Un poids immense venait de descendre de mes épaules. Le poids d'un secret terrible, d'une relation cachée aux yeux de tous et de mon amour que je n'avais pas le droit d'assumer au grand jour. Se cacher, ne rien dévoiler, faire semblant, à peine se saluer dans les couloirs. Tout ceci était terminé. Kaleï avait passé ses examens finaux avec excellence, sans surprise aucune, et il n'était officiellement plus élève au lycée. Nous pouvions désormais sortir ensemble, tout du moins pour les vacances d'été. Cela dit il faudrait que je me renseigne sur les droits d'un professeur de sciences à sortir avec un élève de la section musique, même si cela serait un peu suspect.

Même si sa réussite fut ne fut pas surprenante, elle fut tout aussi éblouissante que d'habitude. Kaleï était un élève incroyable, un des meilleurs de sa classe ou tout simplement du lycée. Son intelligence me sidérait toujours. Il me donnait l'impression de pouvoir entreprendre tout ce dont il avait envie et de le réussir. Personnellement, mes parents n'avaient jamais été éblouis par mes résultats scolaires, pourtant très bons. Pourquoi ? Car c'était habituel pour eux comme j'avais toujours le même genre de résultats. J'avais toujours trouvé cela désagréable et blessant finalement. Alors je voulais, à chaque réussite de Kaleï, lui montrer combien j'étais fier de lui.

Aujourd'hui, pour fêter correctement le fait que nous pouvions sortir ensemble 2 mois entier sans déroger aux règles du lycée ainsi que l'obtention du bac de Kaleï, j'avais décidé de l'emmener au parc d'attractions de la ville. Mais bien sûr j'étais en retard, comme d'habitude. Des rattrapages à préparer de mon côté pour ces élèves désintéressés des sciences naturelles et de la beauté de la division cellulaire. Aussi surprenant que cela puisse me paraître, il y en avait quelques uns.

Sur le chemin du parc, j'avais très envie de dire à Kaleï le pourcentage de réussite de mes classes. J'avais littéralement "mis une branlée" aux autres professeurs de sciences. 90% de réussite dans l'examen de SVT, filière scientifique comprise. C'était énorme et j'étais vraiment fier de moi. Même si la plupart passaient leur temps à soupirer et s'arracher les cheveux sur ce que je voulais leur enseigner, il semblait que la passion permettait de faire rentrer les cours simplement dans leur tête.

Mais alors que j'avais un sourire serein et impatient aux lèvres, un homme me rentra dedans à toute allure. Une sensation très désagréable m'envahit. Quelque chose de noir, de très sombre et ténébreux. J'avais un mauvais pressentiment. J'accélérais le pas alors que plus j'avançais, plus les gens semblaient en proie à la panique devant moi. Les familles n'étaient pas à l'aise, les enfants sur le point de pleurer. Puis je le vis.

L'origine de cette panique était Kaleï, assis au sol et la manche ensanglanté. Je me précipitais vers lui en m'accroupissant, saisissant ses épaules devant son regard embué. Il n'allait pas bien. Pas bien du tout. Ni physiquement, ni mentalement.

- Bon sang Kaleï qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?! Qui t'a fait ça ?!

Je regardais partout autour de moi sans en voir le moindre coupable. Mais je voyais surtout qu'il y avait bon nombre de regards sur nous. Puis soudain une hypothèse émergea dans mon esprit. Le mauvais pressentiment. L'homme qui s'était précipité en me bousculant sur son chemin. Il devait être l'agresseur.

Je me retournais vivement dans sa direction en me levant. J'étais sur le point d elui courir après, mais je ne pus m'y résoudre. Je voulais venger Kaleï, de toute évidence. J'aurais frappé cet homme avant d'appeler la police pour le faire mettre sous les barreaux. Mais il y avait l'état de Kaleï qui m'inquiétait bien plus. Je ne pouvais pas le laisser ici comme ça.

- Allons sur ce banc là-haut. Tu peux te lever ?

Les regards me dérangeaient, et des enfants ne devaient pas voir une blessure si mauvaise. J'aidais Kaleî à se lever et l'emmenais sur ledit banc que j'avais repéré, un peu en retrait du parc. Je regardais sa blessure sans pouvoir y faire grand chose malheureusement. Il fallait d'abord qu'il récupère un peu avant que nous ne rentrions. Je pris sa main dans la mienne en tentant de me calmer un peu.

