J’attends l’ascenseur. Tandis que les meufs attendent l’amour qui ne viendra sans doute jamais, du moins pour toujours, que les mecs attendent la sortie du prochain Battelfield, que les femmes en cloques attendent d’accoucher, que les hommes de bureau attendent une promotion qui ne viendra jamais de la part de leur employeur grassouillet, et que les gosses attendent de savoir marcher, moi, Craig Stevenson, j’attends un putain d’ascenseur. Le pire c’est que le con n’arrive pas. Quoi, il transporte trois américains en surpoids pour buguer autant ? Je soupire en mon for intérieur tandis que j’appuie une nouvelle fois sur le bouton d’appel. À croire que je vais rester ici encore longtemps. D’ailleurs si je monte dedans, il va à tous les coups bloquer. Remarque, au moins je raterais des heures de cours.

Je retiens un « Alléluia » de soulagement lorsque les portes daignent enfin s’ouvrir en grinçant, tels des ongles grattant sur un tableau. Je m'engouffre à l’intérieur, où il n’y a personne. S’il met autant de temps avec personne, qu’est-ce que ça va être avec moi ….. ? Et avec l’autre personne qui semble sur le point de monter elle aussi…?

Franchement, cette journée promet d’être…. Banale.

On était pratiquement tous KO, notre professeur de sport était légèrement stricte et folle. Elle nous faisait faire cinq tour de terrain, moi, soit je les faisais, soit pas du tout et je me mettais à marcher par flemme de courir. Tout ça pour.. faire handball après quoi. J'sais pas moi j'aurai préféré faire foot ou basket. J'les battais tous à mooort n'empêche. Mais bon, quand on se la jouait perso, on nous sortait, c'était mon cas. 20 minutes sans jouer c'était atroce. Limite je suppliais le professeur a genou pour qu'elle change d'avis. Le problème était que j'ai joué plusieurs fois d'affilé sans prendre une pause ensuite, et ça, c'était hard. Énervé de cet acharnement inutile, je me rends au vestiaire pour me doucher et me changer et me rends finalement au bâtiment.

Grosse flemme de prendre les escaliers, je me dirige vers l'ascenseur. Je devais me rendre aux douches privés des dortoirs, qui se trouvaient dans les couloirs. Je devais me sécher les cheveux. Si c'important, je devais me coiffer, là je n'avais même pas de serviette pour me sécher les cheveux, heureusement que j'avais mon peigne par contre hein. Bref, je vois un mec qui rentre alors je me dépêche à l'intérieur. J'appuie finalement sur le bouton qui mène à l'étage pour que les portes se ferment ensuite. Ça démarre, et là, d'un coup bam. Ça s'arrête, les lumières s'éteignent. Je déglutis un peu inquiet, espérant vraiment que je n'allais pas être bloqué. Je ne supporte pas, et ça m'est déjà arrivé d'attendre deux heures parce que l'alarme ne marchait pas. J'attends un peu me disant que ça allait redémarrer ou quoi..

- Heu.. il s'passe quoi là sérieux ? On est quand même pas bloqué si ?

Je tentais d'appuyer encore une fois, puis plusieurs, donnant des coups à la porte mais rien y fait. Je soupire et m'assois sur le coin en croisant les bras.

- Hey toi, fais quelque chose. Moi j'abandonne mec.

Ok, j'abandonne peut-être un peu trop vite mais je savais que ça n'allait rien faire. Au bout d'un moment quelqu'un se rendra un peu compte que l'ascenseur ne s'ouvre pas, et appellerons un technicien.

L’ascenceur se ferme en grinçant encore plus fort qu’avant, et se met en marche. Je me suis adossé contre le côté latéral opposé aux boutons. J’ai juste envie de sortir de là, et vite. Je ne suis pas seul, je le sais, il y a l’autre mec qui est monté avec moi aussi. Et je n’ai pas envie, mais alors pas du tout de rester dans un endroit aussi confiné avec quelqu’un trop longtemps. Enfin, il ne semble pas avoir envie de lancer un semblant de discussion, alors tout va bien. Pour l’instant.

Mais je suis Craig Stevenson, et je suis né avec cette espèce de malchance qui fait que, si je monte dans un ascensceur avec quelqu’un d’autre avec qui je n’ai pas envie de spécialement parler, je vais à tous les coups rester bloqué. Et c’est ce qui arrive. Un «zouip » et un ébranlement de l’appareil, et les lumières s’éteignent. Je retiens un juron. Il fallait que ça arrive. Il fallait que je sois aussi malchanceux que ça. Il fallait que ce mec soit ici, avec moi, quand ce truc se bloque. Pour le coup, j’aurais limite préféré être seul.

- Heu.. il s'passe quoi là sérieux ? On est quand même pas bloqué si ?

Et pour ne rien arranger, l’autre commence à tenter de taper la causette. Je regarde le sol, le visage impassiblemment neutre. Faire semblant de ne pas avoir entendu, c’est la meilleure solution pour l’instant. C’est quand même ironique de se dire que je pense plus à éviter un contact avec ce mec plutôt que d’essayer de trouver une solution pour sortir de cet ascenceur visiblement bloqué.

Je le regarde d’un œil essayer d’enfoncer la porte et de réappuyer sur le bouton, pour finalement renoncer et s’asseoir dans un coin de l’ascenceur, les bras croisés.

- Hey toi, fais quelque chose. Moi j'abandonne mec.

Son ton me fait penser qu’il pourrait aussi bien s’adresser à un chien, ce serait du pareil au même. Je n’ai pas tellement envie de lui obéir… Mais rester coincer ici avec lui serait le signe d’une éventuelle discussion. Je pèse rapidement le pour et le contre, et j’opte pour la première option.

Je m’avance et appuie sur le bouton d’alarme. Rien. J’ai bien mon portable, mais je n’ai personne à appeler….. A part cette fille. Mais je n’ai pas vraiment envie de la déranger non plus. Je soupire et lève les yeux vers le plafond de l’ascenceur. Il n’a pas l’air solide, et avec quelques coups donnés dessus, il peut céder facilement.

Mais évidemment je suis trop petit pour l’atteindre. Nouveau soupir de ma part. Le sort ne joue pas en ma faveur. Je vais être sans doute obligé de lui parler. Je prends mon courage à deux mains et articule avec toutes les peines du monde.

- Euh…. Tu veux bien m’aider à-à-à….

Bravo. J’ai l’air d’un dyslexique maintenant.