comme une boule qui se formait au fond de ma gorge. Pourquoi une chose si simple devait me stresser à ce point? C'était idiot, puérile, imbécile... Les mecs de mon âge ne devraient pas être si peureux, ça n'avait pas de sens.
C'est alors que je sentis une main prendre la mienne et la serrer doucement. Surpris, je baissai le regard avant de voir que cette main appartenait à nul autre que Rain. L'effet fut presque immédiat; je me sentis calme, étrangement bien et détendu. Je levai les yeux vers le propriétaire de ladite main, qui détourna le regard. Sa main était réconfortante, et je n'aurais jamais cru que cela puisse être un contact si rassurant. Je me sentais déjà un peu mieux. Cependant, de l'autre côté de la pièce, c'était aussi un geste quelque peu embarrassant, et il n'en fallu pas plus pour que mes joues s'empourprent de nouveau.

- Ne t’en fais pas ! ça sera amusant, j’le promets.

J'hochai la tête, en souriant et serrant légèrement sa main.

-  Je te crois, dans ce cas.

Et l'enfer débuta.

...

Une fois l'attraction fini, à mon plus grand bonheur, nous débarquâmes de nos sièges et je pus enfin prendre une vraie bonne inspiration. J'avais mal à la gorge, car... malgré mes efforts, je n'avais pas pu m'empêcher de crier de frayeur au cours du manège. Heureusement, mes cris avaient très certainement passés inaperçus au travers de tous les autres, particulièrement enterrés grâce à ceux bien aigus de la fille en arrière de nous. Et le plus étonnant, était que ça n'avait pas été... si ''mal''. Même si je devais avoir le teint un peu pâle, j'avais envie d'essayer les autres attractions. Cela semblait plus amusant aux côtés de Rain, peut-être parce qu'il avait l'étrange don de savoir me rassurer. Je lui souris alors joyeusement, tel un grand gamin;

- C'était vraiment pas si mal en fait! Bon, j'ai peut-être un peu mal au coeur mais franchement, je me suis amusé!

C'est alors que je me rendis compte que j'avais encore sa main dans la mienne, voyant que quelques personnes nous avaient lancés des regards subtils, et je rougis en la relâchant. Il n'avait peut-être pas envie d'être vu en train de me tenir la main, comme ça. Je pouvais bien le comprendre, après tout... C'était normal.

- Hum, désolé, j'avais oublié ta main... J'espère que ça ne t'as pas trop dérangé! En tout cas, hum... Ça m'a vraiment calmé, merci beaucoup, Rain.

Je lui souris de nouveau, plus timidement cette fois-ci et remis ensuite mes cheveux en place -j'avais l'impression de ne faire que cela, mais après avoir fais une telle attraction ils devaient être sens dessus dessous-. J'eus un léger rire, avant d'ajouter;

- Je te revaudrai ça!

Je regardai par la suite autour de nous, à la recherche de ce que nous pourrions faire maintenant. Puisque je n'étais pas venu ici depuis très longtemps, je ne savais pas vraiment quel choix faire. Rain semblait s'y connaître bien plus que moi.

- Tu veux faire quoi, maintenant? Je te suis! Je ne m'y connais pas trop alors je m'en remet à toi.

Moi, m'attacher rapidement aux autres? Oui. Beaucoup trop, même. L'un de mes nombreux défauts, j'oserais dire. J'étais une saleté de personne dépendante des autres. C'était un peu honteux à admettre, mais j'avais franchement toujours été un peu ainsi... En contre parti, je n'étais pas un profiteur; j'avais seulement besoin de présence à mes côtés. Avoir un appui, une personne sur qui compter. Je m'attachais aux gens et il était ainsi plus facile de me détruire. Et je me demandais, au fond de moi, si m'attacher à Rain ne serait pas futile. Si l'on se reverrait par la suite. J'avais peur de voir cette amitié naissante glisser d'une cruelle lenteur entre mes doigts. La voir se faufiler, m'échapper. Mais mon esprit puéril prenait le dessus, me demandant à quel genre d'endroits on irait par la suite, si l'on se reverrait. Si. J'avais vraiment envie de lui faire confiance, de partager de bons moments avec lui. Je ne voulais pas passer à côté d'une telle chance, d'une telle amitié. On me l'offrait, ainsi, alors qu'au fond je ne la méritais pas. Alors je voulais la rattraper et ne surtout pas la perdre. Ce qui la rendait si spéciale, entre autre, c'était qu'en sa compagnie j'arrivais à oublier en grande partie mes soucis quotidiens. Je n'avais d'ailleurs pas ris et souri ainsi depuis quelque temps déjà et cela me faisait un bien fou. De plus, Rain avait réussi à me faire embarquer dans quelque chose que je n'aurais jamais pu auparavant si ça n'avait été que de moi; le grand huit. Mais j'étais vraiment heureux de l'avoir fait, d'avoir ressenti toute l'adrénaline et l'excitation de cette attraction. Je devais cela à Rain. Maintenant, j'étais plus confiant; les autres manèges m'intriguaient, et quoiqu'ils semblaient tous plutôt effrayants, l'idée de les essayer ne me semblait plus autant impossible qu'elle ne l'était avant.
Du coup, je pouvais le suivre sans trop avoir peur. Juste assez pour garder la bonne ambiance habituelle des parcs d'attractions. En fait, le sourire sur mes lèvres semblait ne pas vouloir s'effacer. Je regardais autour de nous, et tout comme moi la bonne majorité était souriante. C'était un lieu très agréable, quoiqu'un peu moins si être coincé entre plusieurs personnes nous agaçaient. C'était là le seul point négatif que j'arrivais à percevoir, mais il était si moindre qu'au final il n'importait pas. J'espérais que Rain, lui aussi, s'amuse. Mais ça, je n'en doutais pas vraiment. Il semblait partager mon sourire, à vrai dire.
Oui, ses sourires à présent me semblaient tellement plus réels. Tellement plus vrais. Il avait l'air d'être heureux, léger. Il m'avait d'ailleurs offert un tel sourire après m'avoir dit qu'il était heureux d'avoir pu m'aider.

J'avais enchaîné par la suite en lui demandant où nous pourrions aller par la suite; le choix était si vaste! Je me demandais même s'il était possible de faire tous les manèges ici présents en une seule journée. Et surtout, si des personnes avaient assez de coeur/courage/ténacité pour réussir à les faire dans leur ensemble. Rain en serait-il capable? Je ne le savais pas trop, en fait. Je le regardai donc, attendant patiemment une réponse de sa part, qui vint sans trop tarder;

- Je m’y connait pas non plus la dernière fois que j’y suis venu remontait à deux ans avec mon..

Avec son...? J'abordai un air interrogatif, me demandant de qui il parlait... Mais son visage, décomposé pendant quelques instants, me disait qu'il n'avait peut-être pas voulu aborder le sujet. Il se mordit la lèvre, surpris, et je me senti alors quelque peu mal à l'aise. J'avais le don de faire dire aux gens ce qu'ils ne voulaient pas...

- Mon…ex.

Je me senti alors rougir, et je détournai rapidement le regard. Ciel, je n'aurais vraiment jamais dû demander où aller par la suite... Avoir su que ça mènerait à un tel sujet. Mais à la fois, le sujet m'intriguait... Qui était son ex? Comment était cette personne? Curiosité, quand tu nous tiens. Cependant, je laissai ces questions bien enfouies en moi. Peut-être était-ce normal d'être curieux, oui, mais il fallait aussi savoir s'abstenir lors des bons moments. De plus, je ne désirais pas ternir l'ambiance en embarquant sur ce sujet. Je m'amusais beaucoup trop... C'était égoïste, mais je ne pouvais rien y faire. J'étais égoïste, au fond. Comme la plupart des êtres humains.

