Les pois et les rayures la mode cet été. D'un coup de souris, elle se commanda quelques articles griffés de marques diverses. Mais la mode passait aussi vite que le beau temps. Elle s'acheta donc des basiques, à partir de ce qu'elle devinait être la mode américaine. Bien souvent, la mode se transmettait de continents en continents, comme un virus particulièrement dangereux. Et elle en était la première victime. Mais pour l'instant, vacances oblige, elle ne pourrait pas montrer son talent créatif. A moins de sortir, mais il lui faudrait des connaissances. Et elle avait même pas encore visité le dortoir où elle devrait loger. D'une roulade malhabile, elle emporta son ordi portable qu'elle avait acheté récemment. Tout son être exprimait la flemme. Même ses vêtements, froissés au possible. Et ses cheveux ? On aurait pu en faire un nid, la différence n'aurait pas été flagrante. Elle soupira, reportant une éventuelle sortie pour rencontrer des gens fréquentables. Mais elle n'y prêtait pas vraiment attention, concentrée sur le petit message qui venait de s'afficher, son ordi gazouillant pour l'en avertir. You've got mail ... Intriguée, elle cliqua. Jamais elle n'avait donné son adresse. Même sous la pression des multiples petits copains. Et l'adresse n'avait pas l'air automatique. Un idiot qui essayait de lui piquer ses infos bancaires ? Il allait voir tiens. Avant même d'ouvrir le mail, elle enclencha un logiciel qu'un ancien serviteur lui avait humblement crée. Enfin, forcé, mais ça revenait au même. Un logiciel de spam. Même si c'était un ordi à l'autre bout, elle avait de quoi faire planter un serveur avec cette mini-bombe. Avec un sourire satisfait, elle cliqua sur le message.

Luke.
Je dois continuer, continuer d'espérer,
Même si mon amour m'a été refusé,
Même si la voie envisagée,
N'était que le leurre que je créais.

Un admirateur ? Mais comment avait-il eu l'adresse ? Il n'y avait rien qui puisse lui donner l'ombre d'un indice sur l'expéditeur. Elle regarda un instant en louchant le mystérieux Fireburnt34. Elle devait comprendre qu'il était brûlé au troisième degré et qu'il avait 34 ans ? A moins qu'il soit né en 34 et qu'il soit un vieux papi croulant ? Oui, ça se tenait. Le problème, c'est qu'elle ne connaissait personne étant aussi vieux, vivant et avec de la chair rouge. Mais bon, elle était plus habitué à : "hey la fille, t'sors avec moi ?" et elle répondant bien sur. Sauf si c'était quelqu'un de peu populaire. Là elle sortait quelques grossièretés de son cru. Et si il était mignon malgré son impopularité, elle couchait avec, un soir. Ou une journée. Alors, on peut dire que ce poème la touchait quand même un peu. Parce qu'on la traitait pas comme la péripatéticienne qu'elle était, pour une fois. Malgré ça, elle choisit de ne pas répondre. Fallait pas non plus la prendre pour une quiche. C'est pas parce qu'on lui sortait un poème tiré d'un recueil qu'elle ne connaissait pas pour une fois, qu'elle allait être intéressée. Elle ferma son ordi. Elle avait envie de vérifier si c'était une partie d'un poème, une strophe perdue. Il n'y avait qu'un moyen: sortir pour la bibliothèque. En fait si, il y avait aussi internet. Elle rouvrit son gadget précipitamment. Pas de résultats. Enfin, si mais aucun ne ressemblant à un poème. Elle apprit au passage le sens d'étique, venu se greffer on se sait comment à ses recherches. Comme celles-ci étaient infructueuses, elle essaya de traduire les vers dans une autre langue, mais de nouveau, son ami le gogole lui répondit qu'il ne trouvait rien. Elle referma violemment son portable. De toute façon, elle était pas douée avec les nouvelles technologies. Mais elle n'avait pas de livres sous la main, et elle répugnait à gâcher des pages de son carnet pour juste se divertir. Si seulement, les vêtements arrivaient ... ainsi elle pourrait sortir. Mais la commande s'était perdue selon le service. Et elle n'avait été avertie qu'un mois après, alors qu'elle avait passé d'autres commandes et oublié celle-ci. Trois mois qu'elle était là, mais elle avait eu la flemme d'aller sur des sites d'achats et voilà où elle se trouvait. Etant irritée et passablement en train de s'ennuyer fermement, Luke décida de faire une liste de bonnes résolutions pour cette année scolaire. Elle savait pertinemment qu'elle ne les tiendrais pas, mais ça occupait le temps.