- J'ai croisé un homme étrange sur la route, c'est lui qui t'a fait ça ? Pourquoi ? Je n'y comprends rien Kaleï, quelqu'un te veut du mal ?

J'étais angoissé. Affreusement angoissé. Je ne voulais jamais perdre celui que j'aimais, et là quelqu'un avait... tenté de lui voler la vie ? Je pâlis horriblement. Je ne lâcherais plus Kaleï d'une semelle.

E

Ses mains sur mon col, me saisissant brutalement, et son oeil furieux planté dans les miens : c'était la vision que Kaleï m'offrait après ma demande d'explications sur sa blessure. Je le regardais, choqué, incapable de prononcer un mot devant son attitude. Quelque chose n'allait pas du tout, il avait totalement perdu les pédales. Mais heureusement bien vite il relâcha son étreinte, pâle comme la mort, pour mettre un furieux coup de pied dans le banc. Je grimaçais à sa place : ça allait lui faire très mal.

Je me redressais pour saisir son poignet et l'écarter de tout objet dans lequel il pourrait frapper. Mon geste était brusque mais Kaleï avait refusé toute marque de tendresse. Quand il était ainsi hors de lui, le mieux que je pouvais faire était de l'empêcher de se blesser jusqu'à ce qu'il se calme un peu. Mais jamais je ne l'avais vu dans une fureur si noire ; j'espérais ne pas avoir à en venir aux mains.

- Qui voudrait me faire du mal ? C’était juste un voleur qui a essayé de me piquer mon téléphone.

Un ton cynique, puis une excuse ridicule au vu de la valeur de son téléphone. De toute évidence il avait un véritable problème, très grave, et son esprit était divisé entre l'idée de me le balancer en pleine face ou de me le cacher. Je n'étais pas spécialement radin avec Kaleï, mais lui était du genre à ne pas abuser de mon argent. Alors voler son piteux téléphone portable quand des tas d'adolescentes de 14 ans se baladaient avec un smartphone, ce n'était pas très ingénieux.

- Ne te fiche pas de moi, ton téléphone ne vaut rien. Calme-toi un peu, d'accord ?

J'essayais d'être au plus calme et de me montrer à la fois autoritaire et rassurant. Même si cela n'allait pas pouvoir le calmer, je pouvais au moins éviter d'aggraver les choses.

- Tu devrais rentrer à la maison, je vais passer chez un médecin et rentrerait après.

Je soupirais en le regardant. Il pensait vraiment que j'allais croire à une ânerie pareille ? Nous étions supposés passer la journée ensemble, alors même s'il devait aller chez le médecin je ne voyais pas une seule bonne raison pour laquelle je ne l'y accompagnerais pas. Son sourire me confirma à quel point il était en train de me mentir. Deux solutions : soit il se sentait réellement mal et c'était sa réaction normale que de m'envoyer voir ailleurs, soit il voulait se débarrasser de ma présence. J'optais plus pour la deuxième idée.

- Comme si j'allais faire ça, ne me prends pas trop pour un imbécile, tu sais que je vois clair en toi.

Il prit alors ma main d'une manière que je détestai : on aurait presque dit qu'il ne voulait pas y penser, faire ça au plus vite pour ne même pas en avoir conscience. Quand il essaya de m'embrasser de la même façon je détournai la tête. Je ne voulais pas de ce genre de baiser. Je ne voulais pas de son affection feinte. A d'autres mais pas à moi.

Mais je ne retirais pas ma main puisqu'il finissait par la serrer un peu plus fort. C'était étrange comme Kaleï avait ce don de m'envoyer balader et de me retenir à la fois. A force d'être avec lui j'avais su décoder son langage parfois contradictoire, et là je savais qu'au fond de lui il voulait que je reste. Peut-être ne le savait-il même pas lui-même.

- Pardon pour ma réaction un peu vive. Je déraille un peu, l’adrénaline est un peu trop monté je suppose.

Je souris doucement en passant ma main dans ses cheveux, l'air compatissant. Il était vraiment un très mauvais menteur. Ce n'était pas du tout son genre que de m'agresser comme ça alors que je ne cherchais qu'à l'aider, il devait vraiment avoir perdu les pédales. Habitué à la bagarre comme il l'était à cause de son esprit un peu trop gentil et altruiste, ce n'était pas ça qui devait lui faire peur.