- J-Je vois...

Rain, de son côté, ria nerveusement et j'en fis de même. Faire cela empirerait probablement la situation, mais je préférais rire que de commencer à me morfondre, ou pire, le faire morfondre lui.

- Hmm…Allons à la maison hantée là bas !

C'est alors que je troquai mon rire par un visage surpris et de grands yeux ébahis. Maison hantée... Je me souvenais d'une fois où on avait essayé de jouer un jeu en lien avec les esprits au lycée. Mon expérience là-bas avait été des plus... comment dire... désagréable? J'avais été apeuré lors de toute la séance, alors je ne m'imaginais vraiment pas aller dans une maison hantée. Un frisson me parcouru l'échine alors que Rain poursuivit, en me tirant par le bras;

- T’sais j’ai entendu dire que c’était vraiment effrayant là dedans. Un truc de ouf, genre y’avait de vrais fantômes dedans…Tu crois que c’est possible toi ?

Lukha, calme. C'est impossible. Il ne peut pas y avoir de vrais fantômes dans une fausse maison hantée. Pourtant...

J'eus un rire nerveux très étrange, en passant une main dans mes cheveux.

- D...De vrais fantômes? Je euh, non, bien sûr, c'est impossible voyons! Ahah... Je doute que ce soit si effrayant. Ça ne peut pas l'être à ce point.

Tu parles. J'essayais plutôt de me convaincre moi-même en déblatérant. Encore une fois, je serais obligé de surmonter une peur...

- E-Enfin, on verra bien une fois à l'intérieur! Tu n'aurais pas trop peur, j'espère? dis-je d'un ton un peu plus moqueur.

J'avais l'impression que la même histoire se répétait depuis notre venue ici; Rain proposait un endroit, le peureux que j'étais paniquais, tentais de cacher ma peur en lui demandant si lui allait être effrayé, etc.

Je soupirai puis à peine quelques instants après nous étions face à ladite maison hantée. Je pris une grande inspiration, en lançant un regard qui j'espérais ne trahirait pas ma peur à Rain;

- Allez, on y va?

Sans vraiment attendre de réponse, je pris l'initiative d'entrer le premier. C'était vachement sombre, on y voyait pratiquement rien. Je fis quelques pas de plus, regardant où je marchais afin de ne pas trébucher.

Puis, alors que toute mon attention était complètement détournée, il y eut cette... personne, mannequin ou je ne sais pas trop quoi mais vraiment absolument trop méga horrible qui surgit de je ne sais où exactement, me faisant perdre tout ce qui me restait de fierté, en criant comme une gamine de 5 ans à qui on aurait voler son jouet. Instinctivement, je m'accrochai à l'épaule de Rain, me réfugiant derrière lui comme un imbécile;

- Putain c'était quoi ce truc trop moche bordel de merde! J'ai faillis faire une crise cardiaque!

Et une fois de plus, la rougeur -de honte mélangée à la gêne- s'éprit de mon visage et je soupirai de soulagement en réalisant qu'au final je n'étais pas en danger.

- Hum, désolé, je ne m'y attendais vraiment pas! Ouah. Je savais pas que je pouvais crier si fort... C'est un peu gênant, marmonnai-je en me grattant la tête et en baissant les yeux.

La joie, ce qu'elle pouvait être agréable et ce qu'elle pouvait être réelle, à certains moments. Une délivrance, un échappatoire, un court instant que l'on désirerait se voir prolonger à l'infini. Même si elle n'était pas permanente, les fois où elle était bien présente, j'avais l'impression que l'on me vidait de quelques poids sur les épaules, que l'on me retirait la laisse qui me retenait sans cesse à mon quotidien, le temps d'une journée peut-être. En fait, de manière plus brève, je chérissais vraiment ces instants passés aux côtés de Rain. Ils avaient quelque chose de si vrai, de si vivant. Combien de fois avais-je répété cela dans ma tête aujourd'hui? Plusieurs, je le savais. Mais je supposais que ça ne faisait que confirmer que c'était bel et bien un bon moment, un moment dont je devrais profiter au maximum. En soutirer tout le plaisir possible d'y puiser. Et vraiment, cela se faisait tout naturellement. C'était ça qui était bien, de pouvoir rester au naturel - psychologiquement, j'entend. J'avais envie de tout oublier hors de ce qui se passait là, ici et maintenant. Me concentrer sur seules les choses importantes en ce moment. Je souhaitais vraiment que cela dure, car j'avais un esprit qui avait toujours eu, sans trop de mal, réussir à se mettre à divaguer sur tel ou tel sujet pour finalement réussir à me plomber le moral. Mais aujourd'hui, j'avais la bonne ambition de ne pas laisser cela se produire. J'étais trop bien pour cela. Tant pis si demain cela recommencerait; pour dire vrai, je m'en fichais. Je voulais juste rester de bonne humeur pour aujourd'hui. Ce n'était pas trop demandé, si? Je voulais seulement que les choses restent comme elles étaient maintenant.
Cependant, je me demandais si je m'en faisais trop à ce sujet, si au final c'était inutile; peut-être qu'au fond, tout cela ne représentait pas grand chose pour Rain? Je veux dire, peut-être que pour lui ce n'était qu'un court moment d'amusement, comme il avait l'habitude d'en vivre tous les jours -ou presque-. Ce serait fort possible, car ça aurait été le cas pour probablement tout le monde. Mais bon... que pouvais-je y faire, si c'était réellement ainsi? À part profiter du moment, je ne voyais pas autre chose. Je revenais donc au point de départ... Et je réalisai d'ailleurs qu'il s'agissait là d'un sujet vraiment inutile, qui ne me mènerait nulle part.

Avant de commencer à me concentrer sur des choses inutiles, il faudrait d'abord et avant tout que je commence à me concentrer sur cette foutue maison hantée. C'était bien difficile, après ce fou rire qui s'était éprit de Rain il y a de cela quelques instants seulement. Je l'avais d'ailleurs rejoins, partageant son moment de rire. Je n'avais pas ris ainsi depuis bien longtemps, et c'était bien l'une des rares fois que je me permettais de, tout simplement, me moquer de moi-même. Il fallait bien admettre que j'avais agis de manière presque ridicule - et surtout, surtout de façon très peu... ''virile''. Il y avait sérieusement de quoi rire autant. S'il y avait d'autres personnes, plus loin dans la maison hantée, ils devaient vraiment se demander quels genres d'idiots se mettraient à rire dans un tel lieu. Rain se tenait le ventre, et il tenta par la suite de se calmer un peu. Je fis de même, reprenant mon souffle.

- thần của tôi, c’était énorme ! Hahhaa.

Je n'avais sincèrement absolument rien compris au début de sa phrase, mais n'ajoutai rien sur le moment. Maintenant que j'y songeais, venait-il d'ailleurs? Il me souvenait l'avoir entendu dire, à la plage, qu'il avait habité en Nouvelle Orléans. Et hop, une nouvelle question à son propos venait d'être semée dans mon esprit.

- Hmm ..Désolé, c’était juste drôle, mais tu sais ça a un coté adorable. Allez, on continue à avancer.