Moins de sexe sans que le partenaire ne soit son petit ami. Ça éviterais certains problèmes qui pourraient être nuisible à la popularité qu'elle allait se construire. Tenir deux semaines en couple  à moins de cas grave. Travailler à l'école. Manger moins de sucreries en cachette. Manger moins de sucreries tout court. Ne plus reporter à demain ce qu'elle devait faire dans l'instant. Ne pas rire ouvertement quand un gamin pleure. Et sortir. Ça lui ressemblait pas de rester enfermée.

Elle hocha la tête. C'était déjà pas mal. Elle allait commencer par la dernière. Son hôtel était formidable mais il n'y avait pas de livres et peu de divertissements. Et elle refusait de se baigner.         Une envie de ne pas se faire mater par tout l'hôtel, peut-être. Une douche en vitesse suivie par un enfilage d'une robe bleu agréablement décolletée. Et ensuite, on relève la taille avec une ceinture blanche. Elle attacha enfin ses cheveux en une unique queue de cheval, pour qu'on ne remarque pas l'horreur que c'était. De nouveau, des mèches rebelles vinrent se mettre sur son chemin.  Luke les ignora. Un peu de maquillage et le tour était fait. Elle ne comprenait pas elle-même pourquoi elle avait voulu ressembler à une gravure de mode avant de sortir. Ça allait très bien comme ça. Son égo se regonfla d'un seul coup, tandis qu'elle posait devant le miroir de la salle de bain. Elle allait enfin commencer son année. Elle n'avait pas une idée très précise d'où aller et elle ne connaissait pas bien la ville. Ou comment se perdre. Après avoir déambulé pendant ce qui lui semblait des heures en évitant ce qui semblait orangé et en s'enfuyant dès la vision d'un quelconque roux, elle réussi à se trouver le cinéma sans trop savoir comment. Et l'idée lui vient qu'il y aurait forcément des gens à qui parler. Comment ? Elle dirait que son rencard lui avait posé un lapin et elle sortirais avec une bande populaire. En espérant qu'ils ne la rejettent pas. C'était toujours le plus délicat, la mise en pratique. Si quand elle était jeune, il suffisait de sortir le dernier camion de bob le bricoleur, aujourd'hui, elle doutait d'obtenir le même résultat avec son smartphone tout neuf. D'un pas qui se voulait assuré, elle entra et chercha une bande avant même de se mettre en quête du guichet. Elle vit trois garçons avec autant de boutons qu'on aurait pu faire deux calculatrices. Pour chacun d'entre eux. En passant devant eux elle se fit siffler maladroitement par un de ceux là. Ils allaient s'en ramasser? Ils n'étaient pas roux et ne portaient rien d'orange, visiblement, heureusement pour eux. Alors non, d'autant qu'elle avait trouvé sa cible.  Un petit groupe, de blonds et bruns et cheveux colorés : cinq personnes, deux filles et trois garçons. Parfait. Elle prit une inspiration discrète. Et se dirigea droit sur eux. Arrivée à côté et s'étant faite remarquer, elle leur fit un grand sourire en faisant semblant de ne pas remarquer le regard appréciatif d'un des garçon sur son décolleté.

Bonjour, je suis désolée de vous déranger... En fait ...