- Je te pardonne si tu me dis la vérité. Maintenant arrête d'essayer de mentir, ça crève les yeux. Dis-moi ce qu'il vient de se passer en rapport avec le type qui m'est rentré dedans.

Il se détacha alors de moi et je le laissais faire. L'étouffer de protection n'était certainement pas la chose à faire pour le moment, mais je surveillais bien ses gestes pour être sûr qu'il ne s'en aille pas. D'ailleurs je me levais et me plaçais devant lui, toujours assis sur le banc. Il ne partirait pas brusquement ainsi.

De toute évidence son souci avait un rapport avec l'homme qui m'avait inspiré un si mauvais pressentiment. A son évocation j'ai bien cru me prendre un poing en pleine figure. Kaleï semblait furieux après moi, comme si j'avais fait quelque chose de mal, mais pas autant qu'il ne l'était auprès de cet homme. Je réfléchis alors en fronçant les sourcils, comme à mon habitude. Qui pouvait-il bien être ? Qui pouvait inspirer une telle haine à Kaleï ? J'eus une illumination.

- Ce n'était quand même pas...?

J'aurais dû lui courir après. J'avais fait le mauvais choix en restant près de Kaleï, mais maintenant il était bien trop tard pour me précipiter sur ses pas. Il devait être très loin. La seule situation qui rendait Kaleï à ce point hors de lui, les seules fois où je l'avais vu perdre le contrôle à ce point, c'était à cause du meurtre de ses parents. Quand ils avaient été tués sous ses yeux, quand il l'avait découvert, et maintenant qu'il avait eu devant ses yeux le meurtrier de ses parents si mes conclusions étaient exactes.

Je me retournais furtivement pour voir si je l'apercevais, mais bien entendu ce ne fut pas le cas. J'avais laissé ce type s'échapper, et visiblement il en avait après la vie de Kaleï. Il avait essayé d'achever son travail... Je pâlis brutalement. Je me sentais mal. Très mal. Quelqu'un en avait après la vie de celui que j'aimais. C'était comme être dans le pire cauchemar qui soit, mais son côté réel enfonçant encore bien plus la situation dans les ténèbres et la pénombre. Avait-il des complices ? Peut-être Kaleï n'était-il pas en sécurité. Je saisis son poignet et le relevais sans le brusquer, plantant tout de même un regard autoritaire dans son oeil. Je détournais mon regard vers son oeil bandé. Cet enfoiré le lui avait pris. Et maintenant il voulait sa vie.

- On rentre. J'appellerais la police en arrivant, et tu ne t'éloignes pas de moi.

J'avais envie de vomir. On ne pouvait pas prendre la vie d'une personne si fantastique et indispensable. Il fallait que je le protège, peu importe le moyen. Si je devais y laisser ma vie je le ferais. Je regardais partout autour de nous pour m'assurer que personne de suspect ne traînait. Je vis un homme dans un stand nous observer mais il détourna bien vite le regard après que le mien l'eut fusillé.

- On rentre. J'appellerais la police en arrivant, et tu ne t'éloignes pas de moi.


J'avais saisi son poignet pour ne pas lui demander son avis, et malgré ma fermeté Kaleï se dégagea d'un coup sec. Je le regardais d'abord avec un air presque agacé mais son regard noir me fit réfléchir. Je vis ses yeux se remplir de larmes, à la fois de rage et de tristesse. Je devinais que son esprit devait totalement divaguer et que je ne pouvais pas y faire grand chose. Il était impulsif et j'allais finir par réussir à le calmer, mais pour le moment c'était compliqué. Chacun de mes agissements semblait être mal interprété.

- Tu ne comprends rien. Je ne veux pas rentrer et tu n’es pas mon père, tu n’as pas à me protéger ainsi.

Je me crispais en serrant les mains. Bon d'accord, là ce n'était pas mal interprété. Mais malgré tout je me sentais... réellement blessé. Non je n'étais pas son père, c'était vrai, mais j'en avais tenu le rôle pendant 7 ans. Même si j'étais effectivement son petit ami, je n'en restais pas moins son tuteur dans ma tête. Ce n'était pas qu'un statut officiel, c'était aussi l'envie de le protéger plus que ma propre vie. Mais ça ce n'était pas spécialement office de tuteur, c'était aussi car j'étais son petit ami et que je l'aimais plus que tout. Mais il ne semblait pas le voir de cet oeil.