Tout d'abord, j'eus une légère rougeur -infime, mais tout de même- puis il m'ébouriffa les cheveux, mais cette fois-ci je ne pris pas la peine de les remettre en place. De ce que je connaissais de lui, il le referait sûrement au cours de la journée et mes efforts pour les coiffer ne serviraient donc à rien. Après quoi, je lui souris, avant de lui faire une pichenette sur l'épaule et de lui répondre d'un ton faussement boudeur;

- C'est impoli de se moquer des autres.

On reprit ensuite notre chemin, côte à côte, et je restai silencieux en restant bien sur mes gardes. Pour l'instant, tout allait bien. Enfin, presque. Je restais tout de même assez angoissé et m'imaginais les pires scénarios qui puissent se produire ici.
C'est alors que Rain reprit la parole;

- euh Lukha, si c’est toi c’pas drôle…Tu m’fais un peu flipper là…

...Quoi? Mais je ne faisais absolument rien! De quoi parlait-il? Oh mon dieu, je n'aimais pas cela du tout. Je déglutit avec difficulté en sentant mon coeur se débattre dans ma poitrine. Était-il en train de me faire une blague? De me faire peur? Oh mon dieu...

- H-Hein? Mais de quoi tu parles?

Je vis Rain tourner la tête, chose que je n'osai pas faire. Bordel, que se passait-il?
J'eus envie de mourir sur place en le voyant reculer, et ma stupide curiosité me porta à tourner la tête aussi avant de voir un squelette qui avançait et reculait. Je me raidis sur le coup, me mordant la lèvre inférieure afin de m'empêcher de pousser un autre cri stupide. Je sursautai lorsque Rain s'approcha de moi, passant son bras autour de mes épaules et me serra contre lui. Que faisait-il? Au moins, cela avait l'avantage d'être assez... calmant, devrais-je dire.

- Vaut mieux pas que je te perdes de vue hein . Il fait noir et on pourra nous perdre, vaut mieux reste à deux tu trouves pas ? Puis comme ça on aura l’air moins cons à flipper tout seuls chacun dans son coté…

Au final, il n'était peut-être pas mieux que moi. Mais maintenant, installés comme nous étions, j'avais l'impression que c'était un peu moins... Effrayant. J'étais bien dans ses bras, je me sentais en sécurité. Je levai la tête vers lui, en tentant de sourire, une légère rougeur aux joues;

- Ouais, tu as raison. Une maison hantée est bien le dernier endroit où j'aurais envie de me perdre, et seul qui plus est.

Je serrai mon poing, avant de le lever en l'air;

- On va passer au travers de tout ça en vrais hommes!... Ou pas, vu notre état actuel, ajoutai-je en ricanant quelques instants et en baissant mon bras.

La situation était vraiment drôle lorsqu'on y pensait bien. Deux garçons, majeurs, qui ont la trouille dans une maison hantée et qui sont obligés de rester collés l'un contre l'autre, de peur de se perdre. C'était plutôt le genre de choses que faisaient les filles, en fait. Finalement, on reprit notre marche au travers de la pénombre.

Près de nous, il y avait un mur, faiblement éclairé à l'aide de petites lumières. Intrigué, je l'observai, jusqu'à y voir des ombres y défiler rapidement et me faisant instinctivement agripper au t-shirt de Rain sous le coup de la peur et la surprise. Je le relâchai ensuite, soupirant;

- Décidément je ne m'habituerai jamais à ces trucs.

Après quelques instants et d'autres sursauts de ma part, j'eus une idée. Peut-être que si l'on engageait la discussion l'ambiance serait plus détendue? Je profitai de cette idée pour poser la question qui me brûlait les lèvres depuis un moment, en portant toujours quelques regards furtifs autour afin de m'assurer qu'il n'y avait rien;

- Dis, tout à l'heure... Enfin, quand tu as ris, tu as dis quelque chose qui semblait être dans une autre langue. En fait, je me demandais d'où tu venais exactement? Tu ne viens pas de France, non?

Lorsqu'il avait prononcé ces mots en une langue étrangère un peu plus tôt, cela m'avait rappelé moi quelques fois; il m'arrivait, de temps à autre, de laisser échapper quelques mots ou injures allemande. Oh, c'était bien rare, mais il y avait des moments où ça me surprenait, comme ça.

- En tout cas, moi, je ne viens pas d'i-...HYAA!

J'avais senti un truc froid me prendre par la cheville, et je ne baissai même pas les yeux pour voir de quoi il s'agissait et préférait plutôt accélérer le pas, faisant par la même occasion Rain avancer plus vite aussi.

Ça m'étonnait franchement de voir à quel point, en ce moment, je ne regrettais rien. À quel point je n'enviais rien ni personne, et aussi de comment je trouvais cet instant parfait, en soi. Dans le sens que, tout allait bien et était dans l'ordre, et que je ne voyais pas comment la situation aurait pu être meilleure. Elle me concordait, et j'espérais qu'il en était aussi le cas pour Rain. J'étais surpris de voir qu'il puisse combler le vide présent en moi, lorsque je n'étais pas en compagnie d'Ophelia. Bien sûr, ce n'était pas vraiment le genre de chose que l'on pouvait comparer - Ophelia était mon jumeau, après tout. Mais je me sentais autrement moins seul maintenant, avec Rain. Je n'enviais pas les moments passés, je ne regrettais pas ce que je faisais, et malgré les centaines de personnes qui étaient présentes dans ce parc d'attraction, même si je les observais avec leur radieux sourire au visage, je n'arrivais pas à les jalouser. Je ne me demandais même pas s'ils étaient plus heureux que moi; je m'en fichais bien, car j'étais égoïste présentement et que la simple pensée que moi, puisse me sentir si bien et que mon sourire soit aussi grand que les leurs, me comblait parfaitement. Je vivais quelque chose qui n'appartenait pour l'instant qu'à Rain et moi. C'était mon bonheur - celui que je pouvais vivre sans envier le autres. Je ne m'étais pas senti ainsi depuis longtemps en présence d'autres personnes que de mon frère. Je m'amusais beaucoup, et je n'avais pas envie que cette journée ne prenne fin. Je voulais qu'elle continue encore longtemps, pour en profiter au maximum. Je voulais être certain de ne rien manquer, de ne rien laisser glisser entre mes doigts sans que je ne m'en rende compte. J'avais peur de voir cet instant s'achever trop vite. Mais je ne devais pas songer à ce genre de détails pour l'instant, non? Je ne voulais que me concentrer à ce qui se passait maintenant, rien d'autre. Si j'agissais ainsi, alors je n'aurai pas de regrets et je le savais. Si je passais trop de temps à me préoccuper des petits détails futiles, alors je ne ferais que gâcher ce moment qui était précieux pour moi, et ce n'était point ce que je désirais. De toute façon, on se verra sûrement de nouveau un autre jour, non? Du moins je l'espérais, car nous avions une belle complicité. Malgré nos différences, on arrivait à très bien s'entendre et je trouvais cela merveilleux. La différence avait un goût agréable, elle ajoutait quelque chose de plus unique à tout. Ça faisait changement des fois où pour être accepter des autres, je devais être comme eux. Oublier la «différence», parce qu'apparemment, c'est nul, c'est bizarre, etc. C'était ce genre de pensées que je n'arrivais pas à comprendre, quand bien même j'essayais. Je comprenais le principe de vouloir être comme les autres, mais de manière si exagérée... C'était vraiment sot et irréfléchis. Mais bon, ce n'était pas mon problème, et tout ce que je pouvais en dire est tant pis pour eux, ils ne savent pas ce qu'ils manquent. C'était bien leur tracas d'avoir décidé de suivre le troupeau de mouton et de ne pas se distinguer des autres. Si avec Rain je pouvais être Lukha, alors il n'y avait rien que je puisse demander de mieux. Ça m'était amplement suffisant.