Elle leur débita son mensonge plus ou moins ficelé. De toute façon, ils s'en fichaient. Ils l'acceptèrent. Bon, d'accord, les filles la regardaient d'un air mauvais jusqu'à ce qu'elle complimente une brune sur son bracelet et que s'ensuive une des conversations les plus ennuyantes selon Luke. Mais la fille semblait passionnée dans le genre "c'est moi qui l'ai fait" et plus d'une fois, elle dut sourire au lieu de sortir les répliques cinglantes qui lui venaient en tête. A la suite de ça, elle fut à peut près acceptée et même appréciée. Une fille lui présenta le groupe. Elle avait une robe orange. Luke dut se retenir pour ne pas s'enfuir, mais elle n'allait pas laisser le groupe en plan. Bizarrement, ils venaient voir un film d'horreur. Elle-même ne comprenait pas bien l’intérêt que les gens portait à ces films. C'était plein de sang et on y criait pour un oui ou pour un non généralement. Quitte à voir du ketchup, elle aurait pu acheter un sandwich. Mais ils semblaient enthousiasmés donc elle fit semblant de l'être aussi. Destination finale. Elle avait eu raison. C'était à qui aurait la mort la plus affreuse. Vite désintéressée, elle regarda vers ses compagnons pour voir qu'ils profitaient bien du noir. Elle-même n'était pas trop mal placée, entre la fille à la robe orange (qui ne semblait plus orange grâce au peu de lumières) qui semblait l'avoir acceptée et un type mignon, brun. Mais elle se refrénait, se rappelant de ses bonnes résolutions. Elle allait pas les laisser tomber quelques heures après, non ? Mais se retenir l'irritait. D'autant plus qu'elle arrivait pas à ce concentrer sur le film avec les bruits que faisaient le voisin en mangeant ses pop-corns. Sérieusement, il les mangeaient lyophilisées, pour faire autant de bruit ? Elle se retourna vivement vers sa gauche, l'origine du bruit en vue. Sans vergogne, elle piocha dans son paquet et mâcha bien devant lui, en faisant autant de bruit que possible. Un instant, elle eut peur qu'on l'ai remarqué, du côté du groupe, mais seul la cinquième roue du carrosse la regardait bizarrement. Bon, elle la ferait taire, tant pis pour ses résolutions, c'était un cas grave. Enfin, un peu. Un pétage de plomb parce qu'on a eu un lapin, ça marcherait peut-être sinon. Elle verrait à la sortie. Pour le moment, elle essayait de se concentrer sur le film.

-Hmmm...Vous avez une manière très raffinée de manger..!