- Je n'ai pas besoin d'être ton père pour vouloir te protéger.

Après qui Kaleï me tourna le dos. Je serrais les dents : ma simple vision semblait l'énerver. C'était blessant mais je n'avais pas grand chose à faire de ce qu'il pensait de ma présence à vrai dire. Je voulais simplement le protéger, qu'il le veuille ou non. Etait-ce égoïste ? Peut-être, mais ça ne changeait rien du tout à ma façon de le ressentir. Il était hors de question que je le laisse seul désormais.

Il plaça sa tête entre ses mains et je m'assis à côté de lui, une main sur sa cuisse. Je l'avais blessé en le rejetant tout à l'heure car je ne le pensais pas sincère, mais je devais m'être trompé. Je savais qu'en le retenant je lui avais pris ses chances de se venger, peut-être pour toujours. Mais je lui avais aussi éviter potentiellement la prison et tout un tas de problèmes. J'aurais voulu faire la peau à ce type moi-même, mais encore une fois je n'étais pas le père de Kaleï. Finalement, il me regarda de nouveau, déterminé.

- Rentre toi, moi j’ai des choses à faire.

Je soupirais en secouant la tête négativement. C'était hors de question, je n'allais pas rentrer chez moi. Et encore une fois Kaleï semblait avoir une réaction contradictoire. Il s'approcha de moi pour m'embrasser mais j'eus peur que ce soit encore pour simplement me faire taire et m'ordonner de déguerpir. Mais il semblait bien plus sincère que la première fois, alors je l'embrassais aussi tendrement en jouant doucement avec ses lèvres. Il s'écarta finalement en me souriant. Je n'étais pas rassuré.

- Je t’aime. Alors s’il te plaît rentre.

Je passais ma main dans mes cheveux sans retirer l'autre de sur sa cuisse. Il semblait être vaguement calmé par rapport à moi, mais toujours aussi déterminé à rechercher l'autre homme. Il fallait que je lui ôte cette folie de la tête. Sans détourner mon regard du sien je lui répondais alors. Il était hors de question que je m'en aille, peu importe combien il me le demandait.

- Je t'aime aussi Kaleï, et c'est exactement pour cette raison que je ne partirais pas.

Je n'osais plus retirer ma main de sa cuisse. J'avais peur que si je le faisais, il puisse partir subitement à la recherche de son agresseur. C'était ridicule de vouloir le retrouver ainsi. J'éprouvais la même sensation, probablement moins prenant que celle que Kaleï ressentait, mais ma logique me criait que ça n'avait aucun sens. Cet homme était armé et avait déjà commis un double meurtre, au minimum. Vu le milieu dans lequel il vivait et l'atrocité de ses actes sanglants, ce ne devait pas être le premier. Kaleï était un jeune homme certes fort, mais cela n'empêchait pas qu'il n'était pas armé et il n'était pas en mesure de tuer quelqu'un sans en ressentir de terrible conséquences.

- Tu n'iras pas le... Pardon. Ôtes-toi cette idée de la tête Kaleï. Il a dû prendre un taxi et il doit être très loin maintenant, tu ne le retrouveras pas. Et ça ne vaut pas le coup de finir en prison pour ça, je ne l'accepterais pas. Allons faire une déposition à la police, d'accord ? C'est le plus utile que nous pouvons faire.

Encore un peu et j'allais me comporter comme le père qu'il ne voulait pas que je sois. Aussi dur que cela soit, j'avais l'impression qu'il voulait rejeter ce rôle qui avait été le mien pendant si longtemps. Son tuteur n'avait plus lieu d'être et il allait falloir que j'enterre ça, c'était vraiment difficile de tirer un trait sur tout ça en sachant que Kaleï ne supportait plus cette partie de moi.

J'essayais alors de lui faire voir la logique des choses sans lui donner d'ordres. C'était comme ne plus l'avoir sous mon contrôle, je ne savais pas si j'aimais ça. Tant que j'étais son tuteur je pouvais prendre des décisions pour lui sans lui demander son avis car je savais que c'était le mieux pour lui. Mais désormais il aurait bientôt dix huit ans et officiellement je ne serais plus que dans l'obligation de lui verser une pension alimentaire, etc. Et Kaleï voulait que mon rôle d'ex-tuteur se limite à ça aussi visiblement. C'était injuste de ma part de vouloir le forcer à suivre mon avis, mais c'était plus facile je devais l'admettre.