D'ailleurs, ça n'aurait peut-être pas été devant tout le monde que j'aurais osé montrer mon côté si peureux, dans cette maison hantée. Je ne comptais même plus le nombre de fois où j'avais sursauté et où je m'étais agrippé à Rain. Cela m'aidait, en quelque sorte, à me sentir plus en sécurité. Ce n'était pas chose bien difficile à ses côtés. Sa présence était si rassurante, après tout. Quand bien même il ne semblait pas apprécier cet endroit, lui aussi, il se tenait plus droit que moi et cachait bien mieux sa peur. Comme j'aurais aimé en faire autant. Mais bon, j'avais probablement au moins le mérite d'être divertissant à regarder flipper ainsi.

Cependant, à notre plus grand bonheur à tous les deux, après avoir eu une bonne peur pour la dernière fois, la lumière sembla finalement poindre. Ce n'était que faiblement au début, et puis on s'approchait et plus elle se faisait intense. La sortie! Un grand sourire se forma sur mes lèvres, et on se retrouva finalement à l'extérieur de nouveau. Je pris une grande inspiration avant d'observer tous les gens autour. Comme ça faisait du bien de retrouver un peu ce clarté! Je ne savais pas combien de temps nous avions passé là-dedans, mais cela m'avait semblé être une éternité. Les gens nous offraient de drôles de regards, probablement à cause de nos têtes. Mais je m'en foutais sérieusement, parce que je m'étais vraiment amusé en fait.

- Putain Lukha ! On a réussi ! on est vivants…ouf..C’était vraiment effrayannnt..

Rain ria et j'en fis autant, avant de répondre brièvement;

- Ouais! On a survécu jusqu'au bout!

C'est alors que je réalisai que nous étions encore bien collés l'un à l'autre, et il sembla d'ailleurs lui aussi s'en rendre compte, reculant.

- Hahaha, t’es tout pâle, c’est trop épic !

Effectivement, je devais être blême comme un drap! Ça ne m'étonnait pas du tout. Déjà que j'avais la peau très pâle, à présent ce devait être encore pire.

- Ahah, toi aussi tu sais!

Je sentais mes jambes encore un peu tremblantes après toutes ces frousses,  et le coeur qui battait rapidement. Maintenant que j'y pensais, je ne savais même pas si j'étais déjà allé dans une maison hantée auparavant ou si c'était ma première fois. Je ne savais d'ailleurs pas si j'y retournerais un jour! Peut-être bien, puisque je savais déjà à quoi m'attendre, mais bon... J'arrivais a me surprendre moi-même parfois, tellement j'étais peu courageux pour ce genre de choses. Pour Rain, ça semblait être le contraire. Il avait l'air d'être assez brave, du genre tête brûlée qui ne renonce pas facilement.

-  Haha, j’viens de Translyvanie moi, et j’suis immortel.  Nah sérieux, j’blague. J’suis vietnamien pure souche. Enfin je crois que ça se voit avec mon accent français tout pourris. Ça fait pas longtemps que j’suis ici t’sais. Et toi ? T’es d’où ?

Ah tiens, j'avais presque oublié ma question! Il était donc vietnamien? Je ne m'y attendais vraiment pas. Je ne trouvais pas qu'il faisait du genre Vietnam, même si en réalité j'ignorais presque tout de ce pays, si ce n'était que la guerre du Vietnam. Et puis je ne trouvais pas son accent pourrit, au contraire je trouvais que c'était plutôt mignon, ça lui donnait un charme.

J'allais lui répondre aussi à sa question, mais n'eus pas vraiment le temps; Rain s'était approché d'un tableau, qui... affichait des photos prises dans la maison hantée? C'était quoi cette blague? Ils avaient vraiment le droit de faire ça?
Je me rendis aux côtés de Rain, regardant d'un air incrédule les photos. Il y en avait pour tous les goûts... Mais l'une d'entre elles attira particulièrement mon attention; une photographie montrant Rain et moi, en train de rire à l'unisson. Elle était étonnement réussie, et elle me donnait l'impression d'avoir capturé le moment que nous avions passé là-bas. Comme si en l'observant, je pouvais ressentir la joie qui s'en émanait. Je restai pendant ce qui me sembla être un long moment à l'observer, silencieux, jusqu'à ce que le rire de Rain me sorte de mes pensées.

- Mon dieu, celle là, j’la veux…hahaha.

Je regardai la photo dont il était question, avant de me figer. La pire photo qui puisse exister de moi, j'en étai sûr. Un joli cliché du moment où j'étais en train de paniquer comme une fillette. Bon, elle était assez marrante, mais terriblement honteuse à la fois.

- Ouah, ça doit être la pire photo qui puisse avoir de moi sur cette planète!

Je vis alors Rain s'emparer des quatre photos de nous, avant de m'en tendre deux d'entres elles;

- Je prends celle ou tu flippes, car putain, j’me tape un fou rire à chaque fois que j’me rappelle et en retour tu auras le droit de garder la photo la plus réussie et celle où je flippe pour me faire du chantage. Haha. Fais en bon usage.

Je pris les photos qu'il me tendait, avant de me mettre à sourire comme un imbécile heureux. J'étais vraiment content de pouvoir garder la photo où nous étions tous les deux en train de rire ensemble, en plus de celle où Rain flippait. J'étais certain que rien qu'en la regardant, n'importe qui en dépression se mettrait à rire jusqu'aux pleurs. On avait l'air idiots sur nos deux photos où nous étions en plein moment de panique.

- D'accord! Oh, ne t'en fais pas, j'en ferai TRÈS bon usage. Surtout de celle où tu flippes, ahah!

Un sourire un peu plus attendri prit place sur mes lèvres alors que je portais mon regard sur l'autre photo, et je murmurai;

- C'est vrai qu'elle est réussie, celle-là. Je crois que c'est ma préférée.

Ensuite, je décidai de moi-même de nous éloigner un peu de la maisom hantée, histoire de voir un peu dans son ensemble le parc d'attraction pour que le choix soit plus facile. Je me souvins alors que je n'avais pas encore répondu à la question qu'il m'avait retourné, et je me tournai vers lui afin de finalement lui répondre;

- Oh et, moi je viens d'Allemagne. Mais bon, ça fait environ 11 ans que j'habite en France, du coup je crois que je n'ai plus vraiment d'accent. Mais si toi, tu crois que le tiens est pourrit, alors je t'assure que si tu avais entendu le mien lorsque j'ai commencé à apprendre la langue, tu en aurais ris jusqu'à t'en rouler par terre! J'avais vraiment l'air ridicule.

Je me permis de rire un peu de moi-même une nouvelle fois en me remémorant de mon accent d'autrefois. Je me considérais comme étant très chanceux de ne plus l'avoir.

-  Sinon, je m'attendais pas à ce que tu viennes du Vietnam! C'est chouette! Tu y as habité combien de temps, environ?

Par la suite, sans réellement savoir pourquoi, je levai la tête en l'air et un manège attira tout de suite mon attention. Mon regard s'illumina, et je tirai légèrement sur la manche du t-shirt de Rain.

- Je sais où on pourrait aller ensuite! J'ai toujours vraiment voulu y aller, mais je n'ai jamais eu le courage de le faire avant...