Alors que son attention était captivée par ce moment fatidique dans presque chaque destination finale où l'un essayait de détruire un autre pour récupérer sa vie, elle fut distraite par cette phrase et surtout par le regard insistant de la jeune femme. Elle décida de l'ignorer parce que vu le sarcasme de la phrase, elle aurait du mal à être polie en lui répondant. Mais elle n'arrivait plus à se concentrer. Elle serra les dents, et sourit. Et retourna rapidement aux lumières colorées de l'écran. Enfin, essaya. Elle fixait l'écran sans le voir. C'était déjà dur pour elle d'être assise à côté de cette couleur maudite alors si en plus le contenu de l'affreuse robe (oui, tout ce qui est orange est horrible) se mettait au niveau du conteneur, elle ne répondrait pas de ses actes.  Cette nana  n'avait rien d'autre à faire que regarder des gens et les critiquer? Bien que la description s'applique à elle aussi, elle n'aimait pas ces traits de caractères chez une autre. Elle avait encore l'impression d'avoir un peu plus de dignité. Bon, c'est absurde mais elle se sentait supérieure.
Colère. Chaleur. Mouvement. Se retenir à tout prix. Bleu. Bleu. Bleu. Elle porte une robe bleue. Il ne faut pas faire attention. Se concentrer sur le film. Sur les morts, voilà... Mort puis giclée de sang-ketchup qui faillit lui soutirer un soupir. Qui aurait pu, si elle n'était pas tellement concentrée sur le fait de ne pas s'énerver.  En plus la musique qui accompagne la scène lui fait penser à une soirée. Ridicule pour un film d'horreur, à moins de vouloir faire une parodie. Mais cette musique lui donne une idée. Oui, penser à la soirée où elle a entendu cette chanson. Même si les souvenirs de cette nuit là sont certainement flous et qu'elle n'apprécie pas tellement revenir en arrière, cela semble être une diversion acceptable. Au milieu de l'alcool et des lumières tamisées ... Est-ce qu'elle peut mettre un nom sur la musique ? Bien sur que non. Elle se rappelle vaguement de la chaîne et des enceintes, recouverts de verres de multiples couleurs. Un goût de vodka grenadine aussi. C'est pas mal. Comparé à d'autres soirées, ça fait beaucoup. Treize ans à l'époque et déjà accro. A la popularité, aux fêtes, à l'alcool, au sexe.  Le bilan ? Toujours la même. Ou presque. L'alcool a disparu.
Ca y est, elle est plongé dans des espèces de souvenirs brumeux. De fêtes, parce qu'elle ne veut pas se rappeller du reste. Evidemment, quel meilleur moment pour que la jeune fille orange choissise de l'aggriper ? Elle aurait pu avoir une crise cardiaque, en étant plus vielle, surtout que celle-ci avait une expression assez particulière, pour ne pas dire terrifiante. Un espèce de couinement de souris aussi. Une pression ferme, décidée mais irréfléchie.  Luke mit un moment à comprendre que c'était ce qui se passait à l'écran qui avait eu cet effet. Tout ça à cause d'une banale scène de torture (qui n'existe pas dans les destinations finales mais osef) ? Bien vite lui vient à l'esprit que la demoiselle, tout aussi charmante qu'elle soit (oui,  l'héritière des Star Wars est capable d'ironie mentale), portait cette couleur. La touchait avec une peau qui avait certainement touché un objet de couleur orangée.  Ce fut à un cheveu qu'elle ne la frappe, se retenant au dernier moment pour la pousser brutalement en dehors de son périmètre vital. Si elle l'avait frappée, ç'aurait eu de très mauvaises conséquenses sur sa popularité naissante. Elle connaissait par expérience. Celle qui portait du orange n'était pas la première. Sauf que la première fois, ça avait tourné en bagarre en bonne et due forme. Et qu'elle avait mis quasi toute l'année à retaper les dégats. Sans compter les bleus qui avait défigurés son visage pendant plusieurs semaines. Donc, c'était un gros effort. Elle ne l'avait pas frappée, juste repoussée un peu violemment. Et bien qu'elle en aie envie, elle n'allait pas s'enfuir en hurlant. Problème au niveau popularité encore.
Elle mit un moment à récupérer, ne remarquant même pas la gène ni le trouble pour se reprendre de sa voisine. Pas qu'elle aie peur, hein ? Luke l'avait mauvaise. Cette fille l'énervait grandement. Elle avait poussé le bouchon trop loin. Et elle n'était pas une femmelette, elle (ok, ok, elle fait son sergent militaire et logiquement, ben si mais laissons la logique de côté).  Non, c'était une ommelette. Et elle allait agir en ommelette et ne pas s'aplatir. Mais bon, bien que de très bonnes idées lui reviennent en mémoire, aucune n'était réalisable sur le moment ou assez discrète pour "passer" auprès des autres. Puis lui vient une idée, qui certe n'était pas assez corsée pour ce qu'elle avait envie de faire subir à sa voisine mais qui avait le mérite d'être discrète et certainement efficace. Elle se mit à faire attention à celle qui s'appellait Jude, ou  Judy, elle ne se rappelait plus bien. Celle-ci usait ses doigts manicurés pour regarder son téléphone. En regardant mieux, Luke vit le léger tremblement de ceux-ci. Tant mieux. Son idée marcherait mieux. Oh, mais, il fallait attendre qu'elle soit occupée. Elle détourna ses yeux de ses mains pour l'écran. Puis se rappprocha. Doucement. Il ne fallait pas qu'elle la sente venir. Elle continuait à faire semblant de regarder l'écran, en se rapprochant. Voilà, elle était en place. Il suffirait que l'orangée tourne la tête pour qu'elles s'embrassent, tellement Luke était proche. Heureusement pour elle, l'autre semblait absorbée et ses longs cheveux cachaient sûrement sa vue. Elle se résolut à rajouter un petit plus à son coup. Histoire de lui faire mal physiquement. Elle se pencha donc très doucement puis lui souffla dans l'oreille une insulte shakespearienne qu'elle ne comprendrait peut-être pas, en insistant bien sur les A, pour accentuer l'effet de souffle.  


-Scaredy cat

Puis, de suite, avant même qu'elle aie le temps de réagir, d'être surprise et de sursauter, Luke lui mordit l'oreille. Ouais. Comme ça, quand elle allait avoir sa réaction de surprise, elle irait certainement du côté inverse où elle avait soufflé. Ce qui la ferait souffrir. Bon, elle allait pas non plus lui arracher l'oreille, restons raisonnable. Mais bon ... si elle pouvait en tirer de la souffrance physique.  Elle n'avait pas peur, était juste surprise ? On allait voir ça.