Je pris ses mains dans les miennes et le regardais, véritablement inquiet. Je crois que même des larmes commençaient à envahir mes yeux. J'avais tellement peur de le perdre. Savoir qu'un homme traînait dans les parages en en ayant après la vie de Kaleï me tuait de l'intérieur. Je serais incapable de dormir, trop préoccupé par l'idée de le voir respirer pour toujours. Il fallait que cet homme soit arrêté. D'une voix un peu cassée, je le sommais :

- Je t'en prie Kaleï n'y va pas... Ce n'est pas le tuteur qui parle mais ton petit ami : je ne veux pas te perdre, et tu ne pourras rien faire contre un homme armé. Ne sois pas déraisonnable, te perdre me dévasterait...

Je baissais la tête, incapable de soutenir son regard. L'idée de le perdre m'étouffait d'angoisse. Je ne pouvais pas imaginer un monde où Kaleï Leilani ne respirait pas, où il ne me souriait pas, où il ne m'embrassait pas le matin en se réveillant. Ce n'était tout simplement pas possible. Je respirais doucement pour essayer de me calmer.

- Je t'aime aussi Kaleï, et c'est exactement pour cette raison que je ne partirais pas.

Je soupirais en secouant la tête avec exaspération. Il était idiot, il ne comprenait rien. Je ne voulais pas qu’il soit là et je ne voulais absolument pas réfréné ma rage contre le meurtrier de mes parents. Lui comment réagirait-il lui si il avait vu ses parents mourir ? Comment aurait-il réagis en rencontrant cet homme en liberté comme si pour lui rien ne s’était passé ce jour-là ? Je soupirais sans le regarder. Je savais qu’il ne voulait pas me faire souffrir…il voulait juste me préserver et je comprenais j’aurais probablement réagis de la même manière mais pour le moment je n’arrivais pas à penser tout cela totalement.

Je soupirais. Je passais ma main dans mes cheveux et soupirais encore une fois. Il fallait que je me calme sinon j’allais finir par l’agresser lui idiotement et ce n’était absolument pas ce que je désirais. Il me protégeait du mieux qu’il pouvait…il faisait de son mieux et je n’avais pas le droit de lui en vouloir.

- Tu es vraiment têtu, soupirais-je en posant ma tête dans mes mains.

J’avais vraiment envie de tenter de m’échapper. De désobéir à Zachary mais je ne voulais pas le blesser. Ca mains sur ma cuisse était un peu comme un verrou je suppose et je n’avais pas envie de le brisé en sachant que cela ferait souffrir Zachary. Je comprenais son comportement mais cela ne voulait pas dire pour autant que je l’approuvais…j’avais tellement envie de vengeance qu’il était dur de dire « d’accord, rentrons ».

- Tu n'iras pas le... Pardon. Ôte-toi cette idée de la tête Kaleï. Il a dû prendre un taxi et il doit être très loin maintenant, tu ne le retrouveras pas. Et ça ne vaut pas le coup de finir en prison pour ça, je ne l'accepterais pas. Allons faire une déposition à la police, d'accord ? C'est le plus utile que nous pouvons faire.

Je soupirai. Je déteste ça qu’il semble savoir ce qu’il y’avait de mieux à faire comme si je n’étais pas assez grand pour le constater tout seul. Je savais très bien tout cela, ce n’était pas pour autant que cela sortirais de mon esprit je me décalais un peu retirant sa main de ma cuisse. Je n’avais pas envie de contacte, j’étais trop énervé, j’allais finir par avoir une réaction violente juste pour m’apaiser et si cela continuait cela allait être dans la direction de Zachary. Il ne comprenait pas mon sentiment, je n’avais jamais dit qu’il était logique et « utile » c’était juste un besoin.

J’étouffais. J’avais l’impression que personne n’était capable de comprendre, que personne ne pourrait jamais. Ce n’était pas que je pensais qu’il n’était pas capable de me soutenir au contraire il avait toujours été là pour moi comme il était là aujourd’hui cependant…il ne comprendrait pas pourquoi je foncerais toujours tête baisser jusqu’à ce que cette homme soit mort. Je soupirais encore lasse en fermant les yeux.