Oui, parce que je m'imposais souvent des limites. Mais là, tout de suite, j'ignorais celles-ci. Au diable mon vertige, franchement. Ça ne me tuerait pas d'essayer. J'en avais bien eu la preuve depuis mon arrivée ici!
Avec un grand sourire, je poursuivis donc;

- On peut aller dans la grande roue, s'il te plaît? Enfin, juste si tu veux. Je suis sûr que la vue doit être à couper le souffle là-haut!

Des journées comme celle-ci, j'en aurais voulu tous les jours. J'aurais voulu goûter à ce plaisir plus souvent, me sentir aussi bien comme maintenant. Je m'en serais nourris, de ce bonheur, tant il me faisait sentir mieux. Je n'avais pas ressenti cela, de manière aussi sincère, depuis déjà un bon moment. J'avais soudainement l'impression d'avoir passé à côté de plein d'opportunités, de n'avoir encore rien vu du vrai monde. Comme si je venais de faire le tout premier pas vers cela, comme si j'étais en fait un ignorant. Je me demande, si mon jumeau avait déjà découvert ces choses, s'il m'avait devancé. Ça ne m'étonnerait pas, sachant qu'Ophelia m'avait toujours un peu surpassé en tout. Il était plus mature, plus sérieux, alors que moi... De mon côté, je ne savais pas si j'étais vraiment ''mature''. J'avais du jugement, oui, mais qu'étais la maturité, en fait? Parfois j'avais l'impression de réagir comme un enfant. Comme aujourd'hui. Je riais peut-être trop, m'excitait ou paniquait pour un rien, mais putain que je me sentais bien. Je ne m'en voulais même pas. Je mettais ailleurs le stress, je le repoussais, et je profitais. Je profitais de m'être retiré mes chaines qui me rattachaient à mon quotidien. Je profitais de ce repos que je m'offrais. Mais d'un autre côté, j'avais hâte de rentrer et de pouvoir raconter ma journée à Ophelia. De lui dire que j'avais rencontré Rain, qu'il était vraiment sympa et que je m'étais senti bien et m'étais amusé. Je racontais toujours ce genre de détails inutiles à mon frère, et ce depuis mon plus jeune âge. Je n'avais jamais eu de journal intime; à quoi bon? J'avais un jumeau à qui je pouvais toujours -ou presque- parler. Je devais l'énerver parfois, d'ailleurs je n'en doutais pas du tout. Mais je continuais, parce que j'avais peur que si je ne faisais pas cela, on finirait par se détacher l'un de l'autre. Ça me paraissait impossible, parce que nous avions toujours entretenu une proximité plutôt étroite, mais cette peur ne me quittait jamais. J'avais peur que, justement parce qu'il était plus mature, il finirait par se lasser de son jumeau et chercherait à être plus indépendant. Mais bon... J'avais confiance en lui, alors je ne pouvais que compter là-dessus. Je ne pouvais pas le forcer non plus à toujours rester accroché à moi. Tant que l'on restait proches tout de même, ça me convenait. Je ne désirais seulement pas qu'il me laisse seul. J'aimais lui parler, lui raconter les choses qui se passaient dans ma vie... Je me demandais quel réaction il aurait en sachant que j'avais fais le grand huit, la maison hantée, et que maintenant je me sentais plus courageux un peu. Il aurait sûrement du mal à me croire. Et puis je voulais aussi lui dire que je croyais que Rain serait sûrement l'un des vrais premiers amis que j'avais. Combien de fois lui avais-je dis avoir peur de ne jamais en trouver un? Je ne comptais même plus les fois. C'était trop fréquent. Comme je pouvais me plaindre d'avoir peur de finir seul! Ce devait être l'une des choses qui m'effrayaient le plus. Encore plus que les manèges.

En tout cas, tout cela pour dire que pour l'instant, j'étais heureux et que tout le reste m'était bien égal. Je tenais beaucoup à ce moment présent. Il allait probablement s'agir d'un doux souvenir, d'une journée dont je me souviendrais longtemps. Un souvenir qui saurait me faire sourire lors des moments où je n'allais pas bien, qui me rassurerait que parfois, la vie savait être clémente. Que la vie n'était pas que du mal, de la cruauté et du désespoir. Il y avait tant à voir, pourtant. Je souris à cette pensée, me sentant cependant un peu... niais de songer à de telles choses. On aurait cru que je me transformais en héro de roman/film/série... Chose que je n'étais pas. Je n'avais pas du tout les qualités pour en être un!

Je portai mon regard vers Rain, après lui avoir demandé combien de temps il avait habité au Vietnam. Il me répondit quelques instants par après, le temps de réfléchir je supposais;

- Hahhh, j’croyais pas que t’étais allemand moi. C’est drôle, mais tu sais encore dire des trucs ? j’voudrai bien entendre ça ! Mais bon, 11 ans en France hein, c’est beaucoup. Sinon, pourquoi tu croyais pas que j’étais vietnamien haha ? Pourtant j’ai l’air..Typiquement viet’ bon, sauf la couleur de cheveux que je tiens de ma lignée de vampire. Haha. Sinon, j’ai quitté le Vietnam quand j’avais à peine 16 ans. Enfin, je crois. J’en sais trop rien tu sais, c’était sur un coup de tête.

À seize ans? Il avait quitté vraiment jeune! S'était-il produit quelque chose pour qu'il s'en aille ainsi, et si loin de chez lui qui plus est? Je voulu lui poser la question, mais me ravisai. J'en avais assez demandé pour aujourd'hui. Je trouverais bien le temps de lui poser cela un autre jour. Je souris, avant de lui répondre;

- Oh, je vois. Ben je sais pas, j'imaginais pas les vietnamiens comme ça je suppose, ou... je sais pas en fait, ahah. Et puis dans mon cas je sais encore parler Allemand, oui. Il m'arrive de l'utiliser parfois en parlant avec mon jumeau, mais sans plus. Mais je voudrais pas avoir l'air ridicule en te disant quelques trucs, comparé au français c'est une langue assez étrange. Une prochaine fois, peut-être! Si tu le mérites.

Je lui tirai la langue, et par après je lui fis ma requête pour aller dans la grande roue. Je voulais tellement y aller, depuis que j'étais tout petit je désirais m'y rendre. C'était si haut, on avait l'impression de monter dans le ciel, d'être supérieur aux autres. Du moins, c'est ce que je croyais; je n'y étais jamais allé après tout. Je n'avais qu'admiré d'en bas. J'avais un grand sourire puérile au visage qui ne voulait plus s'en aller et je traînais Rain avec moi. J'étais content de pouvoir aller dans la grande roue avec lui. J'avais tellement hâte d'être tout en haut, et ce malgré mon vertige.

À mon plus grand bonheur, il ne fallut que peu de temps avant que nous soyons devant l'attraction tant convoitée. Je l'observai avec de grands yeux fascinés, avant que Rain ne dise, avec un franc sourire aux lèvres;

- J’espère que tu n’as pas le vertige hein ! Haha.

J'haussai les épaules, en répondant à son sourire;

- Oh, si j'ai le vertige? Bien sûr, mais ça en vaut la peine!

Après quelques minutes d'attente, on put finalement prendre place et je me dépêchai de m'asseoir. Rain vint à mes côtés et, une énième fois, je lui souri.

La grande roue se mit finalement en marche et je sentis l'adrénaline monter en moi. J'avais un peu peur et j'étais un peu stressé, mais majoritairement j'étais heureux. Il y avait tous les éléments possibles pour qu'il en soit ainsi.

Je perdis alors mon regard sur le côté, nous observant monter tranquillement, jusqu'à ce que Rain ne prenne la parole;

- Hmmm…Ich lieb dich.

...
Hein? Quoi?
Avais-je mal entendu, ou... ou venait-il vraiment de me dire cela, et en allemand en plus? Je sentis mon visage devenir entièrement rouge en une seule fraction de seconde et mon rythme cardiaque s'accélérer. Je ne comprend pas. Vraiment, absolument rien. On aurait dit que mon cerveau venait de se déconnecter. Problème de serveur.

Je n'osai aucun regard en sa direction. J'attendis.

- euh, en vérité j’sais pas trop ce que ça signifie, mais c’est un peu la seule chose que je sais dire en allemand, tu sais ce que ça signifie toi ?

Je me sentis me calmer tout d'un coup. Comme ça m'avait surpris... Je n'avais jamais vraiment entendu ces paroles à mon intention... dans cette langue, qui plus est.

Je tournai finalement la tête vers Rain, probablement encore un peu rouge. Je me grattai l'arrière de la tête, replaçai mes cheveux qui étaient déjà en place, et finalement toussotai.

- Hum... Bien sûr, que je sais ce que ça veut dire. Ça veut dire...

Oh mon dieu, je ne savais vraiment pas comment le dire. Ça provoquerait un gros malaise si j'en disais la traduction, la vraie. Mais je n'allais tout de même pas lui mentir non plus...

Je soupirai donc, l'observant et détournant le regard au dernier moment.

- En fait, ça veut dire « Je t'aime »...

Je souris timidement avant d'avoir un rire nerveux. Je nouai mes mains ensemble et je réalisai alors que nous étions déjà monté haut. Je sentis mon cœur rater un battement et j'eus des étoiles dans les yeux. On pouvait voir tout le parc d'attraction d'ici, et même quelques bouts de la ville.

- Ouah! C'est magnifique! On peut voir tout le parc d'attraction! C'est fou, il y a vraiment beaucoup de gens... On dirait presque des fourmis vu d'ici, dis-je en riant de manière sincère cette fois-ci.

J'avais complètement oublié mon vertige. La vue était simplement superbe, parfaite. Mon sourire s'agrandit, et je demandai alors à Rain, de manière assez... ''random'', en fait;

- Dis, tu peux me parler en euh... Vietnamien? J'ai jamais vraiment entendu avant je crois, à part tout à l'heure. Enfin, juste dire un p'tit truc quoi, rien de bien gros!

Le monde était si joli vu d'ici. Tout me semblait être parfait. J'avais l'impression de regarder une grande toile, peinte par un grand artiste au talent touchant presque la perfection. Une peinture où chaque détails avaient été conçus avec la plus grande finesse qui soit et où tout était calculé. J'étais fasciné par cette vue. Me sentir si haut, si grand, si près du ciel et si loin à la fois, mais tout juste assez pour que le monde d'en bas me paraisse infiniment simplet. Tout me paraissait si clair à présent, et si passionnant d'un autre côté. Ce monde sous mes yeux semblait avoir prit une forme différente, de nouvelles couleurs et de nouveaux tons. Le sourire pendu à mes lèvres, lui, y restait bien accroché. Il était imprimé sur mon visage et ne voulait plus le quitter. Je me dis alors, que je devais revenir ici un jour. Au moins une seule fois. Cette vue était trop stupéfiante pour ne plus jamais la revoir ensuite; ce serait un véritable gâchis. Avec qui reviendrais-je la prochaine fois? Ophelia? Ou... Rain, encore? Oh, revenir avec Rain ne me dérangerait pas le moins du monde, au contraire, cela me ferait énormément plaisir. Je passais un si bon moment avec lui après tout. Ce qui serait marrant, en fait, ce serait de revenir avec Ophelia et Rain. Les deux à la fois. Mais je doutais fort que cela puisse arriver. Ça me paraissait impossible. Je ne savais pas pourquoi, d'ailleurs, car je pourrais simplement leur faire faire connaissance, ami-ami et tout. Seulement, voilà, imaginer cela me paraissait trop étrange. Les choses étaient probablement mieux ainsi. Quittes à venir une fois avec Ophelia et l'autre revenir avec Rain. Enfin bref, ce n'était pas très important pour le moment. J'allais me préoccuper de cela au moment venu et pas avant, parce que me connaissant, je n'en finirais plus à tourner autour du pot. Ce qui importait, pour l'instant, c'était cette vue que m'offrait la grande roue. Je savais, avant même d'y monter, que j'allais être émerveillé par ce spectacle, mais je ne m'attendais certainement pas l'être à ce point. Je me demandais, d'ailleurs, si Rain l'était lui aussi. S'il n'était pas venu ici depuis environ... Deux ans, qu'il avait dit il me semble, avec son ex, alors avait-il oublié cette  vue? Ou alors n'était-il simplement jamais allé dans une grande roue auparavant, tout comme moi? Je n'en savais rien, à vrai dire. Mais ce n'étais pas comme si je pouvais y faire quoi que ce soit pour le moment après tout; enfin, je n'aurais qu'à lui demander et je le saurais. Cependant je n'avais pas envie de lui poser trop de questions et qu'il me trouve, par la suite, agaçant. S'il y avait bien une personne à qui je ne voulais pas donner cette impression, c'était à Rain. Mais même de manière générale, être vu de cette façon par les autres n'était point quelque chose que j'appréciais. Si moi-même n'aimais pas les gens agaçants, alors l'être était pour moi une horreur. Et pourtant, aux yeux de certaines personnes cela semblait toujours être le cas, ou par le passé. Comme... ma mère, entre autre. Mais il ne fallait pas que je pense à elle. Pas maintenant. J'étais trop heureux, tout était trop parfait pour qu'elle puisse venir hanter mes pensées. Je devrais sincèrement l'oublier, même si elle portait le titre de ''mère'' à mon égard et que je ne pouvais rien y changer. Pour moi elle ne représentait plus rien. Juste de la haine, de la stupidité, de la folie... Et tant d'autres choses, qui étaient d'ailleurs trop nombreuses -et négatives- pour que je m'attarde les énumérer une à une.

Et puis, en plus, je n'avais pas envie d'afficher un air morne devant Rain à cause d'elle. Je voulais continuer de sourire aussi sincèrement que précédemment. Sourire me faisait du bien, faisait naître en moi quelque chose d'agréable. Comme si, par le simple geste d'un retroussement de lèvres, tout était plus beau. Tout se transformait, tout s'embellissait à vue d’œil. Je me sentais déjà mieux rien qu'en songeant à cela. Je tournai donc la tête vers Rain, attendant une réponse à ce que je lui avais demandé; s'il pouvait me parler en vietnamien, en bref. Cela m'intriguait beaucoup.

À ce moment, je remarquai que tout le brouhaha de la foule qui se trouvait tout en bas me paraissait bien lointain. C'était à peine si je pouvais en entendre quelques bribes; j'avais comme l'impression d'être dans une bulle, seul avec Rain. Comme si nous étions détaché du monde extérieur.

Un sourire malicieux retroussa alors ses lèvres, avant qu'il ne dise simplement;

-«  Une prochaine fois si tu le mérites. » 

Oh, comme je me trouvais idiot en ce moment. Mais pourquoi lui avais-je dis cela tout à l'heure? Idiot de Lukha! C'était vraiment... Enfin, pas juste j'aurais voulu dire, mais en fait ce l'était. D'un air boudeur, je lui tirai la langue une énième fois en lui donnant une légère pichenette sur l'épaule;

- Très drôle.