- Fait comme tu veux, murmurais-je. De toute façon je n’irais pas, mon tuteur me l’a ordonné.

Je savais que ce n’était pas totalement le cas…mais j’avais envie qu’il comprenne définitivement que son rôle de tuteur était finis avec moi que ce n’était plus ça que je voulais. C’était juste son amour que je désirais. Et je suppose que j’avais aussi envie de me disputer…d’apaiser ma colère en me défoulant sur lui…je serais les doigts. J’étais un abruti, Zachary faisait son possible pour moi et j’avais envie de m’en servir comme défouloir…je me haïssais instantanément.

Me surprenant un peu je le regardais froidement quand il prit mes mains dans les siennes et détournait rapidement le regard. Si je savais que j’étais idiot et tentait de me maîtriser cela ne voulait pas dire que j’y arrivais parfaitement cependant je laissais mes mains dans les siennes. Mais je retournais les yeux dans sa direction surpris que ça voie semble si…cassé ?

- Je t'en prie Kaleï n'y va pas... Ce n'est pas le tuteur qui parle mais ton petit ami : je ne veux pas te perdre, et tu ne pourras rien faire contre un homme armé. Ne sois pas déraisonnable, te perdre me dévasterait...

Je serais un peu sa main maladroitement alors qu’il baisait le regard. Je ne savais plus quoi lui dire…je détestais le fait qu’il me dise être déraisonnable…comme si j’avais pensé l’être un seul instant. Je voulais juste que tout ça se termine et j’avais la sensation que tant que l’un de nous deux seraient vivant ce serai impossible que tout se termine.

Cependant je ne voulais pas lui faire de la peine. Il était là pour moi, il veillait sur moi, il avait tout fait pour me protéger et cela depuis des années je n’avais pas le droit d’aujourd’hui mettre ma vie en danger. Je redressais son visage du bout des doigts et posait mon front contre le sien en fermant mon œil valide. Je n’avais pas le courage d’affronter son regard…je savais que j’étais un gamin comparé à lui qui gérais calmement toute les situations, moi je me laissais toujours embarqués dans mes sentiments et mes impulsions.

- J’ai compris, soufflais-doucement. Je ne bouge pas…mais va falloir que tu m’occupe l’esprit si tu veux vraiment que je reste avec toi.

Je souriais négligemment en me redressant et en rouvrant les yeux. Pervers ? Sûrement. Mais c’était surtout pour le rassurer je me doutais bien qu’il n’y aurait rien entre nous, je serais trop brutale cela me servirait juste d’exutoire à ma colère c’était inutile. Cependant il fallait qu’il m’occupe l’esprit sinon…je serais les poings il fallait penser à autre chose impérativement sinon j’allais devenir fou de rage encore et encore.

Je me redressais et passais ma main sur mon bras en grimaçant un peu. C’était douloureux mais pas insupportable, ce n’était pas une blessure grave d’ici quelque jour il n’y aura presque plus aucune trace. Je ne savais pas si cela me convenait ou m’agaçait…au fond je ne voulais pas oublier je voulais me venger mais pour Zachary…le mieux à faire était d’oublier. Je fermais les yeux et prenait une profonde inspiration.

- Que fait-on ? Demandais-je ensuite en glissant mes mains dans mes poches. On rentre ? On va quelque part ? A toi de me dire ce que tu souhaites.

Mon esprit était accaparé à d’autre pensé que celle de faire autre chose, c’était à lui de trouver moi je savais ce que je voulais faire mais cela ne lui convenait pas alors c’était son problème. Je détournais le regard. Je m’énervais à nouveau. Il fallait que je me calme absolument…je regardais autour de moi en regardant la grand de roue…elle tourne en cercle, elle a de jolie couleur : rouge, vert, orange, jaune, bleu…je me concentre un instant sur les cabines qui monte et descendent. Je m’apaise un peu mais n’ose pas tourné le regard vers Zachary il me le rappelait bien trop.

Je restais donc face à la grande roue ne posant plus mon regard vers lui mal à l’aise. Je faisais mon possible pour être calme mais tout cela semblait bien vain. Je soupirais encore lasse en passant ma main dans mes cheveux je frottais vaguement mon œil bandés avec négligence et replaçais quelque mèche de cheveux qui me tombait devant le visage. Les choses étaient trop compliquées, trop douloureuses. Zachary aurait mieux fait de me laisser dans un orphelinat cela aurait été bien plus simples pour lui.