Bien sûr, je n'étais pas réellement fâché. Juste un peu déçu, mais c'était de ma faute, et de toute façon, je n'allais pas abandonner si rapidement. Croire que Lukha Alody abandonne facilement est mal le connaître.

Puis, soudainement, je senti Rain m'approcher tout près de lui en me saisissant par les épaules. Je rougis contre mon gré, en le regardant d'un air interrogatif et en ne comprenant surtout absolument rien à ce qu'il faisait. Un sourire illumina son visage et il me pointa en direction d'un lieu.

- Regard, on était là bas, tout à l’heur. Le monde est si joli d'ici. Haha, ça me semble déjà daté, c’est fou.

J'écarquillai les yeux en reconnaissant le lieu en question. La plage! Je ne l'avais même pas vue! Elle semblait si petite vu d'ici. Et dire que nous étions là-bas... Un sourire presque nostalgique me retroussa les lèvres.

- C'est dur à croire que nous étions là-bas... C'est vraiment superbe, vu d'ici. On dirait presque que ce n'est pas réel, tout ça!

Mon regard n'arrivait plus à se détacher de ce paysage, une fois de plus. Et maintenant que je voyais la plage, au loin, avec les rayons du soleil reflétant contre l'eau de la mer, la vue me semblait encore plus parfaite. Ce que je me sentais bien...

Rain retira alors son bras, avant d'ajouter d'un air un peu morose;

- C’est comme si on se connaissait depuis une éternité.

Il plongea son regard dans le mien et je me senti figer. Il ne pouvait même pas se douter à quel point cette phrase me touchait. À quel point elle me faisait plaisir. Je me sentais déstabilisé, sur le moment. Ne sachant pas quoi dire, quoi répondre, et ne voulant pas non plus avoir l'air d'un idiot. À vrai dire, moi aussi, j'avais cette impression. Il me paraissait presque impossible de croire qu'on ne se connaissait que depuis aujourd'hui, qu'il n'y avait pas de ''hier''. Juste aujourd'hui. Je ne savais même pas dire si le temps avait passé vite ou lentement.

J'eus alors un grand sourire. Je ne répondis rien, par contre. Juste un grand sourire d'idiot qui est trop heureux et qui se perd dans ses émotions. Mais quoi qu'il en soit, c'était un sourire sincère.

- Ah, au fait. Anh cũng yêu em.

Je sursautai, ne m'attendant pas à ce qu'il... qu'il me parle en vietnamien, là, maintenant. C'était une très belle langue en effet, même si je n'avais vraiment rien compris à ce qu'il avait dit. J'étais heureux qu'il me dise quelque chose dans cette langue finalement, alors qu' au fond... L'avais-je mérité? Rain était trop indulgent! Mais ça me faisait plaisir, alors je n'allais certainement pas me plaindre.

- ça signifie…

J'attendais impatiemment la traduction. Rain, lui, eut un magnifique sourire au visage. Un superbe sourire comme je n'avais jamais vu auparavant. Si ça se trouve, il devait avoir le plus beau que je connaisse. Un sourire unique qui n'appartenait qu'à lui.

- Je t'aime aussi.

... Ma première réaction fut de cacher mon visage avec ma main et de détourner la tête. C'était comme si... Comme s'il s'agissait d'une vraie déclaration. Ce n'étais pas le cas, bien entendu. Mais c'était vraiment tout comme, et ça m'embarrassait tellement... Ces mots avaient un tel effet sur moi, je ne croyais pas que ce puisse être aussi pire que cela!

Je réussi finalement à articuler;

- Eeeh... Je vois. Tu comptes vraiment me faire mourir d'embarras, hein?

J'eus un rire gêné mais sincère. Ça ne me servirait à rien de lui cacher que j'étais embarrassé; après tout, rien qu'avec mes réactions instantanées, c'était bien facile à deviner.

- C'est une très belle langue en tout cas. Vielen Dank, es macht mich sehr glücklich.

Je n'étais pas habitué de parler allemand à une autre personne qu'à mon frère, alors ça me faisait encore un peu étrange. Mais je lui souris tout de même, l'air un peu enjoué;

- Ce qui veut dire «Merci beaucoup, ça me fait très plaisir». Maintenant on est quittes, au moins!

Je reportai mon attention vers le paysage quelques instants, avant de reprendre la parole;

- Au fait, tout à l'heure je me demandais si tu étais déjà allé dans une grande roue avant?

Je marquai une courte pause, jouant distraitement avec une mèche de cheveux.

- En tout cas je suis vraiment content d'être venu ici pour la première fois avec toi. Je ne sais pas si ça aurait été la même chose avec un idiot, par exemple, ajoutai-je en rigolant.

Je levai les yeux au ciel quelques instants, avant de poursuivre;

- D'ailleurs je compte bien y revenir. La vue a quelque chose de magique, ici, et ce serait du gâchis de ne plus jamais la revoir. Tu voudras bien revenir avec moi, la prochaine fois? Enfin, seulement si tu te crois être à la hauteur bien sûr.

Je pris un air moqueur avant de rire une seconde fois. J'étais bien sérieux pourtant. J'avais envie de revenir ici avec Rain, un jour. Même si c'est dans longtemps, au moins rien qu'une seule fois.

Oui, maintenant que j'y pensais, le temps s'était écoulé anormalement vite. Tout s'était déroulé d'une rapidité hallucinante, et je ne réalisais que tout de suite que le soleil se couchait déjà. Il s'abaissait dans le ciel, recouvrant le parc d'attraction et tout le reste de la ville d'un doux orangé et de tons de rose. Le temps m'avait glissé entre les doigts. La fin de la journée s'approchait au fil des minutes et je me senti triste à cette idée. La vue de ce ciel embrasé était certes très agréable à regarder, mais elle était le signe que bientôt nous devrions partir et laisser derrière nous tous les bons moments que nous avions passé ici. Oh, mais c'était de si bons souvenirs qu'au final ce n'était peut-être pas si mal. Néanmoins, ce qui m'effrayait le plus, c'est de ne plus jamais revivre de telles choses, de telles émotions une seconde fois. La peur qu'on ne se revoit jamais, aussi. Maintenant, l'idée de retourner à mon train-train habituel ne m'enthousiasmais pas réellement. Pas que je déteste mon quotidien, mais parfois il était si monotone que j'avais l'impression de toujours répéter les mêmes choses, les mêmes gestes, etc... Aujourd'hui avait comme été un baume à cela. Cette belle journée qui avait, malgré moi, défilé à la vitesse de la lumière m'avait retiré un gros poids de sur les épaules. Je me sentais tellement plus léger à présent. Mais est-ce que cela n'était qu'éphémère? Est-ce que demain matin, en me réveillant, tout serait redevenu comme avant? J'aimerais le savoir. Hélas, je ne le pouvais pas. Pas maintenant, en tout cas. Pour l'instant je ne pouvais qu'attendre. Regarder les minutes s'écouler, et avec chance, le temps passerait aussi vite qu'il ne l'avait fait jusqu'à présent... Mais en fait, non. Je m'en fichais d'avoir à attendre une éternité pour savoir ce qui se produirait demain. Si je chérissais tant cet instant, ce moment en la compagnie de Rain dans la grande roue, alors pourquoi me préoccupais-je de cela? Si cette journée s'achevait réellement, alors je devais profiter de ces derniers instants. Rien n'était encore fini, après tout. J'eus un mince sourire en reportant mon attention vers la mer, au loin. De la voir ainsi, reflétant le coucher du soleil, on aurait pu croire qu'une personne aurait vidé un récipient de colorant orange à l'intérieur. Je ne me serais jamais lassé de l'observer. Elle avait quelque chose de si rassurant... À un tel point qu'elle réussi à me faire chasser mes pensées plus sombres un peu. Je me tournai donc vers Rain, qui semblait réfléchir, probablement à la réponse de ma question. J'attendis quelques instants à peine et il me fit finalement un grand sourire, qui su aussi me rassurer et à qui je répondis automatiquement en retroussant les lèvres.

- Oh tu sais, moi aussi c’est la première fois que je vais à une grande roue ! Tu es privilégié. Tu vas voir, je serais bientôt un chanteur très connu partout dans le monde, j’suis pas n’importe qui moi, hum !

Rain ria et j'en fis autant.
Ah, oui, j'avais oublié qu'il était chanteur. J'étais vraiment intrigué par cela, d'ailleurs. J'avais hâte de pouvoir l'entendre chanter un jour. J'étais étonné aussi qu'il ne soit jamais venu dans la grande roue auparavant. Enfin, je disais surtout cela parce que moi, j'étais l'une des rares personnes qui n'y était jamais allé. Les gens pour la plupart y étaient déjà tous allés au moins une fois. J'étais content de savoir que je n'étais pas le seul, en fait.

- Ah, vraiment? J'espère que tu me réserveras des passes V.I.P. dans ce cas hein!, lui dis-je en riant légèrement.

Rain ajouta ensuite;

- Humm..J’sais pas, la première fois, c’est toujours la meilleure. J’te propose d’ailleurs de visiter d’autres endroits ensemble, pour la première fois, ça sera meilleur. On créera plein de souvenirs, comme ceux-ci ! et comme ça, comme j’aurai plein de tes premières fois, tu ne m’oublieras jamais ! Hahaha. Ça sonne sadique.

Je restai quelques instants, figé, à le regarder. Un sourire naquit finalement sur mes lèvres, grand, radieux. En oubliant que ce qu'il ait dit sonnait un peu pervers vers la fin, il n'avait vraiment aucune idée d'à quel point il m'avait rendu heureux. Si j'avais peur de ne jamais le revoir après notre sortie d'aujourd'hui, maintenant ce n'était que moindre. Si lui, voulait qu'on refasse d'autres sorties, alors je ne pouvais qu'être pleinement d'accord. Je lui répondis, tentant à la fois que mon sourire ne s'agrandisse pas encore; j'allais me fendre les lèvres, si ça continuait.

- Oui! C'est vrai, c'est toujours mieux lorsque c'est la première fois. En tout cas c'est une très bonne idée, je ne refuserai jamais de créer d'aussi bons souvenirs! Et comme ça j'aurai plein de tes premières fois, moi aussi.

J'eus un sourire un peu plus moqueur, et c'est alors que la roue s'arrêta. À ma plus grande déception, on fut obligés de descendre de l'attraction. Une fois hors de la grande roue, Rain posa une main sur mon épaule et je tournai la tête vers lui, un peu surpris;

- C’était super ! J’te promets plein d’autres moments comme celui-ci !

Je lui souris alors, sincèrement, voir presque sérieusement;

- Oui, je compte sur toi pour tenir ta promesse.

Rain leva soudainement la tête vers le ciel en se passant une main dans les cheveux. Je levai les yeux, moi aussi, et remarquai que le temps s'assombrissait peu à peu et que les nuages commençaient à prendre place dans le ciel. Le moment tant redouté approchait-il donc? Déjà? Un peu inquiet, je me tournai vers Rain qui prononça au même moment;

- Il commence par contre à se faire tard et on devrait quitter, ton frère s’inquiètera pour toi si tu restes plus longtemps, je te raccompagne.

J'eus un soupir, en baissant la tête d'une manière presque résignée. Ophelia s'inquiétait-il pour moi? Je ne le savais pas, mais au fond, je l'espérais un peu. Je serais vexé de savoir qu'il ne se fasse pas de souci pour moi ou qu'il ne se préoccupe pas de savoir où je me trouve. Mais tout de même, l'idée de rentrer ne me plaisait pas. Je croisai les bras, un peu songeur, puis releva la tête vers Rain en tentant de sourire.

- Tu as raison... Mais tu n'es pas obligé de me raccompagner, je ne voudrais pas te faire perdre de ton temps.

Malgré cela, j'étais heureux qu'il vienne avec moi alors je n'ajoutai rien et n'insista pas plus. Je n'avais pas envie de retourner chez moi tout seul. Le chemin d'ici à là-bas n'étais pas très long, mais pas très court non plus. Je n'aimais pas y aller en étant seul, surtout lorsque la pénombre commençait à poindre. On pouvait croiser des types particulièrement étranges et surtout très peu fréquentables parfois. Pour m'avoir fais aborder à quelques reprises, je savais de quoi je parlais.

On commença donc tranquillement à se faufiler au travers de la foule dans le but de sortir du parc d'attraction. Je me sentais comme un gamin qui ne voulait pas quitter le magasin de jouet... Mais en réalité, ce n'était pas vraiment cela qui me déplaisait. C'était seulement tous ces bons souvenirs... Je soupirai une énième fois, alors que nous déambulions les rues vides de la ville.

Je tenais encore entre mes mains les deux photos prises dans la maison hantée. Je les observa, encore, et me mis à sourire sans m'en rendre compte. Au moins, j'avais une belle preuve concrète que je m'étais amusé aujourd'hui. Je levai la tête vers Rain, qui marchait à mes côtés;

- Merci pour aujourd'hui. Ça a été... Vraiment une belle journée. Je ne m'étais pas autant amusé depuis un moment, ça m'a fait du bien.  

J'eus un petit rire, presque aussi bas qu'un murmure et j'ajoutai;

- C'est étrange de penser que rien de cela ne se serait produit si je n'avais pas reçu un ballon sur la tête. Tout ça grâce à ton amie, en fait... Tu la remercieras de ma part, ahah.

Le sourire encore aux lèvres, je baissai la tête en me passant une main dans les cheveux. L'air se rafraîchissait peu à peu, preuve que la soirée s'installait. Mais on était bien, le temps étant encore très agréable. La nuit s'annonçait être belle. C'est alors que je vis se dessiner à l'horizon ma maison. La grande demeure de ma tante, beaucoup plus grande que celles autour. Sur le coup c'était peut-être un peu gênant, je ne savais pas trop pourquoi. Je devrais plutôt être fier de vivre dans une telle demeure. Il fallait dire qu'elle se démarquait beaucoup... En fait, ce qui me rendait ainsi, c'est que j'avais peur que Rain ne me prenne pour un prétentieux. Qu'il ne voit le petit gosse de riche en moi, celui qui avait été capricieux toute sa vie. J'osai à peine un regard en sa direction, jusqu'à ce que l'on soit en face d'où j'habitais. Là, je m'arrêtai, regardant finalement Rain dans les yeux. Je me forçai de lui sourire, un peu timidement;

- Voilà... On y est. C'est ici.

Je marquai une courte pause, puis repris la parole;

- Je me répète, mais vraiment... Merci beaucoup. D'être resté avec moi, qu'on soit allés au parc d'attraction, m'avoir raccompagné jusqu'ici, tout ça... Ça me fait très plaisir.

Je me grattai l'arrière de la tête, hésitant, puis dis finalement en lui souriant puérilement -peut-être plus moqueusement- et en serrant les deux photos prises aujourd'hui contre moi;

- J'espère qu'on pourra se revoir très bientôt, ...Snow White.