- On devrait rompre…

Je posais ma main devant ma bouche un peu surpris…mais au fond c’était le mieux non ? Moins de problème pour lui…et c’était ce qu’il voulait il y’a pas si longtemps…peut-être le voudrait-il toujours et que cette phrase lâché sur un coup de tête lui conviendrais. Je serais les doigts et regardait le ciel bleuté. Je déraillais je crois…ou peut-être pas je n’en sais rien. Mais je savais que Zachary pourrait avoir des regrets de m’avoir pris avec lui j’étais plus une charge qu’un plaisir. Je soupirais.

- Oublie ce que je viens de dire, dis-je doucement en reposant enfin mes yeux sur lui. Je suis un peu…perdue…

Mais je ne me justifiais pas je n’avais pas envie d’entendre qu’effectivement j’étais un boulet…juste un inconvénient à ma vie en tout cas pas tout de suite. Peut-être plus tard quand il aurait trouvé mieux que moi pour l’accompagné. Je serais douloureusement les doigts en repensant à ça…pourquoi les choses ne pouvait-elle pas être simples ?

- Fait comme tu veux. De toute façon je n’irais pas, mon tuteur me l’a ordonné.

Je serrais les dents. Il s'était déjà écarté et commençait à en avoir après moi visiblement. Quelque part je pouvais comprendre, ou plutôt imaginer les raisons de sa colère. Je détestais le meurtrier de ses parents car il avait tout pris à Kaleï, même l'un de ses yeux. Mais je ne pouvais pas le détester autant que le faisait Kaleï lui-même, c'était une évidence. Sans être en mesure de dire que je savais ce qu'il ressentait, j'imaginais aisément qu'il me détestait de le retenir de poursuivre cet homme.

- Quand tu seras un peu calmé tu ne m'en voudras plus autant.

J'essayais de faire l'impasse sur ce qu'il avait dit. Ce n'était plus qu'une question de mois avant que je ne sois plus son tuteur, et visiblement c'était ce que désirais Kaleï. C'était difficile pour moi de cesser subitement d'assumer ce rôle, et même douloureux car je voulais le protéger pour toujours, et ce sentiment ne changerait jamais en moi, même si désormais c'était davantage par amour déraisonné pour lui. Je devrais me faire à l'idée à partir de maintenant, et cela commença dès qu'il me jeta un regard terriblement froid quand je pris ses mains dans les miennes. Sa colère piqua chaque centimètre carré de ma peau.

Il détourna les yeux avant de me regarder de nouveau quand je pris la parole, la voix brisée. Alors que je lui exprimais mes sentiments, cette fois-ci il ne retira pas ses mains des miennes. Au contraire il les serra un peu, mais je ne pouvais vraiment pas dire si c'était parce qu'il était touché ou énervé. Il posa tout de même son front contre le mien, et quand je tentais de croiser son regard je me heurtai simplement à sa paupière close.

- J’ai compris. Je ne bouge pas…mais va falloir que tu m’occupe l’esprit si tu veux vraiment que je reste avec toi.

Son sous-entendu était pervers mais je doutais réellement que ce soit ce dont il avait envie pour le moment. Tout ce qu'il avait en tête était de retrouver le tueur et d'en devenir un lui-même. Je croisais cette fois-ci son regard et son sourire faussé. Je ne pus y répondre car son manque de sincérité m'attristait réellement : je savais très bien qu'il allait au plus mal.

- Tu as quelque chose de particulier en tête ?

J'essayais d'enchainer sur ses sous-entendus mais j'avais du mal. Evidemment je désirais toujours Kaleï, mais là j'avais surtout peur qu'il pète les plombs et s'en aille en courant en quête de vengeance. Ce n'était certainement pas le moment idéal, mais je doutais sincèrement que lui payer une barbe à papa serait suffisant pour lui faire oublier ce qui taraudait son esprit.

Le sexe était certainement un bien meilleur exutoire qu'une sucrerie, alors malgré mes recherches d'une autre solution, je devais admettre que celle-ci semblait être la meilleure. Je soupirais vaguement en me disant qu'à la fois le faire pour ce genre de raison n'était pas une bonne chose, mais aussi en me disant que j'étais bien le seul à pouvoir aider Kaleï de cette manière. J'étais définitivement très partagé sur la question.

- Que fait-on ? On rentre ? On va quelque part ? A toi de me dire ce que tu souhaites.

Il s'était redressé depuis un moment déjà et sa blessure semblait douloureuse. J'aurais voulu l'emmener immédiatement chez le médecin mais elle ne semblait pas profonde et l'idée n'avait vraiment pas l'air de le réjouir alors je décidais de le lui épargner pour cette fois. Il ne posait même plus son regard sur moi, à croire que je le rebutais. Je soupirais en passant ma main dans mes cheveux. Je détestais ne pas savoir comment gérer la situation, mais pourtant je devais cette fois-ci admettre être dépassé.

- Je souhaite que... nous rentrions à la maison je crois. C'est ce que nous avons de mieux à faire.
- On devrait rompre…

Mon coeur cessa de battre dans ma poitrine, comme transpercé par un pic glacial et aiguisé. Mon regard se vida de toute émotion, et ne se dirigea vers aucun objet ou objectif. Kaleï voulait rompre avec moi. J'avais gaffé, je n'arrivais pas à gérer la situation. Ou bien étais-je trop ancré dans mon rôle de tuteur et cela l'agaçait au point de ne plus m'aimer ? Ma gorge était totalement nouée. Je ne sus lui répondre. Je crois que j'avais même oublié comme respirer.

- ... Tu me donnes une raison avant de balancer une chose pareille ?

Le son sortait difficilement d'entre mes lèvres tant ma gorge semblait être entortillée sur elle-même. C'en était physiquement douloureux. C'était un fait incroyable que de ressentir physiquement les douleurs mentales les plus profondes, et pourtant tout mon corps me tuait de douleur.

- Oublie ce que je viens de dire. Je suis un peu…perdue…

Je me redressais du banc en secouant la tête dans un long soupir. Kaleï tu es un imbécile : comme si je pouvais oublier ce genre de paroles en l'espace d'un instant. Mais je ne le formulais pas à haute voix car je ne voulais pas avoir tort. Je mettais son comportement sur le compte des évènements d'aujourd'hui et non sur ses sentiments. Peut-être me leurrais-je, oui, mais je ne voulais pas que ce soit le cas.

- Je peux comprendre que tu sois perdu, mais ça ne te donne pas le droit de me dire ce genre de chose... Enfin passons, ce n'est pas dramatique tant que tu ne le veux pas réellement.

Je rapprochais alors son corps du mien. Je savais que Kaleï avait quelques inquiétudes depuis le jour où j'avais essayé de rompre avec lui. J'avais été un idiot et cette situation ne devrait plus jamais se reproduire, j'avais maintenant conscience de la force de mes sentiments et du fait qu'ils ne pouvaient être contrés par rien au monde. Je posais ma main sur sa joue pour déposer un baiser sur ses lèvres. Devant les passants du parc. Je voulais montrer qu'il était mien désormais, à moi et simplement à moi.

Je nouais sa main dans la mienne et plongeais mon regard dans son oeil. Il avait souffert à cause de cet homme qui lui avait tout pris. Il avait perdu ses parents à cause de celui qui lui avait infligé cette blessure à la fois à l'oeil et au bras désormais. Je savais que la tendresse risquait d'agacer Kaleï plus qu'autre chose dans ces circonstances, alors je serrais simplement plus fermement sa main avant de m'éloigner un peu de son corps.

- Rentrons à la maison maintenant, fis en mordant le haut de son oreille un peu brutalement mais sans douleur. Je vais te faire penser à autre chose, fais-moi confiance.

Je l'entrainais alors derrière moi en regagnant le chemin de notre maison. Je restais toujours sur mes gardes, à l'affût de la moindre personne suspecte sur notre chemin et peut-être avais-je effrayé quelques passants avec mes regards noirs. J'avais peur pour Kaleï. Si peur. Si cet homme savait où nous habitions ? S'il brisait une vitre pour rentrer chez nous ?

Je mourrais d'inquiétude pour la vie de celui que j'aimais. Je crois que j'aurais voulu tuer cet homme de mes propres mains. En tout cas une chose était sûre, je le voulais mort. Mais ça, je ne pourrais pas l'obtenir. Dès le lendemain, j'emmènerais Kaleï au commissariat pour porter plainte, en espérant que l'homme soit vite retrouvé.

- Je t'aime Kaleï, je ne te laisserais jamais tomber.